Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Surdas

Poète hindi ancien (Agra 1483 – 1563).

Il était aveugle et sa poésie, en braj, est une composition orale musicale. Surdas est considéré comme le meilleur du groupe des huit poètes, connus sous le nom de astacapa (les huit sceaux), qui ont consacré leur talent à chanter le culte de la bhakti krishnaïte fondé sur le Bhagavata Purana et les enseignements de leur maître spirituel Vallabhacharya. Les poèmes de Surdas sont regroupés dans un recueil intitulé Sursaga qui décrit avec charme les diverses étapes de la vie de Krisna.

surréalisme

Il a été défini ainsi par André Breton dans le Manifeste du surréalisme (1924) : « Automatisme psychique pur, par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. Encycl. Philos. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d'associations négligées jusqu'à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie. »

Le sens de l'activité surréaliste

D'abord entreprise de connaissance, le surréalisme a évolué vers le matérialisme dialectique, et se place clairement dans la tradition ésotérique : « Tout porte à croire qu'il existe un certain point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement. C'est en vain qu'on chercherait à l'activité surréaliste un autre mobile que l'espoir de détermination de ce point » (A. Breton, Deuxième Manifeste, 1929). Ses antécédents vont du roman noir anglais au romantisme allemand, mêlant Sade, Fourier et Freud, « les grands émancipateurs du désir ». Les surréalistes vouent un culte à Nerval, et à son « surnaturalisme », ainsi qu'à Rimbaud, à Lautréamont et à Jarry. Ils reconnaissent l'influence d'Apollinaire ou de Reverdy. Mais c'est la rencontre de Jacques Vaché puis celle de dada qui donnent au surréalisme sa physionomie définitive. Deuxième crise de la conscience européenne, il substitue au cartésianisme la mentalité magique, en intégrant les discours de la relativité, de la psychanalyse et du marxisme. Ce faisant, il trace les lignes d'une morale fondée sur la liberté, l'amour, la poésie, recherchant une mise en commun des forces individuelles dans le groupe.

Surréalisme et révolution politique

Le surréalisme rencontre le problème de l'action artistique comme pratique révolutionnaire. D'où une constante oscillation entre la révolte et le suicide, à l'exemple de Vaché, de Rigaut ou, plus tard, de Crevel. La révolte s'imposait après les boucheries de la guerre, et elle s'accompagne de scandales, accompagnés de pamphlets. Avec la guerre du Rif, les surréalistes se rapprochent du groupe Clarté et du parti communiste. Aragon, Breton, Eluard, Péret, Pierre Unik s'inscrivent dans une cellule. Réaffirmant l'adhésion au matérialisme dialectique, qui sera explicite dans le titre de la nouvelle revue du groupe, le Surréalisme au service de la révolution, le Second Manifeste ouvre aussi le champ ésotérique à l'investigation du mouvement. Après le départ d'Aragon, le Congrès des écrivains de 1935 marque l'impossibilité de toute conciliation entre un communisme doctrinaire et la libre création artistique. Breton ne cessera d'alerter l'opinion contre le stalinisme. Avec Trotski, il lance en juillet 1938 un manifeste « Pour un art révolutionnaire indépendant » et crée une fédération d'artistes (FIARI) proclamant « toute liberté en art ». Tandis que les uns s'exileront, d'autres s'engageront dans la résistance. La Main à plume maintiendra une présence surréaliste sous l'occupation. À la Libération, le mouvement se rassemble autour de Breton, et prendra position notamment contre la guerre d'Indochine ou la guerre d'Algérie.

