Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
G

Gonzaga (Tomás Antônio)

Poète brésilien (Miragaia, Portugal, 1744 – Mozambique v. 1810).

Juge à Vila Rica (Minas Gerais), il fut impliqué dans la conspiration de Tiradentes et exilé. Il unit l'inspiration néoclassique à l'évocation de sa vie quotidienne (Marília de Dirceu, 1792). On lui attribue les Lettres chiliennes, satire du gouvernement colonial.

González Prada (Manuel)

Écrivain péruvien (Lima 1848 – id. 1918).

Il s'attaqua vivement à la classe dirigeante, responsable à ses yeux des malheurs du Pérou, et devint le maître à penser des intellectuels de son pays. Par ses poèmes (Minuscules, 1901 ; Exotiques, 1911), il est un précurseur du modernisme. Mais il est surtout, par ses essais (Pages libres, 1894 ; Heures de lutte, 1908), le plus profond analyste de la société péruvienne de son temps et le promoteur de l'indigénisme.

Gonzalo de Berceo

Poète espagnol (Berceo v. 1195 – v. 1264).

Il est le premier poète castillan connu, les écrits antérieurs étant anonymes. Son œuvre, placée sous l'école de clercs appelée mester de clerecía, comprend essentiellement des poèmes d'inspiration religieuse (Vie de saint Dominique de Silos, Martyre de saint Laurent, Miracles de Notre Dame, Hymnes). Redécouvert par la « génération de 1898 », il patronna le nouveau style dépouillé en réaction contre le symbolisme.

Goodman (Paul)

Écrivain américain (New York 1911 – North Stratford, New Hampshire, 1972).

Philosophe et psychologue anarchisant, il étudie les blocages de la société américaine (Direction Absurde, 1960 ; la Contre-Éducation obligatoire, 1964). On lui doit des poèmes (Feu rouge, 1942), des romans (Piano à queue, 1942) et des essais de critique littéraire (Défense de la poésie, 1972).

Gordimer (Nadine)

Romancière sud-africaine de langue anglaise (Springs 1923).

Ses premières œuvres décrivent la vie de la communauté israélite d'Afrique du Sud et ses rapports avec la population noire et blanche d'expression anglaise et afrikaans (les Jours menteurs, 1953 ; Un monde d'étrangers, 1958). Elle se montre sensible aux problèmes de l'apartheid et aux conséquences qui en découlent dans la relation amoureuse entre membres de communautés partagées par la ségrégation (Occasions d'aimer, 1963 ; Ne pas publier, 1965 ; le Dernier Monde bourgeois, 1966 ; Un invité d'honneur, 1971 ; le Conservateur, 1974 ; la Fille de Burger, 1979 ; Ceux de July, 1981 ; Something out there, 1984 ; Un caprice de la nature, 1987 ; Histoire de mon fils, 1990). On lui doit également des nouvelles (les Compagnons de Livingstone, 1971 ; Une accolade de soldat, 1980) et des essais (South African Writing to-Day, 1967 ; Interprètes noirs, 1973). Elle reçoit le prix Nobel de littérature en 1991. Elle continue d'écrire des romans : Personne pour m'accompagner (1994), l'Arme de la maison (1998), et de nombreux essais sur la condition de l'écrivain dans un monde où le livre semble menacé.

Gordin (Yankev)

Auteur dramatique de langue yiddish (Mirgorod, Ukraine, 1853 – New York 1909).

Empruntant parfois des thèmes au théâtre européen (Schiller, Shakespeare), il rénova la scène yiddish par un répertoire plus porté sur les idées que sur le divertissement (Sibirya, 1891 ; Mirele Efros, 1898 ; Dieu, homme et diable, 1900).

Gordon (Yehudah Leib)

Écrivain russe d'expression hébraïque (Vilna, Lituanie, 1830 – Saint-Pétersbourg 1892).

Disciple d'Adam Ha-Cohen, c'est la figure dominante de la Haskalah russe. Après des études juives traditionnelles, il s'approcha des maskilim. Après avoir obtenu le diplôme d'instituteur du séminaire rabbinique de Vilna, il enseigna pendant une vingtaine d'années (1853-1872) dans de petites villes où il fonda et dirigea des écoles pour garçons et filles ce qui fut audacieux pour l'époque. Dans ces bourgades conservatrices, il trouva l'inspiration de ses satires et s'engagea dans des polémiques avec les rabbins. En 1872, il fut nommé secrétaire de la communauté juive de Saint-Pétersbourg où il poursuivit son œuvre littéraire et continua à militer pour la propagation de la culture parmi les Juifs. De 1880 à 1888, il participa à l'équipe de rédaction de l'hebdomadaire hébreu Ha-Melis et y publia de nombreux articles, feuilletons et contes. Ses dernières années furent assombries par la vague de pogroms et de mesures répressives qui frappèrent les Juifs après l'assassinat d'Alexandre II en 1881. Ainsi Gordon, qui a appelé ses frères à s'ouvrir au monde extérieur, à répondre favorablement aux réformes proposées par Alexandre II au début de son règne (Réveille-toi mon peuple, la Voie de mon peuple), qui a lutté contre le conservatisme des rabbins dans des articles et des satires dont les plus célèbres sont l'Apex d'un yod, Pour un essieu de roue, Tu te réjouiras le jour de la fête, finit par s'inquiéter de voir autant de jeunes aller trop loin dans la voie qu'il leur avait tracée et quitter le judaïsme sans réussir à concilier leur double condition de Juifs et d'hommes (Pour qui me donné-je tant de peine ?). On lui doit aussi des fables inspirées de Krylov et de La Fontaine et des traductions (Byron).

