Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Jérémie (Livre de)

Le nom Jérémie signifie Yah est élevé. Son activité prophétique se déploie de 627 à 587 av. J.-C. Il est né à Anatot, village près de Jérusalem, dans une famille sacerdotale (Jr I, 1). Sa vocation au ministère prophétique se situe en 626 (Jr I, 2), alors qu'il était encore un tout jeune homme. Son activité s'étend sous le règne de plusieurs rois de Juda : commencée sous Josias (640-609), elle se prolongea sous les règnes de Joachaz (609), de Joïaqim (609-597), de Joïakin (597), de Sédécias (597-587) et sous le gouvernement de Godolias. Jérémie connut les jours pleins de promesses du jeune roi réformateur, Josias, puis les années tragiques qui précédèrent la chute de Jérusalem. C'est probablement dans le cours de ces années que Jérémie rédigea, en tout ou en partie, ce qu'on appelle les Confessions (XI, 18-XII, 6 ; XV, 10-21 ; XVII, 14-18 ; XVII, 18-23 ; XX, 7-13). Elles révèlent le combat personnel d'un homme qui entend demeurer fidèle à sa vocation, mais qui, à certaines heures, éprouve la tentation d'abandonner son rôle de prophète. Lors de la prise de Jérusalem (587), Jérémie est traité avec égards par les Babyloniens (XXXIX, 11-14 ; XL, 2-4). Après le meurtre de Godolias, il se trouve entraîné en Égypte par les Judéens qui se dérobent aux sévices du vainqueur (XLII, 1-XLIII, 7). C'est sur cette terre étrangère qu'il disparaît. Les articulations du Livre de Jérémie sont complexes. Tel qu'il se présente aujourd'hui, le Livre de Jérémie est une collection qui fut l'œuvre de nombreux compilateurs et éditeurs : 1) I, l-XXV, 13 : Oracles et actions symboliques de Jérémie contre Juda ; 2) XXVI, l-XLV, 5 : Oracles de salut pour Israël-Juda et récits concernant le ministère de Jérémie ; 3) XXV, 13b-38 et XLVI-LI, 64 : Oracles contre les nations ; 4) LII, l-34 : Appendice décrivant la catastrophe de 587-586. C'est probablement à Babylone, dans une communauté préoccupée de l'avenir, que fut effectué le travail définitif.

Lettre de Jérémie

Elle a été écrite en hébreu, mais elle ne s'est conservée que dans une traduction grecque. En effet, un fragment grec a été découvert à Qumrân, datant des années 100 av. J.-C. Elle ne fait pas partie du canon hébraïque des Écritures, mais figure parmi les livres que l'Église catholique appelle « deutérocanoniques ». Cet écrit se présente comme une lettre adressée par Jérémie à ses compatriotes qui sont sur le point de partir en exil à Babylone (I, 1). C'est une satire contre les idoles, modelée sur celle qu'on trouve en Isaïe, XLIV, 9-20, et sur celle de Jérémie, X, 1-16.

   L'influence posthume de Jérémie a été considérable. Ézéchiel, en plus d'un passage, et surtout les auteurs des Lamentations, de Baruch et de la Lettre de Jérémie lui sont redevables de leur inspiration. Il trouve place dans la pensée et les légendes du judaïsme (II Maccabées, II, 1-8 ; II Baruch ; Paralipomènes de Jérémie). Le christianisme a vu dans l'œuvre de Jésus « la Nouvelle Alliance » annoncée par le prophète (Jérémie, XXXI, 31-34).

Jérôme (saint) , en lat. Hieronymus

Père et docteur de l'Église latine (Stridon, Dalmatie, entre 340 et 350 – Bethléem 419 ou 420).

