Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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farce

Principale forme, avec la sottie, du théâtre comique médiéval, la farce tire son origine des monologues comiques, des sermons joyeux des jongleurs, héritiers des mimes latins, et des scènes bouffonnes dont on « farcissait » (d'où le nom de farce) la représentation des mystères. Mais, alors que la sottie est une pièce fondamentalement symbolique, moralisatrice ou d'actualité politique, la farce ne cherche que la peinture satirique de la vie quotidienne (le Garçon et l'Aveugle, XIIIe s. ; la Farce de Maître Pathelin, v. 1465), elle repose sur des personnages schématiques incarnant des fonctions sociales (mari, femme, valet, etc.), confrontés à un comique de situation et de langage. La farce est toujours définie comme une forme primitive et grossière qui ne saurait s'élever au niveau de la comédie : la redécouverte par Bakhtine du comique de la farce (la farce serait du côté du réalisme et de l'expression spontanée du corps, tandis que la comédie relèverait de l'idéalisme et de la convention) prolonge cette vue même si sa valorisation est inversée.

   En 1657, Scarron se félicite que la farce, genre « bas », soit « comme abolie » à Paris, au profit d'un théâtre de plus haute tenue, purgé de tout ce qu'elle avait de « licencieux ». Vision quelque peu idéaliste : en réalité la farce, héritière du comique « gaulois » mais revivifiée par la commedia dell'arte, a connu de beaux jours tout au long du grand siècle, aussi bien dans la rue (sur les fameux tréteaux du Pont-Neuf à Paris) que dans les meilleurs théâtres (à l'Hôtel de Bourgogne, souvent en complément de spectacle). Non seulement la farce est un genre qui a ses auteurs propres, et surtout ses auteurs-comédiens à succès, véritables vedettes de la vie théâtrale, mais elle est une composante indissociable du comique de Scarron lui-même et de Molière, qui n'a jamais renoncé, malgré les gronderies des prudes et des doctes, à la mêler à ses pièces les plus sérieuses.

   Le premier XVIIe siècle lui fut plus particulièrement favorable : successivement les farceurs Bruscambille, Gaultier-Garguille, associé à Gros-Guillaume et Turlupin (ses plaisanteries assez salées, les turlupinades, furent de mode un temps parmi les mondains), puis Guillot-Gorju firent rire le public de l'Hôtel de Bourgogne. Tabarin, vanté par La Fontaine et copié par Molière, resta acteur de rue et de tréteaux : bateleur, bonimenteur, il composait de véritables saynètes où son agilité paradoxale (il était fort gros) et sa bouffonnerie faisaient merveille. L'acteur de farce le plus célèbre reste Jodelet, barbu, moustachu et ahuri, dont le nom passa nom commun (« badin, folâtre, qui fait rire par ses sottises »), qui inspira T. Corneille et Scarron (Jodelet ou le Maître valet, 1645), et joua pour Molière. Ensuite, la farce se renouvela sous la forme de petites comédies en un acte, souvent œuvres de circonstance de comédiens (Brécourt, Chevalier, Dorimond, Villiers, Monfleury, Poisson). Le mépris affiché des doctes pour la farce ne doit pas faire oublier que l'âge dit « classique » a su y trouver plaisir.

   Le genre disparaît au XVIIIe siècle. Mais au XIXe siècle des auteurs de vaudeville comme Labiche, Feydeau ou Courteline, et le théâtre de l'absurde du XXe siècle (Ionesco, Beckett) perpétuent la tradition d'un comique brut et du non-sens. La farce doit sa popularité à son contenu essentiellement gestuel et à la technique corporelle très élaborée qu'elle exige de l'acteur.

Farès (Nabile)

Écrivain algérien de langue française (Collo 1940).

