Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Heruy Walda Sellâsê

Écrivain et homme politique éthiopien (Den, province de Marhabete, Choa, 1879 – Bath, Grande-Bretagne, 1938).

Homme de confiance du régent, le ras Tafari (devenu en 1930 l'empereur Hâyla Sellâsê), il exerça dès 1917 d'importantes fonctions administratives, effectua plusieurs voyages et missions à l'étranger et devint en 1931 ministre des Affaires étrangères du nouvel empereur, avec le titre de Blâttêngêtâ. Ce fut le plus actif et le plus prolifique des auteurs de sa génération. De 1918 à 1935, tel un humaniste de la Renaissance européenne, il édita, traduisit, rédigea une trentaine d'ouvrages. Il publia ainsi en 1918 une collection de chants funèbres et, en 1925-1926, un important recueil de genê en guèze et en amharique. Profondément influencé par ses contacts avec les Européens, il s'efforça de montrer comment on peut concilier le respect de la tradition avec l'imitation de l'Occident. Dans ses livres d'histoire (l'Éthiopie et Matamma, 1918 ; Biographies, 1922-1923 ; Vigile, 1928-1929), il s'efforce d'introduire les méthodes de la critique scientifique ; dans ses essais de morale et de religion (Conseils pour les fils, 1918 ; Mon ami, mon cœur, 1922-1923 ; la Lumière de l'aube, 1926-1927), il insère des exemples et des concepts occidentaux dans des compositions typiquement éthiopiennes. Ses récits de voyage (Voyage de S.A. Manan à Jérusalem ; Voyage en Europe du ras Tafari) montrent sa fascination pour le modèle occidental et, plus encore, pour le Japon (Voyage au Japon, 1933), qui a su allier modernisme et tradition. Ses romans (le Mariage de Berhânê, 1930-1931) fustigent les superstitions et l'ignorance qui entravent le progrès. Monde nouveau (1932-1933) est le premier exemple d'un type de récit appelé à un grand succès : le retour au village d'un jeune homme qui a reçu une éducation européenne et sa confrontation avec les tenants du passé qu'il réussit à convaincre, après bien des heurts, de la nécessité d'une évolution.

Hervieu (Paul)

Écrivain français (Neuilly-sur-Seine 1857 – Paris 1915).

Il dénonça les vices mondains dans des romans destinés aux gens du monde (Diogène le chien, 1882 ; la Bêtise parisienne, 1884 ; Peints par eux-mêmes, 1893 ; l'Armature, 1895) et dans des pièces à thèse (Les paroles restent, 1892 ; les Tenailles, 1895) dont le succès lui fit ambitionner le titre de « tragique moderne » (l'Énigme, 1901 ; Bagatelles, 1912). Il écrivit pour Sarah Bernhardt un drame historique qui fut un des plus grands succès de la comédienne (Théroigne de Méricourt, 1902).

Herwegh (Georg)

Poète allemand (Stuttgart 1817 – Lichtenthal 1875).

Admirateur, dès son adolescence, de Heine et de la Jeune-Allemagne, il publie en 1841 et 1843 les deux volumes de ses Poésies d'un vivant, qui lui valent une popularité immédiate. Il y exprime sa haine des despotes et sa ferveur démocratique. D'abord bien accueilli par les libéraux, il sera rapidement rejeté par eux à mesure qu'il se rapprochera des positions de Karl Marx, dont le séparera cependant toujours le caractère sentimental de son engagement politique. L'échec de la révolution de 1848 et de ses propres tentatives pour soutenir, de Paris, le mouvement des démocrates allemands l'affecte beaucoup. Exilé, il collabore pendant un temps avec F. Lassalle en Suisse. Il reviendra en Allemagne en 1866 et s'opposera violemment au militarisme prussien lors de la guerre de 1870-1871.

Herzberg (Judith Frieda Lina)

Poétesse hollandaise (Amsterdam 1934).

Auteur de pièces de théâtre (Ce n'est pas un chien, 1973 ; Joie maligne, 1982) et de scénarios (l'Amsterdam juive, 1975 ; Charlotte, 1981), elle explore dans des recueils lyriques les dessous inquiétants d'une nature et d'un environnement familiers (Malle-poste, 1963 ; Pâturin, 1968 ; Lumière rasante, 1971 ; Reste de jour, 1984).

Herzen (Aleksandr Ivanovitch)

Philosophe et écrivain russe, connu également sous le pseudonyme d'Iskander (Moscou 1812 – Paris 1870).

Fils naturel d'un noble et d'une institutrice allemande, il reçut une éducation soignée, imprégnée de culture française. La révolte et la répression des décembristes le marquèrent à vie. Étudiant, il est déporté en Sibérie pour « activité subversive ». Il ne revient à Moscou qu'en 1840, s'intègre à la société intellectuelle, se range dans le camp des occidentalistes contre les slavophiles, mais s'oriente progressivement vers la définition d'un socialisme russe fondé sur la communauté agraire. Persécuté, il quitte la Russie pour l'Europe, dont l'esprit « bourgeois » le déçoit. Il est à Paris en 1848, mais il est alors expulsé et s'installe en Angleterre à partir de 1852. A Londres, il édite une revue mensuelle, la Cloche, qui lui sert de forum pour diffuser ses appels à la révolution et à l'action, et continuer ainsi à jouer un rôle politique en Russie. L'émergence d'une nouvelle génération de révolutionnaires, plus radicale, provoque une désaffection de son auditoire et il cesse toute activité en 1868. L'œuvre de Herzen est d'abord politique, même dans son roman, À qui la faute ?, publié en 1847 et qui connut un immense succès. Ce roman à thèses dénonce, à travers une intrigue amoureuse traditionnelle, l'inaction caractéristique de la jeunesse intellectuelle, incarnée par Beltov – également prototype de l'« homme de trop », figure promise à un grand avenir dans la littérature russe. Mais c'est dans un recueil politique (De l'autre rive, 1850) et surtout dans son autobiographie que sa prose vivante et classique trouve sa plus belle expression : Passé et méditation (1852-1868) sont les Mémoires d'un révolutionnaire qui mêle expérience personnelle et Histoire récente ; le ton libre et sincère, le vécu et la sensibilité de leur auteur en font une œuvre majeure. Herzen, figure centrale de la vie politique européenne, qui fut en relation avec Proudhon, Mazzini, Louis Blanc, Hugo et Michelet, ne se contente pas de témoigner : il analyse événements et courants de pensée, trace des portraits pénétrants, de sa famille ou des grands révolutionnaires européens, revient avec émotion sur des événements douloureux, la mort de sa femme comme le sang qu'il a vu couler en 1848 à Paris, sans se départir de l'ironie qui est la marque principale de son style.