Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Tencin (Claudine Alexandrine Guérin de, dite Mme de)

Écrivain français (Grenoble 1682 – Paris 1749).

Religieuse malgré elle, elle s'enfuit à Paris. Des ambitions politiques la poussèrent à devenir la maîtresse du Régent, de Dubois et d'autres hauts personnages. Elle rassembla dans son salon les plus grands noms des lettres et des arts, parmi lesquels Fontenelle, Montesquieu, Prévost et Marivaux. Elle publia des romans sensibles, les Mémoires du comte de Comminges (1735) et les Malheurs de l'amour (1747), le Siège de Calais (1739) et Anecdotes de la cour et du règne d'Édouard II roi d'Angleterre (1776). D'une de ses liaisons elle eut un fils qu'elle ne reconnut pas, et qui fut d'Alembert.

Tendriakov (Vladimir Fiodorovitch)

Écrivain russe (Makarovskaïa 1923 – Moscou 1984).

Après des récits extrêmement convenus, la Chute d'Ivan Tchouprov (1953) propose une analyse nuancée, autour de la figure du président d'un kolkhoze qui lèse l'État dans l'intérêt de son village, du problème de la conscience individuelle, de la trahison. Les récits de Tendriakov peignent – trop schématiquement, parfois – une humanité mise par les imperfections de la société à l'épreuve de situations cruciales (Pas à sa place, 1954 ; le Nœud coulant, 1956 ; l'Icône miraculeuse, 1958 ; l'Éphémère, 1965 ; le Décès, 1968 ; la Nuit du bac, 1974). Le beau peut constituer un moyen d'accéder à la vérité, mais il est tributaire lui aussi d'un contexte historique : Rendez-vous avec Néfertiti (1964) aborde sans complaisance les problèmes de l'art soviétique au temps des « déviations » du culte de la personnalité. L'utopie ne tient pas face à la réalité (Sur l'île bienheureuse du communisme, 1987 ; Attentat contre les mirages, 1989).

Tendulkar (Vijay)

Auteur dramatique indien de langue marathi (Kolhāpur 1928 – Pune 2008).

Il décrit les problèmes de la classe moyenne avec un réalisme saisissant. Ses pièces ont inspiré plusieurs films, notamment Cimanice ghar hote menace, 1960 ; Santata ! kort calu ahe, 1969 ; Gidhade, 1970 ; Asi pakhare yeti, 1970 ; Pahije jatice, 1976 ; Kamla, 1981. Sa pièce la plus célèbre, Ghasiram kotval (1972), a suscité une polémique : une histoire de séduction sert de prétexte à une violente critique du pouvoir brahmanique et de la corruption des milieux dirigeants.

Tengour (Habib)

Poète algérien de langue française (Mostaganem 1947).

Enseignant en sociologie à l'université de Constantine, puis à Paris. Enfance dans l'émigration. Il mêle dans son écriture les genres et les cultures, et sait être à la fois grave et ludique (Tapapakitaques. La poésie-île, 1976 ; l'Arc et la Cicatrice, 1983 ; Sultan Galiev ou la rupture des stocks. Cahiers 1972-1977, 1983 ; le Vieux de la montagne : relation, 1977-1981, 1983 ; l'Épreuve de l'arc, « Séances », 1990 ; Gens de Mosta. Moments, 1990-1994, 1997). Le jeu intertextuel souvent savant qu'il y pratique détourne cependant fort injustement de cette œuvre les lectures réductrices ou exotiques.

Tennyson (Alfred, lord)

Poète anglais (Somersby, Lincolnshire, 1809 – Aldworth, Surrey, 1892).

Fils de pasteur, il débute avec un de ses frères (Poèmes de deux frères, 1827), mais doit interrompre ses études (1831) malgré la célébrité de ses Poèmes surtout lyriques (1830), dont la tonalité mélodique masque et révèle un désespoir sans cri. Ce recueil et celui que Tennyson fait paraître en 1833 seront, une quinzaine d'années plus tard, une source d'inspiration majeure pour les peintres préraphaélites, notamment le poème consacré au personnage mythique de la Dame d'Escalot. Les Poèmes de 1842 mêlent la poétisation de l'actualité immédiate au romanesque « éternel », multipliant les allusions au « mal de vivre ». Dans la Princesse (1847), long poème narratif, Tennyson imagine une université féminine. In memoriam (1850), recueil d'élégies, exprime la douleur dans laquelle l'a plongé la mort de son ami Arthur Hallam, survenue en 1833 ; face aux doutes semés par la science, seule l'expérience du deuil ranime la foi en l'immortalité de l'âme. Succédant à Wordsworth comme poète lauréat, Tennyson revient au mélodrame narratif avec Maud (1855), Tithonus (1860), Enoch Arden (1864), Queen Mary (1875), Ballades et autres poèmes (1880), Tiresias (1885), Demeter (1889) et la Mort d'Œnone (1892). Entre 1842 et 1885, il élabore l'ambitieux volume intitulé les Idylles du roi, série de douze récits en vers sur des thèmes arthuriens. La version définitive inclut un premier fragment, la Mort d'Arthur, publié en 1842, et quatre textes de 1859 (Geraint et Enid, Merlin et Viviane, Lancelot et Elaine, Guenièvre), peu à peu complétés par d'autres aventures liées au mythe de la Table ronde. Les drames historiques de Tennyson (Queen Mary, 1875 ; Becket, 1884) expriment les élans insatisfaits de la nation. L'art est consolateur, la vie impossible, la noblesse, même vaine, sauve. Face aux éclats de vitalité de Browning et presque toujours sur les mêmes thèmes, Tennyson incarne toute la mélancolie victorienne. Après sa mort en 1892, l'Angleterre resta pendant quatre ans sans poète lauréat, jusqu'à ce que soit choisi Alfred Austin (1835-1913), poète de seconde zone.

Tepl (Johannes von)

Écrivain allemand (mort à Prague en 1415).

On ne connaît de cet auteur, sinon son dialogue en prose, le Laboureur de Bohème (1401). L'œuvre se présente sous la forme d'un procès que l'auteur, « laboureur qui se sert d'une plume en guise de charrue », intente à la Mort qui vient de lui ravir son épouse. Aux accusations véhémentes du « laboureur », la Mort répond par l'ironie, en faisant appel à la raison du plaignant ou en l'exhortant à supporter l'inéluctable. Dieu enfin tranche : le laboureur, qui s'est bien battu, s'en tire avec les honneurs, mais la victoire revient à la Mort. Dans ce texte, on sent nettement les signes annonciateurs de la Renaissance.

Ter Braak (Menno)

Écrivain hollandais (Eibergen 1902 – La Haye 1940).

Fondateur (1924) de la revue Forum, avec Du Perron et Roelants, et directeur littéraire (1933) du quotidien Het Vaterland, il publie des essais, directs et lucides, sur les problèmes culturels et sociaux de son temps. Ses œuvres (le Carnaval des bourgeois, 1930 ; la Beauté démasquée, 1932 ; le Deuxième Visage, 1935), respirent l'individualisme rebelle, repoussant toute conception bourgeoise, intellectuelle ou artistique même. Un des premiers à prendre conscience du danger hitlérien, il se donne la mort en mai 1940.