Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
N

Nouvelle-Zélande (suite)

À la recherche d'une identité

Les années 1930 voient un véritable essor de la littérature : un regard critique est porté dorénavant sur la société. Des magazines se créent, comme Phoenix, lancé en 1932 par un groupe d'étudiants d'Auckland, qui connut une grande influence malgré son existence éphémère, et dont le flambeau sera repris en 1947 par Landfall. Les écrivains se considèrent désormais comme des Néo-Zélandais, et non plus comme des Anglais exilés. Des poètes comme R. A. K. Mason (1905-1971), Charles Brasch (1909-1973) ou Allen Curnow (né en 1911) parviennent à trouver un équilibre entre la déférence vis-à-vis de la tradition anglaise et la nouvelle ferveur nationaliste. Dès lors, la poésie ne cesse de manifester sa vigueur à travers l'évocation des paysages porteurs de la vitalité spirituelle du pays, avec Robin Hyde (1906-1939), James K. Baxter (1907-1972), Louis Johnson (né en 1924), Fleur Adcock (née en 1934), Christian Karlson Stead (né en 1936), encore récemment avec Voix (1990) et Straw into Gold (1997) privilégie la forme courte, Ian Wedde (né en 1946), avec son recueil le Percussionniste (1993) par exemple.

   Les années 1930 voient aussi le développement de la nouvelle avec R. Finlayson ou D. Ballantyne (né en 1924) et surtout Frank Sargeson (Un homme et sa femme, 1940 ; J'ai vu en rêve, 1949), tandis que la Dépression provoque l'apparition d'un roman social : John A. Lee (les Enfants des pauvres, 1934), Robin Hyde (Passeport pour l'enfer, 1936), John Mulgan (l'Homme seul, 1939).

   C'est en 1957 que Janet Frame (née en 1924) fait paraître son premier récit, Quand pleurent les hiboux, s'imposant comme la romancière la plus imaginative et la plus pessimiste de son pays. Autour d'elle s'affirment Maurice Duggan (1922-1974), auteur de la Terre d'Immanuel (1956) ; Maurice Shadbolt (né en 1932), qui écrivit Parmi les cendres (1965) ; Ian Cross (né en 1925), dont les romans (l'Enfant Dieu, 1958 ; le Sexe ingrat, 1960) traitent de l'enfance et de l'adolescence ; Sylvia Ashton-Warner, auteur d'un roman sur l'éducation, la Vieille Fille (1958), et de Jade (1964), où se confrontent la culture anglo-saxonne et la culture maorie. Maurice Gee écrit sa trilogie Plumb (1978), Meg (1981) et Sole Survivor (1983) qui explore les changements subis par la société néo-zélandaise des années 1950. Le thème de la rencontre – parfois violente – des races et des cultures entre Maoris et Pakeha (Blancs) a également inspiré bon nombre d'œuvres, et notamment la trilogie d'Errol Brathwaite (né en 1924) sur les guerres maories du siècle dernier (le Poisson volant, 1964 ; le Chas de l'aiguille, 1965 ; Jour de malheur, 1967). Il existe par ailleurs quelques écrivains maoris, dont le plus connu est Witi T. Ihimaera (né en 1944), qui a publié un recueil de nouvelles (Pounamu Pounamu, 1972), des romans (Tangi, 1973 ; Whanau, 1974) et, avec Donald Stuart Long (né en 1950), une anthologie (Dans le monde de la lumière, 1982), et, plus récemment, la Matriarche (1986). Patricia Grace, nouvelliste à ses débuts, analyse les rapports entretenus par trois cousines maories avec leur héritage, sur une période allant des années 1940 aux années 1990 (Cousins, 1992) ; déjà, dans Potiki (1986), elle faisait la part belle au mythe. Deux autres auteurs doivent être mentionnés : Keri Hulme (par ailleurs poète – il a publié Strands en 1992, sorte de méditation sur la mort) et son The bone people (1983) et Alan Duff (C'était des guerriers, 1990, suivi de Que deviennent les hommes brisés ?, 1996), qui, plutôt que de s'intéresser aux mythes maoris, peint la société maorie contemporaine, fragmentée, aux traditions en voie de disparition (Sous tutelle, 1994). Tous ces écrivains interrogent leur appartenance au territoire néo-zélandais et tentent de définir l'identité culturelle de la société : le nouvelliste Owen Marshall, tout en cultivant la veine réaliste, explore les failles du réel (Un monde brisé, 1989 ; le Retour dans la nuit, 1995). Le théâtre se cherche aussi pendant longtemps. Depuis la représentation de la première pièce néo-zélandaise Marcilina, ou la pucelle d'Urnindorpt de James Marriott en 1848 jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on met en scène des pièces réalistes portant sur les luttes de classe ou les conflits interethniques. Il faut attendre les années 1970 pour qu'un Robert Lord, par exemple, propose des textes originaux où les repères temporels sont effacés (Ceci n'est pas du cricket, 1971 ; Lieu de rendez-vous, 1972 ; Des étapes nouvelles, 1983) et fonde en quelque sorte un théâtre local, avec d'autres tels Joseph Musaphia (la Guerilla, 1971) et Roger Hall (Songes de collines du Sussex, 1986, inspiré des Trois Sœurs de Tchékov). Greg Mc Gee, quant à lui, puise dans la culture populaire pour y trouver la métaphore spécifique de la société néo-zélandaise, le rugby (Foreskin's Lament, 1980 ; Dent et griffe, 1983 ; Dehors dans le froid, 1983 et Hommes blancs, 1986).

