Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Šimáček (Matej Anastazia)

Écrivain tchèque (Prague 1860 – id. 1913).

Promoteur du réalisme en Bohême, il a exprimé notamment dans ses romans (les Frères, 1889 ; les Carnets de Filip Kořínek, étudiant en lettres, 1893-1897 ; les Lumières du passé, 1900 ; les Cœurs arides, 1904 ; Je veux vivre, 1908) ses préoccupations sociales et morales et l'intérêt qu'il portait à l'évolution de la bourgeoisie et des ouvriers de Prague.

Simak (Clifford D.)

Écrivain américain (Millville, Wisconsin, 1904 – Minneapolis 1988).

Sa nouvelle intitulée City (1944), publiée en 1951 sous forme de roman (Demain les chiens), constitue le point de départ de l'une des fresques les plus remarquables de la science-fiction. Empreint d'une grande nostalgie, le récit rapporte les légendes relatives à la race mythique des humains, lointains prédécesseurs des chiens. Toute la suite de l'œuvre de Simak, dont le ton et le système de pensée sont dès lors en place, pose le problème de la succession d'une humanité menée à la faillite par son fourvoiement dans l'impasse technologique et urbaine. La plupart de ses récits entrevoient le dépassement serein d'une humanité bornée, sa mutation décisive ou sa disparition dans une fusion cosmique débouchant sur la prolifération des pouvoirs psychiques et une sorte de fraternité universelle de toutes les créatures vivantes (Dans le torrent des siècles, 1951 ; Au carrefour des étoiles, 1963 ; Héritiers des étoiles, 1977). Simak porte un regard de plus en plus théorique sur la relation entre l'être vivant et son environnement naturel (Mastodonia, 1978 ; les Visiteurs, 1980 ; Au pays du mal, 1982 ; la Planète des embûches, 1983).

Simenon (Georges)

Écrivain belge de langue française (Liège 1903 – Lausanne 1989).

Ayant débuté à 16 ans comme journaliste à la Gazette de Liège (il y tient la rubrique des faits divers mais y donne déjà des contes, souvent érotiques), il quitte la Belgique en décembre 1922 pour s'établir en France, à Paris d'abord, plus tard en province. Il parcourt l'Europe et l'Afrique d'où il rapporte des reportages pour la grande presse. De 1945 à 1955, il vit en Amérique (Canada, États-Unis). De retour en Europe, il se fixe définitivement en Suisse romande : à Échandens, à Épalinges, puis à Lausanne.

   Après un premier roman de mœurs locales, Au pont des Arches (publié à Liège en 1921), Simenon se consacre, à Paris, à une abondante production paralittéraire qui lui permet de vivre, en l'aidant à se faire la main : environ un millier de contes légers destinés à des publications galantes ou humoristiques et quelque 200 romans pour collections à bon marché, le tout sous 17 pseudonymes enregistrés à la Société des gens de lettres. Le plus connu, Georges Sim, l'impose dans le genre policier en même temps que dans les faveurs d'un large public. Un contrat avec l'éditeur Arthème Fayard, au moment où Simenon vient de créer le personnage du commissaire Maigret, détermine le lancement d'une longue série de romans qu'il inaugure en 1932 avec Pietr-le-Letton, signé cette fois de son nom. C'est de la même année, avec le Relais d'Alsace, que date l'orientation vers ce qu'il a appelé le Roman de l'homme (1980). La période des romans populaires est close définitivement en 1930 avec l'Évasion.

   Désormais, Simenon va mener parallèlement, au rythme de plusieurs titres par année (neuf en 1931, quatre en 1971), la double série des « Maigret » et des « non-Maigret » qui totalise 193 romans, plus quelques dizaines de contes et de nouvelles. L'ensemble est aujourd'hui réuni dans les 72 volumes des Œuvres complètes parus, sous la direction de Gilbert Sigaux, aux éditions Rencontres à Lausanne de 1967 à 1973.

