Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

comédie héroïque

Genre intermédiaire entre la tragédie et la comédie, parfois difficile à distinguer de la tragi-comédie, la comédie héroïque met aux prises des personnages de haut rang dans une action amoureuse au dénouement heureux, puisqu'« on n'y voit naître aucun péril par qui nous puissions être portés à la pitié ou à la crainte » (Corneille, Préface de Don Sanche d'Aragon, 1649). Importée de la comedia espagnole par Rotrou, la comédie héroïque devint un genre nouveau en France avec Corneille et en Angleterre avec Dryden (The Conquest of Granada, 1669). L'héroïque, dans la comédie, se manifeste par des personnages de haut rang, un ton et un style élevés, la noblesse des sentiments et des actions, un certain exotisme des lieux et des personnages.

Comencini (Cristina)

Écrivain italien (Rome, 1956).

Réalisatrice de cinéma, tout comme son père, Luigi Comencini, elle consacre son premier roman, les Pages arrachées (1991), aux rapports entre un père et sa fille. Les relations familiales sont aussi au centre de Passion de famille (1994) et de Sœurs (1997).

Comenius, nom latinisé de Jan Amos Komenský

Humaniste tchèque (Uherský Brod, Moravie, 1592 – Amsterdam 1670).

Après avoir fait des études d'abord dans son pays, puis à Herborn (Nassau), il dirigea une école à Prerov. Ordonné prêtre (1616), il reçut la cure de Fulnek, important centre des frères moraves. L'invasion des troupes espagnoles puis la persécution ordonnée par Ferdinand II contre les réformés le contraignirent à l'exil : il vécut alors en Pologne, à Londres, en Suède, en Hongrie et à Amsterdam, où il finit sa vie. Il publia en 1631 une nouvelle méthode d'apprentissage des langues, la Janua linguarum reserata. La Didactica magna (1640) répandit dans toute l'Europe sa réputation d'humaniste et de pédagogue. S'il ne publia jamais sa grande œuvre prévue, la Pansophia, il a laissé de nombreux opuscules qui révèlent l'originalité de ses conceptions philosophiques (le Labyrinthe du monde et le Paradis du cœur, 1623) et pédagogiques : le premier il érigea la pédagogie en science autonome, voyant dans l'enseignement le serviteur de la nature c'est ainsi qu'il réfléchit sur la valeur formatrice du jeu (Schola ludus, 1657) et qu'il donna avec son Orbis pictus (1658) une véritable encyclopédie par l'image. Précurseur de la pensée moderne, il imagina une coopération intellectuelle et politique entre les États qui aboutirait à une fédération des peuples (Via lucis, 1642).

Comisso (Giovanni)

Journaliste et écrivain italien (Trévise 1895 – id. 1969).

Sa vie mouvementée, dans laquelle se mêlent goût des voyages et plaisir de l'aventure, se reflète dans l'ampleur de son œuvre. L'intérêt de Comisso pour la littérature relève moins d'une maîtrise stylistique que d'un hédonisme autobiographique, exposé dans de nombreux récits de voyages (Amours d'Orient, 1947 ; Voyages heureux, 1949), de souvenirs (Jours de guerre, 1930 ; Mes saisons, 1951 ; Ma maison de campagne, 1958), de nouvelles (la Grande Oisiveté, 1965) et de romans (Au vent de l'Adriatique, 1928).