Gorgani (Fakhroddin Asad)

Écrivain persan (XIe s.).

Son roman courtois Vis et Ramin, inspiré d'un texte pahlavi, a pour thème l'amour fatal, dans une tonalité proche de Tristan et Yseult, et unit archaïsme et préciosité. Au temps des Parthes Arsacides, la jeune princesse Vis, promise au vieux roi Mobad, et le jeune frère de celui-ci, Ramin, s'éprennent d'une violente passion, qui, après moult péripéties et atermoiements, connaîtra un heureux dénouement.

Gorki (Alekseï Maksimovitch Pechkov, dit Maksim)

Écrivain russe (Nijni Novgorod, 1868 – Moscou 1936).

Le « fondateur du réalisme socialiste » fut d'abord une figure originale de la vie littéraire russe. Sans instruction, comme il le raconte dans son autobiographie (Enfance, 1913 ; En gagnant mon pain, 1916 ; Mes universités, 1922), une des sources de la « légende » Gorki, la seule école qu'il ait fréquentée est celle de la vie puisque, orphelin à 9 ans, il doit travailler très jeune. Il exerce tous les métiers imaginables et découvre en autodidacte le monde des livres. À Kazan, où sa pauvreté l'empêche de s'inscrire à l'Université (plus tard, il œuvrera inlassablement en faveur de l'instruction populaire), il rencontre des populistes, mais il préfère à l'activité politique l'existence des « rejetés » qui peuplent les faubourgs misérables de la ville. Il éprouvera toujours méfiance et répugnance envers l'intelligentsia : dans son dernier roman, Klim Sanguine (1925-1936), il en trace un portrait impitoyable. Viennent les années d'errance à travers la Russie profonde, qui inspirent ses premiers récits (Makar Tchoudra, 1892 ; Tchelkach, la Vieille Izerguil, 1895 ; Konovalov, 1897). Réunis dans Essais et récits (1898), ils lui apportent une popularité rapide, qui s'explique par le caractère radicalement nouveau de ses personnages, des marginaux en rupture de société, ivres de cette aspiration confuse à la liberté que le Chant du pétrel (1901) célébrera poétiquement. La critique de l'intelligentsia, dans Foma Gordéïev (1899), apparaît comme une preuve de plus du caractère véritablement populaire de Gorki. Celui-ci devient une personnalité publique et se tourne vers le théâtre, qu'il considère comme une tribune : les Bas-Fonds (1902) décrivent les milieux populaires, les Petits-Bourgeois (1902), les Estivants (1904) et les Enfants du soleil (1905) reviennent sur la décomposition de la bourgeoisie et l'inertie des intellectuels. La révolution de 1905 le contraint à s'exiler aux États-Unis (En Amérique, 1906) et l'incite à prendre pour héros des prolétaires que leur lutte a rendus conscients. Gorki n'a jamais été ouvrier, mais la Mère (1906) deviendra le canon de la littérature soviétique. Ce récit de la rédemption d'une mère par son fils, pour l'amour duquel elle s'engage dans la lutte révolutionnaire, pêche par un didactisme trop lourd, appuyé sur une symbolique chrétienne inversée très pesante, et des personnages grossièrement idéalisés. À Capri, Gorki subit l'influence des « constructeurs de Dieu », mouvement de mystique révolutionnaire (la Confession, 1908), mais il poursuit dans son théâtre (les Derniers, 1908 ; Vassa Jeleznova, 1910) et sa prose (la Ville d'Okourov, 1909 ; Matveï Kojemiakine, 1911) la satire du monde bourgeois et l'évocation des luttes ouvrières, avec un dogmatisme de plus en plus appuyé. À la faveur d'une amnistie, il revient en Russie en 1913. Enfance lui permet de renouer avec son public. Ce récit est souvent considéré comme le plus abouti sur le plan esthétique : la prose de Gorki y acquiert équilibre et légèreté, tout en conservant sa vivacité, son énergie, sa rudesse parfois. La révolution de Février paraît combler ses attentes. Il devient directeur d'une revue, la Vie nouvelle, dans laquelle il publie ses Pensées intempestives (1917-1918) où il prend position contre la révolution d'Octobre. Malgré l'interdiction de sa revue, il consent à collaborer avec les institutions culturelles soviétiques. Il crée des maisons d'édition, profite de sa situation privilégiée pour protéger certains écrivains menacés, tout en continuant à critiquer le régime. En 1921, il doit quitter la Russie, sur l'incitation (ou l'ordre ?) de Lénine. De Sorrente, où il réside de 1921 à 1928, il continue à se faire publier en U.R.S.S., mais aussi à dénoncer la politique de répression. Il rédige un portrait de Lénine, inspiré de ses souvenirs, et un roman, la Maison Artamanov (1925), qui retrace l'ascension et la décadence d'un empire industriel et, symboliquement, celle du monde capitaliste : ces textes le rapprochent de l'idéologie en vigueur. En 1928, il se rend à Moscou, pour une célébration officielle et reçoit un accueil triomphal. Son retour définitif a lieu en 1933 et inaugure le processus de sanctification de l'écrivain. À la demande de Staline, il élabore les bases d'une nouvelle littérature, le « réalisme socialiste » organisant (1934) et dirigeant l'Union des écrivains. À sa mort, dont on ne saurait dire avec certitude si elle a été ou non commanditée par Staline, toutes les conditions sont réunies pour que naisse le mythe du « grand écrivain prolétarien ».