Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
F

Fallaci (Oriana)

Écrivain italien (Florence 1929 – id. 2006).

Journaliste politique, elle témoigne de son engagement passionné dans ses écrits, qui mêlent habilement émotion, réflexion et actualité politique (le Sexe inutile : voyage autour de la femme, 1961 ; Pénélope à la guerre, 1962 ; les Abusifs, 1963 ; la Vie, la guerre et puis rien, 1969 ; Lettre à un enfant jamais né, 1975 ; Un homme, 1979 ; Inchallah, 1990).

Fallada (Rudolf Ditzen, dit Hans)

Écrivain allemand (Greifswald 1893 – Berlin 1947).

Il sut conquérir un public nombreux grâce à des romans où il met en scène de « petites gens » : bureaucrates en quête d'emploi (Et puis après ?, 1932), détenus en mal de réinsertion (le Roman du prisonnier, 1934). Ces romans donnent de la société allemande du début du siècle (Gustave-de-Fer, 1938), des années 20 (Loup parmi les loups, 1937 ; Paysans, bonzes et bombes, 1931) ou du temps de guerre (Seul dans Berlin, 1947) un tableau réaliste qui demeure cependant empreint d'une certaine tendresse et de confiance dans l'homme.

Fallet (René)

Écrivain français (Villeneuve-Saint-Georges 1927 – Paris 1983).

Poète d'une sensibilité proche de celle de ses amis Brassens et Vidalie (Carrol's, 1952 ; Chromatiques, 1973), c'est surtout un rénovateur du roman populiste (Banlieue sud-est, 1947 ; le Triporteur, 1951). Depuis Paris au mois d'août (1964), sa verve campagnarde et faubourienne (Comment fais-tu l'amour, Cerise ?, 1969) a marqué un refus croissant des modes et des rythmes modernes (Le beaujolais nouveau est arrivé, 1975 ; la Soupe aux choux, 1980).

Fang Fang (Wang Fang, dite)

Romancière chinoise (née en 1955).

La Révolution culturelle interdisant les études, Fang Fang travaille comme ouvrière à Wuhan et n'entre à l'université qu'en 1978 ; elle sera diplômée de littérature chinoise avant d'écrire un roman, Vers le lointain (1983), succès de librairie. Les œuvres ultérieures exploitent les mêmes thèmes, toujours à Wuhan : vie misérable du prolétariat urbain (Une vue splendide, 1987 ; Soleil du crépuscule, 1991), vie médiocre des intellectuels (Au fil de l'eau glissent les nuages, 1992). Nulle échappée vers la grandeur dans ces récits, souvent des chroniques familiales, où s'agite vainement une humanité vouée à la violence, à l'échec, au malheur. Le mot « naturalisme » s'impose à la lecture de ces descriptions minutieuses d'existences sordides, qui valent à Fang Fang de figurer parmi les représentants du néoréalisme.

Fanon (Frantz)

Psychiatre et théoricien politique français (Fort-de-France 1925 – Washington 1961).

Métis, élève d'Aimé Césaire, médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Blida en Algérie, il réfléchit à travers les problèmes de ses malades sur le mécanisme de l'oppression coloniale. Expulsé d'Algérie en 1956, il rejoint le gouvernement provisoire de la République algérienne à Tunis et témoigne d'une vaste activité diplomatique et politique. Il n'en est pas moins, par ses essais et écrits politiques, un des principaux idéologues de l'anticolonialisme. Peau noire, masques blancs (1952) est un essai déterminant pour la négritude, marquant l'avènement de la conscience noire à travers une étude de l'image du nègre dans la culture « humaniste » européenne. En 1961, les Damnés de la terre, que Jean-Paul Sartre préface, analyse le phénomène colonial en tant que mode d'aliénation économique (le colonisé tente de résister à l'imposition de techniques étrangères en se cramponnant au monde traditionnel, refusant en bloc tout progrès technique) et comme processus de dégradation culturel (la culture locale ne subsistant plus que comme folklore) dont la langue est le vecteur principal. Fanon insiste sur la nécessité de trouver aux problèmes spécifiques du tiers-monde des solutions entièrement nouvelles. Son œuvre a marqué la vie culturelle de l'Afrique à l'aube de l'indépendance. Il meurt d'une leucémie à l'âge de 35 ans.

fantaisiste (école)

Mouvement littéraire français du début du XXe s.