nouvelle

Par sa brièveté et la construction de son argument, la nouvelle est proche du conte. Par la caractérisation des personnages et par le traitement de l'action, elle est plus près du roman. Il s'agit d'un genre tardif, apparu dans la littérature française au XVe s. Le sens du mot est influencé par le mot italien novella, qui désigne un conte satirique en prose, d'où est exclu tout élément de merveilleux, et particulièrement illustré par Boccace (le Décaméron, 1348-1353) et Tommaso Guardati (Il novellino, 1476). Les nouvelles alors écrites en France mêlent l'imitation des novellieri italiens à la tradition gauloise des fabliaux (l'Heptaméron de Marguerite de Navarre, 1558), dans des recueils qui ont souvent la forme de « mélanges dialogués » – ouvrages dont la structure de base est constituée de dialogues à l'intérieur desquels viennent s'insérer, de la manière la plus libre, des récits de longueur et d'importance extrêmement variables (Contes et Discours d'Eutrapel, de Noël du Fail ; Sérées, de Guillaume Bouchet ; Matinée de Cholières). Sous l'influence de modèles espagnols (Nouvelles exemplaires de Cervantès, 1613), le genre s'enrichit au XVIIe s. ; le ton en est réaliste chez Scarron (Nouvelles tragi-comiques, 1655-1657), romanesque chez Mme de La Fayette (la Princesse de Montpensier, 1662). Le XIXe s. ne distingue pas toujours le conte de la nouvelle (Musset, Gobineau, Villiers de L'Isle-Adam). Les traits esthétiques de la nouvelle expliquent que le genre soit particulièrement adapté à la notation réaliste (Maupassant). Resserrant son angle de vue sur le monde, la nouvelle peut être tout autant expérimentale et subjective, saisissant, dans un esprit d'humour (Mérimée) ou de compassion (Kipling, James), l'irruption de l'irrationnel (d'E. Poe à M. Aymé). Instructif est, chez un même écrivain, le partage entre nouvelle et roman (Gogol, Faulkner, K. Mansfield, V. Woolf, Moravia) : le récit long n'est pas l'expansion du récit bref, mais la reprise du récit bref dans la systématique de l'ambiguïté, qui prévaut lorsque les qualifications des personnages ne sont plus narrativement déterminantes. Par cette rigueur et par cette rigidité, la nouvelle retrouve l'archéologie du roman, qui s'est constitué historiquement comme juxtaposition et somme de récits brefs, faute de posséder initialement une véritable perspective temporelle. La nouvelle constituerait ainsi la propédeutique du récit long et sa régulation secrète, dans l'obsession d'un destin qui s'inscrive dans le texte, et dans le souci d'une plénitude qui ramène le choix de la nouvelle au souci esthétique exemplaire.