À mi-chemin du roman et du poème, son œuvre (Yahia, pas de chance, 1970 ; Un passager de l'Occident, 1971 ; le Champ des oliviers, 1972 ; Mémoire de l'absent, 1974 ; l'Exil et le Désarroi, 1976 ; la Mort de Salah Baye, 1980 ; l'État perdu (précédé de) Discours pratique de l'immigré, 1982) s'inscrit toute entière dans la blessure de la « Découverte du Nouveau Monde », dont la violence finit par rendre aphasique. On lui doit aussi des poèmes (le Chant d'Akli, 1972).

Faret (Nicolas)

Écrivain français (vers 1596 – 1646).

D'abord avocat et poète, il se rend à Paris et devient secrétaire d'Henri de Lorraine, gentilhomme de la chambre de Monsieur (1626), puis conseiller secrétaire du roi (1643). Il publie un Recueil de lettres (1627) et rédige le premier programme de l'Académie française. Son Honnête Homme ou l'Art de plaire à la cour (1630) développe un ensemble de maximes morales et pratiques destinées à fixer la politesse des honnêtes gens du Grand Siècle.

Fargue (Léon-Paul)

Poète français (Paris 1876 – id. 1947).

Fils d'une couturière et d'un ingénieur qui ne le reconnut légalement qu'à l'âge de 16 ans – frustration dont il souffrit toute sa vie –, lecteur insatiable doué d'une grande mémoire, élève de Mallarmé (dont il fréquentera plus tard les « mardis ») au Lycée Condorcet, puis condisciple de Jarry et de Thibaudet au lycée Henri-IV (1892), il mène très tôt une vie de dilettante noctambule et bohème. Dans l'effervescence de la Belle Époque, il fréquente les milieux artistiques et littéraires (il rencontre Claudel, Valéry, H. de Régnier, M. Schwob) et fait le bonheur des salons pour sa drôlerie caustique et son sens de l'observation. Son parcours va toutefois « d'une euphorie prometteuse au sentiment de naufrage » (Pierre Loubier). Il débute avec un roman poétique, Tancrède (écrit vers 1895, paru en 1911), marqué par le symbolisme régnant. Dès 1894, il donne plusieurs poèmes à l'Art littéraire et à la revue Pan. Son premier recueil, Poèmes (1905), autant qu'une reconnaissance de dette (Baudelaire, Laforgue, Mallarmé), est un exercice virtuose où musicalité, typographie – ces fameux points de suspension qui n'en comptent que deux – et alexandrins blancs concourent à la beauté d'un chant qui n'échappe ni à Alexis Léger ni à Valéry. La gravité (la mort de son père l'a considérablement affecté) n'en est pas absente. Suivra Pour la musique (1912). Réformé, il ne participe pas à la Grande Guerre. Curieux à l'égard du surréalisme (Breton le dit « surréaliste dans l'atmosphère ») sans rejoindre le groupe, il connaît succès et consécration (académie Mallarmé) et devient littérairement influent (directeur avec V. Larbaud et P. Valéry de la revue Commerce à partir de 1924). Après Banalité, Vulturne, Épaisseurs (1928), Espaces (1929) relève d'une inspiration plus ample et plus inquiète, qui se satisfait de moins en moins des vertus supposées de l'intelligence, à laquelle il oppose – ce sont les maîtres mots – la sensation et l'instinct, une fantaisie verbale toute en jubilation et invention, le ton de la fable ou les allures de comptines. Les publications se succèdent : Sous la lampe, les Ludions (1930), D'après Paris (1932), le Piéton de Paris (recueil de chroniques, 1939), Haute Solitude (1941). Marié au peintre Chériane en 1935, il est frappé d'hémiplégie en 1943, mais garde jusqu'à sa mort une activité littéraire intense (Refuge, 1942 ; la Lanterne magique, 1944 ; Méandres, 1946 ; Portraits de famille, 1947). Observateur minutieux d'un quotidien éclaté en mille facettes, il évoque les lieux de Paris, les objets, les personnes des milieux les plus divers dans un registre parfois proche du fantastique angoissant, le plus souvent nostalgique.