Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
E

Ehrenbourg (Ilia Grigorievitch)

Écrivain russe (Kiev 1891 – Moscou 1967).

À Paris, où il a dû émigrer pour activité révolutionnaire, il écrit son premier roman, les Aventures extraordinaires de Julio Jurenito (1921), d'inspiration moderniste (absence d'intrigue, construction en « séquences » cinématographiques), dans lequel il stigmatise l'hypocrisie de la civilisation capitaliste. C'est pourtant avec scepticisme qu'il a accueilli la révolution (Prière pour la Russie, 1917 ; la Vie et la chute de Nikolaï Kourbov, 1923) dont la NEP lui paraît la conséquence logique (Rapace, 1924). Mais la montée du nazisme, à laquelle il assiste comme correspondant des Izvestia à Paris, le conduit à surmonter ses réticences et à se tourner vers une production « militante » (le Deuxième Jour, 1933). Les articles qu'il écrit comme correspondant de guerre sont lus avec passion. Ayant reçu le prix Staline pour la Tempête (1947), il a le courage de refuser sa caution d'intellectuel juif à Staline dans l'affaire des blouses blanches. Il est aussi l'auteur du premier roman de déstalinisation, le Dégel (1954), qui donne son nom à la période post-stalinienne. Dans ses Mémoires (les Années et les Hommes, 1961-1965), il poursuit son travail de dévoilement, de manière trop timide, toutefois, selon certains (Soljenitsyne).

Ehrenstein (Albert)

Écrivain autrichien (Vienne 1886 – New York 1950).

D'une famille pauvre de juifs hongrois, il fait ses débuts littéraires dans des revues expressionnistes (Der Sturm, Die Aktion, Die Fackel). Dès 1932, il émigre en Suisse, puis en 1941 aux États-Unis, où il mourra dans un hospice. Auteur de poèmes incantatoires (le Monde blanc, 1914 ; l'Homme crie, 1916), il a illustré par ses récits et ses nouvelles des thèmes fantastiques ou bouffons (Tubutsch, 1911 ; le Suicide d'un chat, 1914 ; l'Assassinat d'une renoncule et autres récits, 1913).

Eich (Günter)

Écrivain allemand (Lebus 1907 – Salzbourg 1972).

Il a commencé à écrire dès 1930, mais c'est à son retour de captivité qu'il s'impose comme poète (Fermes isolées, 1948 ; Métropolitain, 1949 ; Messages de la pluie, 1955), membre du « groupe 47 ». Les images de la réalité quotidienne sont la matière de ses poèmes, signes à déchiffrer pour saisir la réalité. Sa méfiance envers la réalité s'étend (Affaire classée, 1964 ; Anlässe und Steingärten, 1966 ; les Taupes, 1968-1970) à l'ordre de la société. On trouve le même pessimisme et le même dépouillement dans ses pièces radiophoniques (Rêves, 1950 ; les Jeunes filles de Viterbo, 1953).

Eichendorff (Joseph von)

Écrivain allemand (château de Lubowitz 1788 – Neisse 1857).

Des études à Halle, à Heidelberg, à Berlin et à Vienne lui permirent d'entrer en relation avec la plupart des auteurs romantiques. En 1813, il participe activement aux guerres de libération. Après 1815, il sera fonctionnaire de l'État prussien. T. Mann voyait dans le héros de sa célèbre nouvelle Scènes de la vie d'un propre à rien (1826) l'incarnation du « véritable homme allemand », par opposition au « citoyen » français. Eichendorff doit sa popularité à ses poésies romantiques, réunies en 1841, souvent mises en musique par Silcher, Schumann et Wolf.

Eiga monogatari
(Récit de la splendeur [des Fujiwara])

Récit historique japonais (rekishi-monogatari) élaboré au cours du XIe s.

Il retrace l'ascension à la cour de la famille Fujiwara de la fin du IXe s. à la fin du XIe s., et en particulier celle de Fujiwara no Michinaga (966-1027), son plus illustre représentant. Cette œuvre présente un grand intérêt à la fois historique, philologique – c'est la première œuvre écrite entièrement dans le système phonétique hiragana – et littéraire enfin, car elle marque le passage des notes journalières (nikki) au récit historique.

Eigner (Larry)

Poète américain (Lynn, Massachusetts, 1927 – Berkeley, Californie, 1996).

Le travail poétique de Larry Eigner commence en 1953 avec De l'air du temps et se poursuit jusqu'en 1994 avec Fenêtres/Murs/Cour/Passages à travers une quarantaine de recueils différents. Ses handicaps physiques, causés par l'usage de forceps à sa naissance, donnent la forme de sa poésie. La vie vue par la fenêtre est au cœur de ses poèmes, mais cet isolement ne suffit pas à rendre compte d'une correspondance intense et riche avec les poètes de sa génération en rupture avec la tradition américaine : inspiré par Stein, Williams, Olson, Creeley, il met l'image au centre du poème, dans une condensation réminiscente du haiku.

Eiximenis (Francesc)

Écrivain catalan (Gérone v. 1327 – Perpignan 1409).

Franciscain, disciple de l'encyclopédisme de Raymond Lulle, il entreprit dans le Christianisme un exposé complet de la doctrine chrétienne. De ce traité à la fois théologique, moral et politique, il n'écrivit cependant que 4 des 13 volumes projetés. Il est l'auteur d'un ouvrage de morale réglant la conduite des femmes (Livre des dames, 1396) et d'autres ouvrages catéchétiques et de théologie, comme le Livre des anges (1392).

Ekelöf (Gunnar)

Poète suédois (Stockholm 1907 – Sigtuna 1968).

Fortement influencé par les romantiques allemands et suédois, par le surréalisme français (qu'il a traduit, ainsi que Rimbaud) et par T. S. Eliot, marqué en profondeur par la pensée et l'art orientaux, il a cherché à concilier les exigences du modernisme le plus rigoureux avec la recherche d'une synthèse entre intellectualisme et mystique (Tard sur la Terre, 1932 ; le Chant du passeur, 1941 ; Non serviam, 1945 ; Strountes, 1955 ; Opus incertum, 1959). Son art s'attache à épuiser l'apparente absurdité de la condition humaine pour en faire ironiquement valoir le prestige irremplaçable. Son ultime trilogie (Diwan sur le prince d'Emgion, Guide pour les enfers, la Légende de Fatumeh, 1965-1967) unit les thèmes de l'amour et de la mort, de la quête chimérique et de la mémoire, sur un fond de réminiscences orientales et antiques dans la tradition hermétique.

Ekelund (Vilhelm)

Écrivain suédois (Stehag 1880 – Saltsjöbaden 1949).

Il chercha à réconcilier, dans une œuvre dont on retient surtout les sommets lyriques (Élégies, 1903), un idéal platonicien de bonté et de beauté et une interrogation angoissée du monde, dans l'esprit de Nietzsche. Il exalte le passé (Idéal antique, 1909), fait de sa poésie et de ses méditations une forme de refus du monde (Veri similia, 1915-1916 ; Metron, 1918 ; Au bord de la mer, 1922).