   Ayant pris ses distances avec son « métier » de romancier en 1972, Simenon n'a pas renoncé pour autant à s'exprimer : au magnétophone d'abord, qui enregistre, après Lettre à ma mère (1974), les « dictées » des 21 volumes publiés de 1975 à 1981 ; ensuite par un retour à l'écriture, dans les Mémoires intimes suivis du Livre de Marie-Jo (1981), où il renoue avec l'autobiographie qu'il avait déjà abordée à deux reprises : Je me souviens (1945) – début embryonnaire du roman Pedigree (1948) – et Quand j'étais vieux (1970).

   Simenon, à travers de multiples interviews, s'est souvent expliqué tant sur son régime de création (qui lui permet d'écrire un roman en quelques jours : 8 chapitres en 8 jours le plus souvent) que sur ses sources d'inspiration issues du besoin viscéral d'atteindre « l'homme nu », sans égard pour sa condition sociale, de découvrir la faille secrète qui l'oblige à « aller jusqu'au bout de lui-même ». De là, à travers des situations variées rendues attachantes par l'atmosphère qui les imprègne, un récit dont le début contient le germe des développements qui constitueront la trame de l'œuvre. Cet élément initial et déterminant est souvent une mort violente, un acte inattendu, parfois moins encore, mais en général un événement qui vient rompre le déroulement quotidien de l'existence. Le rôle de la mort (crime ou suicide) a longtemps rapproché la série des « non-Maigret » de la série des Maigret. Ce qui distingue cette dernière du roman policier au sens strict – son poids humain – est aussi ce qui a donné à la première sa propension au tragique. Les romans de la destinée tendent vers une certaine homogénéité en raison de ce qui assure à l'œuvre de Simenon l'unité de sa démarche : approfondir la connaissance de l'homme par la part d'inconnu que l'homme porte en lui. Autour de cette recherche s'ordonne une gamme de thèmes dont la matrice, pour nombre d'entre eux, est Pedigree, épopée en grisaille des petites gens autour d'une enfance liégeoise et, au-delà, roman de la cellule familiale préfigurant celui de la relation de l'individu à son entourage et à la société il est d'ailleurs tout à fait remarquable que Simenon ne bâtisse ses récits que vers l'arrière, vers l'enfance des héros. À travers le fourmillement de vie où évoluent ses personnages, Simenon reste aussi fidèle à une image de l'homme saisi dans ses motivations essentielles. Dépouillée de l'accessoire, sans complaisance pour le pittoresque régional ou exotique, l'humanité qu'il peint n'a d'égal que son universalité. C'est ce qui a valu un succès mondial à ses romans, lesquels se prêtent d'autant mieux à la traduction que la langue en est simple, directe, concrète. Bien que l'auteur du Testament Donadieu (1937) se soit toujours défendu d'être un littérateur, dès 1938 André Gide voyait en lui « le romancier le plus romancier-né d'aujourd'hui ». Simenon met au service d'un instinct créateur puissant et d'un don prodigieux à restituer la qualité des sensations une grande économie de moyens et l'efficace d'un style qui fait oublier sa propre transparence (le Chien jaune, 1931 ; les Fiançailles de M. Hire, 1933 ; l'Homme de Londres, 1934 ; le Bourgmestre de Furnes, 1939 ; les Inconnus dans la maison, 1940 ; la Veuve Couderc, 1942 ; le Bilan Malétras, 1948 ; la Mort de Belle, 1952 ; le Bateau d'Émile, 1954).

   Réduisant la spécificité du récit policier (l'énigme est décentrée au profit de la description d'un milieu et d'un destin) tout en fondant ses romans « psychologiques » sur des données criminelles, unissant la peinture d'un monde banal et terne à celle de la déviance, combinant dans une même mythologie les stéréotypes sociaux (petite-bourgeoisie, fonctionnaires) avec des types accusés (Maigret, le monde des canaux et des péniches), Simenon a créé une sorte de « roman moyen », un « multiple » romanesque, au sens que le mot a dans les arts plastiques : un même schéma est repris et multiplié, mais, en parcourant la diversité des lieux et des situations sociales possibles, cette structure obsessionnelle se trouve en quelque sorte « personnalisée » au niveau du lecteur.