Une entreprise de connaissance

Le surréalisme conçoit la poésie ou la peinture comme un moyen de connaissance aussi bien qu'un élément de la transformation du monde. L'écriture se veut mise au jour du courant continu qu'est l'inconscient. L'art est un acte vital, aussi nécessaire à l'homme que la respiration ou l'amour, ce qui justifie son autonomie : l'art ne peut obéir aux injonctions d'un parti ou d'une propagande (comme pour les poètes de la Résistance). La poésie doit être révolutionnaire par ses moyens propres. Les surréalistes ont su répandre leur esprit au niveau international, suscitant ou créant des groupes constitués ou des correspondants. Voulant concilier Marx et Freud, Breton se tourne, par contrecoup, vers les socialistes utopiques, Charles Fourier en tête. Les surréalistes affirment la toute-puissance du désir, conditionnant un changement social. Breton récuse la recherche du plaisir pour le plaisir, croyant à une aspiration supérieure : l'amour électif. Passionnée, illuminante, la femme est médiatrice et révélatrice de la nature. Les surréalistes ont revivifié le mythe de l'androgyne primitif engendrant le cosmos, et retrouvé l'unité du physique et du spirituel dans un domaine menacé par la dépravation ou par l'idéalisme. Dans le domaine de la connaissance, le surréalisme oppose au dualisme du rationel et de l'irrationel l'imagination et l'association libre, qu'il tient pour des moyens d'investigation aussi rigoureux que les sciences expérimentales. Il reprend à son compte des pratiques et les modifie (écriture automatique, sommeil provoqué, récits de rêve, simulations du délire, méthode paranoïa-critique). Mais les surréalistes se proposent d'aider moins à la sublimation qu'à la réalisation du désir comme force subversive. Ni contemplation, ni fuite hors du réel, le surréalisme rend compte, au plus près, de l'interaction du sujet et de l'objet. Il se manifeste essentiellement sous les espèces du merveilleux. En lui la nécessité humaine et le déterminisme naturel se rencontrent. C'est que l'Univers, dont les éléments sont en constante relation, doit être interprété comme un cryptogramme. Au surréaliste revient la tâche de capter les signaux, de favoriser la rencontre et la trouvaille. D'où naît le concept de hasard objectif, qui, prolongeant la pensée de Hegel, cherche à situer le merveilleux dans le réel en faisant appel simultanément au matérialisme dialectique et à l'inconscient. Toutefois, ces notions renvoient à une conception traditionnelle de la connaissance, que le surréalisme reprend à son compte, identifiant « haute poésie » et « haute magie » tout en refusant l'idée de transcendance. La pensée analogique que le surréalisme met en œuvre ne saurait se borner à une théorie de l'image : elle est fondamentale pour une compréhension du réel. Le surréalisme est ainsi la seule tentative de synthèse globale, opérée par la pensée contemporaine sur tous les plans. « Il est aujourd'hui de notoriété courante que le surréalisme, en tant que mouvement organisé, a pris naissance dans une opération de grande envergure portant sur le langage », déclare A. Breton en 1952. Le mouvement procède, en effet, à une mise en cause radicale du langage. En critiquant le langage commun, on cherche à lui substituer « un langage sans réserve » dont le pouvoir d'énonciation nous révélera à nous-mêmes. Travail du mot, d'une part, libération du langage des profondeurs, d'autre part, sont les deux versants complémentaires du surréalisme.

L'invention d'un nouveau langage artistique

S'il tente d'unir le conscient et l'inconscient dans le langage, le surréalisme en explore un mode privilégié : l'humour. Attitude vitale pour les uns, « sentiment de l'inutilité théâtrale et sans joie de tout » selon Vaché, c'est la condition même de la poésie pour Aragon et Tzara. Breton lance le concept d'humour noir, le définissant à partir de Hegel et de Freud comme une expression de la subjectivité à travers les formes objectives du monde extérieur. Même si l'on considère que le surréalisme dépasse le cadre strictement littéraire, il est né de la rencontre de quelques poètes qui s'accordent sur la définition de l'image de Reverdy : « L'image est une création pure de l'esprit. Elle ne peut naître d'une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. » Pour Breton, ce rapprochement s'opère fortuitement, de sorte que le hasard va dominer toute la création artistique du surréalisme. Cette toute-puissance de l'image, et donc de l'imagination, fait passer au second rang les problèmes formels de l'écriture. « Débâcle de l'intellect », le poème est « fureur et mystère », au mépris de toute règle. Si, peu à peu, les publications surréalistes distinguent poèmes, récits de rêves, récits et même romans, tous ces genres ont en commun de garder trace du vivant et d'annoncer l'avenir. Ils permettent d'élucider une part du comportement humain. Breton écrit des récits « battants comme des portes », aptes à piéger le surréel, tandis qu'Aragon fait de l'écriture une machine à produire le plaisir ; ces deux aspects se rejoignent dans la fascination pour l'étrangeté. De la sorte, l'écriture participe de la magie quotidienne. Michel Leiris (la Règle du jeu) en décèle les traits tout au long de son œuvre, tandis qu'Aragon bâtit une mythologie contemporaine sur le corps de la ville et de la femme (le Paysan de Paris), et que Breton tente d'unifier tous les mythes repérés par le surréalisme en un seul, celui des « Grands Transparents ». Pour l'image picturale que Breton assimile à l'image verbale, la question de la technique ne se pose pas plus que pour l'écriture. Tous les procédés (frottage, photomontage, collage, grattage, etc.) sont justifiés s'ils perturbent nos habitudes, ruinent le réalisme primaire et favorisent l'apparition du merveilleux, du rêve, de l'inconscient.

   Dans le domaine du spectacle (théâtre, cinéma), le surréalisme s'est trouvé partagé entre sa réprobation générale des arts collectifs, qui en fait isolent le spectateur au lieu de l'amener à la communion, et supposent de surcroît d'importants moyens financiers, et son attraction passionnelle. Avec Artaud et Vitrac, il a jeté les prémisses d'une dramaturgie révolutionnaire (théâtre Alfred-Jarry). De même, le cinéma lui était « un excitant remarquable » autant qu'un objet de réprobation.