Alors que la « Fantaisie » allemande du siècle romantique laissait se déchaîner l'imagination et se rapprochait du fantastique, l'école fantaisiste française préfère les vérités simples, l'atmosphère nostalgique, l'imprévu, la liberté spirituelle et sentimentale qui caractérisent aussi bien Léon-Paul Fargue que Guillaume Apollinaire. C'est pourtant Francis Carco (Cahier des poètes, 1912) qui, stricto sensu, forma cette école en mettant en rapport des poètes comme Robert de La Vaissière, Léon Vérane, Jean Pellerin, Tristan Klingsor, François Bernouard. Tous, après la guerre, se rassemblèrent dans la librairie du Divan d'Henri Martineau. Nourris de Laforgue, de Maeterlinck, de Verhaeren, de Rodenbach et de Henry Bataille, ils se reconnaissent pour maître Paul-Jean Toulet, dont les Contre-Rimes renouvellent le poème de circonstance ; variété, brièveté, sens de l'ellipse se retrouvent, après Toulet, chez Jean-Marc Bernard (Sub tegmine fagi, 1912), Tristan Derème (Flûte fleurie, 1913) et Philippe Chabaneix (le Bouquet d'Ophélie, 1929). Le pittoresque, l'humeur tantôt mélancolique, tantôt bouffonne, le jeu incessant des rimes et des rythmes caractérisent au total cette école nourrie de sentiments justes et mesurés, où la nostalgie restait, à peu de chose près, ce qu'on avait l'habitude qu'elle fût, depuis Verlaine.

fantastique (littérature)

Le « sentiment de fantastique » existe depuis toujours et dans toutes les cultures. On en repère des traces dans les gargouilles des cathédrales, dans les contes à faire peur comme dans les histoires de guivres, de fantômes, de loup-garou, etc. Littérairement, comme l'a montré T. Todorov, le fantastique se situerait entre l'étrange et le merveilleux. Les contes merveilleux acceptent naïvement le surnaturel en posant implicitement l'existence de lois de la nature différentes des lois que nous connaissons, et qui rendent explicables – ou en tout cas non traumatisants pour les personnages qui les vivent – les événements décrits. À l'opposé, si les lois du monde réel permettent de rendre compte des événements malgré leur caractère improbable, le récit relève de l'étrange. Le fantastique serait précisément marqué par l'hésitation entre les deux logiques, « hésitation, comme l'écrit Todorov, commune au lecteur et au personnage, qui doivent décider si ce qu'ils perçoivent relève ou non de la « réalité », telle qu'elle existe pour l'opinion commune. » Les textes qui constituent le « genre » fantastique sont des récits qui à la fois dénient la présence de la surnature ou de l'irrationnel dans le monde du vraisemblable quotidien et en représentent le surgissement impensable.

Naissance d'un genre

Dans la tradition occidentale, du XVIIIe siècle au XIXe, le « sentiment » fantastique s'incarne d'abord, en liaison avec l'esthétique du sublime, dans les romans « gothiques » comme le Château d'Otrante (1764) d'Horace Walpole, Vathek (1782) de William Beckford ou le Moine de M.G. Lewis (1796). Cependant, ces textes gothiques sont encore proches du « merveilleux noir », en ce sens que la surnature intervient, à visage découvert et sans ambiguïté, pour remettre en place un ordre ancien troublé par les nouvelles passions humaines et les manifestations du désir – ce qui intéressera plus tard les surréalistes. Les textes proprement fantastiques prennent aussi leur source dans les légendes, surtout allemandes, mais leur mise en scène, instillant une indétermination par une « rhétorique de l'indicible », conduisent les personnages et/ou le lecteur d'un « je sais bien... mais quand même » à la figuration d'un inimaginable.

   Les premiers récits fantastiques écrits ou traduits en France datent de la période romantique, entre 1806 et 1830, qu'ils soient français comme « Une heure et la vision » de Nodier, américains comme « Rip van Winkle » d'Irving, ou allemands comme les Contes fantastiques d'Hoffmann – dont la traduction en France, en 1829, permettra d'imposer l'adjectif comme une étiquette de genre. Cette époque romantique a vu les révolutions politiques et industrielles en Europe et en Amérique, ainsi que le développement de techniques nouvelles aux conséquences importantes, tant sociales – l'avènement au pouvoir de la bourgeoisie marchande et industrielle – que psychologiques – une fragilisation des individus. Ces mutations entraînent une crise de la représentation de soi et du monde, et se traduit dans la littérature par une nostalgie et une idéalisation du passé.

   C'est dans ce contexte que se déploie le fantastique romantique d'un Gautier et le thème de l'impossibilité de l'amour sinon avec des femmes du temps jadis, comme on le voit dans « Arria Marcella » et même encore chez Maupassant dans « la Chevelure » (1884). Le texte fantastique fait alors de la folie l'incompréhensible raison de cette recherche de l'amour (la « Ligeia » de Poe, 1838 ; Aurélia, de Nerval, 1855). Il figure la peur de l'autre monstrueux (« le Horla » de Maupassant, 1887). Il permet de figurer les doutes sur la vraisemblance et la réalité chez Henry James dans le Tour d'écrou (1898), sur la présence en soi d'une part maudite comme dans le Double de Dostoïevski (1846) ou dans le Portait de Dorian Gray de O. Wilde (1889) ; il est à l'origine de l'étrange métaphore sociale qu'est Dracula de B. Stoker (1896).