Après avoir été à Rome l'élève de Donat et avoir entamé une carrière de fonctionnaire impérial à Trèves, il se rendit en Orient et, après un séjour à Antioche (où il approfondit sa connaissance du grec et s'initia à la dialectique aristotélicienne), fit retraite pendant trois ans dans le désert de Syrie. En 379, à Constantinople, il rencontra Grégoire de Nazianze, qui lui révéla Origène. Rappelé en 382 à Rome par le « pape » Damase dont il devint le secrétaire, ce brillant intellectuel fut le directeur de conscience de dames de la noblesse romaine. À la mort de Damase, il retourna en Orient et fonda le monastère de Bethléem, où il se perfectionna dans la langue hébraïque et apprit l'araméen. C'est là qu'il mourut. Outre la traduction de la Bible en latin, Jérôme a laissé une œuvre considérable, comprenant des commentaires exégétiques, une abondante correspondance, des traités polémiques contre Origène et Rufin d'Aquilée, une continuation de la Chronique d'Eusèbe de Césarée, une histoire de la littérature latine chrétienne en 135 notices (De viris illustribus) et des vies de moines qui furent à l'origine de l'hagiographie. Enthousiaste, spontané, mais moralement très rigoriste et ayant parfois la dent dure, Jérôme se montre sans doute le plus érudit des écrivains chrétiens par sa culture trilingue (latin, grec et hébreu) et ses méthodes scientifiques de critique des textes. Sa traduction de la Bible (la Vulgate), réalisée en recourant au texte hébreu chaque fois que c'était nécessaire, devait rapidement supplanter les versions latines antérieures (dont les fragments conservés constituent la « Vetus Latina »), et faire autorité jusqu'à l'époque moderne. Mais son chef-d'œuvre littéraire demeure sa Correspondance, dont l'écriture talentueuse, assortie d'un humour souvent corrosif, a pu le faire considérer comme le plus grand épistolier latin après Cicéron.

Jersild (Per Christian)

Écrivain suédois (Katrineholm 1935).

L'ensemble de son œuvre forme une satire impitoyable de son époque : le Voyage de Calvinol à travers le monde (1965) dénonce la psychose de faux héros, militaires ou politiques, empruntant à Voltaire et à Italo Calvino. Dans la Chasse au cochon (1968), l'auteur inaugure le cycle des critiques de la bureaucratie : Lennart Siljegren, qui a l'ordre de tuer tous les cochons de Suède, est confronté au problème de l'obéissance ; son interrogation découle évidemment des leçons d'Auschwitz. À travers d'autres romans comme Mon âme dans un bocal (1980) se lit une méditation sur les vraies valeurs qui pourraient sauver l'homme moderne de la médiocrité et de la décadence. La Seconde Vie de Nils Holgersson (1991) réutilise un mythe de la littérature suédoise, proposant au personnage de nouvelles aventures réactualisées. Amour d'autrefois (1995), Contes tardifs (1998) continuent d'alimenter cette œuvre en devenir.

Jesus (Frei Tomé de)

Écrivain mystique portugais (Lisbonne 1529 – au Maroc 1582 ou 1583).

Élevé par le P. Luis de Montóia, dont il terminera la Vie de Jésus, il entra, en 1547, au couvent des Augustiniens de Nossa Senhora da Graça, où il fut directeur spirituel et, plus tard, prieur de l'ordre. Il accompagna le roi Sébastien lors de l'expédition d'Afrique de 1578, fut fait prisonnier à Alcaçar-Quivir et mourut en prison. C'est dans sa captivité qu'il écrivit les Travaux de Jésus (1re partie, 1602 ; 2e partie, 1609), œuvre destinée à consoler la nation portugaise de sa douleur collective et dont le mysticisme, étranger à toute préoccupation d'école, exprime tantôt l'humilité extrême, tantôt la plus véhémente exaltation dans la contemplation divine : mystique de la douleur élaborée à partir de la Passion du Christ, dont les souffrances sont reconstituées sans le moindre recours érudit, dans une évocation réaliste et charnelle, suivie « d'exercices » de résignation et d'humiliation.