commedia dell'arte

Cette forme théâtrale italienne fut d'abord (à partir du XVIe s.) nommée commedia all'improviso, ou en France, comédie italienne, comédie de masques. Ce n'est qu'au XVIIIe s. qu'elle prit le nom de commedia dell'arte. L'arte, c'est à la fois le savoir-faire, la technique et le côté professionnel des comédiens (le mot « arte » désigne aussi la corporation), lesquels sont toujours des gens de métier. La commedia dell'arte s'oppose ainsi aux représentations données dans le cadre des fêtes courtisanes ou religieuses et dont les interprètes occasionnels appartiennent au personnel des cours ou au clergé. La commedia dell'arte se caractérise par une création collective des acteurs, qui élaborent un spectacle en improvisant gestuellement ou verbalement à partir d'un canevas qui n'a pas été écrit à l'avance par un auteur et qui est toujours très sommaire : un important recueil de ces canevas a été publié en 1611 par Flaminio Scala (Teatro delle favole rappresentative). Les comédiens s'inspirent d'un sujet dramatique, emprunté à une comédie (ancienne ou moderne) ou inventé. Le schéma directeur de l'acteur (le scénario) obtenu, chaque acteur improvise, en tenant compte de lazzi caractéristiques de son rôle (indications sur des jeux de scène mimiques ou verbaux) et des réactions du public. Les troupes parcourent l'Europe en jouant dans des salles louées, sur des places publiques ou pour un prince qui les engage. Elles représentent une douzaine de types fixes, eux-mêmes divisés en deux « partis ». Le parti grave comprend les deux couples d'amoureux. Le parti ridicule est celui des vieillards comiques (Pantalone et le Dottore), le Capitano (issu du miles gloriosus de Plaute), les valets ou Zanni : ceux-ci aux noms très divers (Arlecchino, Scaramuccia, Pulcinella, Mezzottino, Scapini, Coviello, Truffaldino) se répartissent en premier Zanni (valet rusé et spirituel qui mène l'intrigue) ou en second Zanni (personnage naïf et balourd). Le parti ridicule porte toujours des masques grotesques (maschere) qui servent à désigner l'acteur par le nom de son personnage. Dans ce théâtre d'acteur (et d'actrice, ce qui est une nouveauté à l'époque), l'accent est mis sur la maîtrise corporelle, l'art de remplacer de longs discours par quelques signes gestuels et d'organiser le jeu « chorégraphiquement », c'est-à-dire en fonction du groupe et en utilisant l'espace selon une mise en scène avant la lettre. Le comédien doit s'assurer que son improvisation ne l'éloigne pas du projet narratif. Lorsque le lazzi se développe en un jeu autonome et complet, il devient un burle. Ce type de jeu préfigure le règne du metteur en scène en confiant l'adaptation des textes et l'interprétation générale à un capocomico (ou corago). Le répertoire de la commedia est très vaste. Il ne se limite pas aux canevas de comédie d'intrigue puisque ce genre se donnait précisément pour but de broder à partir d'un schéma narratif. Nouvelles, comédies classiques et littéraires (commedia erudita), traditions populaires, tout est bon pour servir de fonds inépuisable à la commedia. Ce genre a l'art de produire des intrigues variées à l'infini à partir d'un fonds limité de figures et de situations. La commedia revivifie (plus qu'elle ne détruit) les genres « nobles » mais sclérosés comme la tragédie pleine d'emphase, la comédie trop psychologique, le drame trop sérieux. Ainsi, les troupes montent des tragédies, des tragi-comédies ou des opéras (opera regia, mista ou heroica), se spécialisant (comme la Comédie-Italienne à Paris) dans la parodie des chefs-d'œuvre classiques et contemporains. Elles interprètent également des œuvres d'auteurs (Marivaux pour la troupe de Luigi Riccoboni, Gozzi et Goldoni en Italie). La commedia joue ainsi le rôle d'un révélateur de formes anciennes et d'un catalyseur pour une nouvelle manière de faire du théâtre en privilégiant le jeu et la théâtralité. C'est cet aspect vivifiant qui explique probablement l'influence profonde qu'elle a exercée sur des auteurs « classiques » comme Shakespeare, Molière, Lope de Vega ou Marivaux. Dès la fin du XVIIe s., l'art de la commedia commence à s'essouffler ; le XVIIIe s., avec son goût bourgeois et rationaliste (Goldoni, et Marivaux à la fin de sa carrière), lui porte des coups dont il ne se relèvera pas. Au XIXe s., la commedia dell'arte disparaît complètement. Elle survit aujourd'hui dans le cinéma burlesque ou le travail des clowns. La formation de ses interprètes est devenue le modèle d'un théâtre complet, fondé sur l'acteur et le collectif, redécouvrant les pouvoirs du geste et de l'improvisation (Meyerhold, Copeau, Dullin, Barrault).