Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

McCullers (Carson Smith)

Romancière américaine (Columbus, Géorgie, 1917 – Nyack, New York, 1967).

Ses récits, placés sous le signe de la désintégration de la communauté, de la violence, du handicap physique, exhibent des personnages (sourd-muet, bossu) qui portent dans leur chair la marque de l'isolement spirituel. Ce monde fermé (Le cœur est un chasseur solitaire, 1940) se prête à l'analyse macabre et freudienne dans le cadre d'un camp militaire (Reflets dans un œil d'or, 1941) et au portrait d'une jeune fille qui découvre son identité (Frankie Adams, 1946). La Ballade du café triste (1951) et l'Horloge sans aiguilles (1961) reprennent les thèmes dominants en les rapportant aux problèmes raciaux du Sud. L'œuvre témoigne d'une vision faussement naïve, d'autant plus cruelle dans ces constats et d'autant plus apte à noter les complexités et complications de la vie.

McElroy (Joseph)

Écrivain américain (Brooklyn, New York, 1930).

Les romans de McElroy (notamment Bible d'un contrebandier,1968 ; Plus, 1977 ; Femmes et hommes, 1987 ; Une lettre qu'on m'a laissée, 1988) explorent les implications des ressemblances entre le comportement humain et celui des électrons : le flot des automobiles dans la ville, le sang dans les veines, la circulation de l'information dans les circuits de l'ordinateur, etc. Le premier roman est caractérisé par une narration discontinue où le rapport entre ce qui est dit et les modalités du dire est constamment problématisé. Plus, qui met en scène un personnage à la manière d'Asimov, cerveau désincarné et réimplanté, ange artificiel, développe la théorie d'une force gagnant en puissance par le camouflage, avatar des ruses de la conscience malhonnête. Suivant les préceptes de Gide de « ne jamais profiter de l'élan acquis », McElroy construit une œuvre exigeante, marquée par le double refus de confondre langage et vie et de laisser la vie s'écouler sans le témoignage des mots. Il est en ce sens une figure majeure du roman américain contemporain.

McGahern (John)

Écrivain irlandais (Dublin 1934 – id. 2006).

Il publie en 1963 la Caserne, premier d'une série de romans à caractère autobiographique. Il y dépeint la région rurale où il a passé son enfance ; acculés au désespoir, les personnages sont prisonniers de ce monde clos. En 1965, l'Obscur évoque le conflit des générations et la frustration sexuelle, le célibat des prêtres et l'homosexualité ; ce roman attire les foudres de la censure et lui fait perdre son poste d'enseignant. McGahern quitte alors l'Irlande. Une décennie après le scandale, Journée d'adieu (1974) remporte un succès public et critique ; le héros est un enseignant qui perd son emploi pour avoir épousé une divorcée. Le Pornographe est une réplique aux censeurs, qui mêle le récit de la vie d'un écrivain au texte pornographique que le personnage est censé écrire. McGahern publie également de nombreux recueils de nouvelles et fait jouer plusieurs pièces de théâtre. Le romancier renoue avec le succès grâce à Entre toutes les femmes (1990). Il dit le mal de survivre dans une Irlande pétrifiée par le catholicisme et les conventions.

McIlvanney (William)

Romancier écossais (Kilmarnock 1936).

Socialiste influencé par l'existentialisme, il est l'auteur d'une dizaine de romans dans lesquels il s'intéresse à l'évolution de la classe ouvrière. Après deux premiers romans, il attire l'attention des critiques avec Docherty (1975). Alors que ses contemporains Alasdair Gray et James Kelman empruntent résolument la voie du postmodernisme, McIlvanney se montre avant tout soucieux d'être accessible ; contre l'élitisme culturel, et quitte à passer pour rétrograde, il recourt à la forme du roman policier avec personnages récurrents (Laidlaw, 1977 ; Marcher blessé, 1989 ; Étranges loyautés, 1991). Survivre au naufrage (1991) est un recueil d'essais autobiographiques, qui reflète notamment son engagement aux côtés du parti travailliste et du parti nationaliste écossais.

McLuhan (Herbert Marshall)

Sociologue et écrivain canadien (Edmonton, Alberta, 1911 – Toronto 1980).

Professeur à l'université de Toronto, fondateur du Center for Culture and Technology (1963-1980), théoricien des moyens de communication de masse. Pour lui, l'humanité a connu trois stades : la « vie tribale », dominée par la parole ; la Galaxie Gutenberg (1962), où triomphent l'écrit et l'imprimé ; le « village planétaire », qu'inaugure le médium « froid » par excellence, la télévision (Pour comprendre les médias, 1964 ; Message et Massage, 1967 ; D'œil à oreille, 1977). La large diffusion de ses idées, souvent déformées, en a fait des clichés : ainsi du « village planétaire » qu'est devenu le monde moderne, où l'illusion de proximité est entretenue non seulement par les médias, mais aussi par le développement d'Internet.

Meddeb (Abdelwahab)

Écrivain tunisien de langue française (Tunis 1946).

Romancier (Talismano, 1979 ; Phantasia, 1986), essayiste et poète (les 99 Stations de Yale, 1995 ; Tombeau d'Ibn Arabi, 1987 ; Aya dans les villes, 1999), il développe une écriture exigeante à partir d'une rencontre savante de toutes les cultures de la Méditerranée et d'ailleurs, tout en menant une réflexion originale sur l'Islam. Il dirige par ailleurs la revue Dédales.

Médicis (Laurent de) , dit Laurent le Magnifique

Homme politique et écrivain italien (Florence 1449 – Careggi 1492).

Les œuvres de jeunesse de ce prince qui réalisa l'idéal de la Renaissance, antérieures à la prise de pouvoir en 1469, attestent à la fois le raffinement de son éducation humaniste et un goût marqué pour toutes les formes de littérature populaire alors remises en vogue à Florence par Luigi Pulci. Poésies pétrarquisantes, nouvelles inspirées de Boccace (Jacques et Geneviève), d'une part, et, d'autre part, des poèmes d'un réalisme parodique ou caricatural : la Chasse aux étourneaux, évocation enjouée d'une journée de chasse, et surtout la Nencia de Barberino (de date incertaine). Cette idylle rustique, où un paysan vante avec une savoureuse naïveté les charmes de sa belle, parodie la tradition amoureuse du « dolce stil nuovo ». À ces divertissements, classiques ou burlesques, succèdent, de 1470 à 1484, des œuvres où transparaît l'influence de Marsile Ficin : la Controverse (1473-1474), dialogue philosophique en vers, Commentaire (1481-1484), gloses platoniciennes de 41 sonnets d'amour. Quant aux poèmes de sa maturité, ils se signalent par un réalisme plus agressif qui annonce une crise spirituelle : Corinthe, Ambre, Apollon et Pan.