Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
I

indianisme

Ce courant du romantisme brésilien traduit la passion pour le retour au passé et la quête de la nationalité. Dans cette perspective, les principaux indianistes sont Gonçalves Dias (Os Timbiras, 1857) et José de Alencar (le Guarani, 1857 ; Iracema, 1865) : le premier, descendant d'Indiens lui-même, les voit plutôt comme des héros épiques, tandis que le second met en relief leur noblesse naturelle toute idéalisée. Au XVIIIe s., les aborigènes avaient déjà attiré l'attention de Basílio da Gama (O Uraguai, 1769), mais en tant que sujet littéraire marqué par le néoclassicisme. Le modernisme, au XXe s., les redécouvrit à travers le « primitivisme » d'Oswald de Andrade et les groupes Verde amarelo et Anta de Plínio Salgado et Cassiano Ricardo : Andrade récupère les vieux textes descriptifs des colonisateurs pour élaborer une conscience critique de la « civilisation » ; Salgado, lui, fait du thème le point de départ d'un nationalisme outré.

Indiens d'Amérique du Nord

Rarement mentionnée dans les chroniques des missionnaires, la littérature des Indiens d'Amérique du Nord n'a été sérieusement recueillie et étudiée que depuis le début du XXe s. C'est à l'heure où les Indiens réduits à quelques centaines de milliers sont parqués dans des réserves qu'elle est enfin reconnue comme une littérature à part entière et, surtout, comme un témoignage (ou faut-il dire testament ?) infiniment précieux de la richesse individuelle et collective qui fut celle des « Peaux-Rouges ». Il s'agit exclusivement de littératures fondées sur la tradition orale qu'accompagnaient parfois des supports mnémoniques presque toujours pictographiques. Ces littératures, composées de mythes, de contes, de prières, de chants, d'invocations et de harangues coupées de fragments chantés, sont récitées presque toujours dans un but magique, religieux, social ou moral. Les textes sacrés sont l'apanage de grands personnages, chamans ou chefs politiques qui, alliant leur talent personnel de narrateur au respect jaloux de la tradition et à la connaissance magique de chaque mot, conservent au récit son immuabilité. Certains mythes sont censés dégager une vertu magique lors de leur récitation, par la réactualisation d'une situation située dans un passé immémorial. D'autres, situés dans un passé moins lointain, n'entraînent pas de résultats magiques directs, mais ont une valeur d'enseignement moral. Le mythe dit « d'Orphée », commun à beaucoup d'ethnies, en est l'exemple le plus célèbre. Un veuf inconsolable part à la recherche de sa femme et obtient la permission de la ramener sur terre sous certaines conditions : ne pas ouvrir trop tôt la besace qui contient l'âme de la défunte, ne pas la heurter ou encore ne s'endormir sous aucun prétexte, mais les interdits sont transgressés, la femme meurt définitivement et l'époux est transformé en bûche ou subit une autre métamorphose. Chaque tribu possède des mythes de création contant l'origine du monde et des hommes, héros culturels ou ancêtres civilisateurs. Le premier monde, selon bien des versions, était peuplé de géants et fut détruit par un cataclysme ; seuls quelques animaux, sauvés grâce à leur astuce et dotés de caractères semi-humains, jouèrent le rôle d'ancêtres civilisateurs en réorganisant l'univers ravagé, en créant les hommes, en leur apprenant à chasser, à pêcher, à se vêtir et en leur enseignant le rituel nécessaire pour entrer en communication avec les esprits. Divers mythes racontent comment les ancêtres animaux s'ingénièrent à dérober le feu nécessaire à la vie. Pour les Creeks (Géorgie, Alabama), tous les animaux tinrent conseil et se mirent d'accord pour que le Lapin essaie d'obtenir du feu pour tout le monde : « Le Lapin traversa la Grande Eau qui menait au pays de l'Est [...]. Là, on organisa une grande fête en son honneur et on alluma un grand feu. Les danseurs se prosternaient devant le feu et le Lapin en fit autant à tel point que les bâtons de résine de sa coiffure s'enflammèrent et que sa tête devint un buisson ardent. Il s'enfuit, des flammes sortant de sa coiffure, et retourna chez son peuple. » Ces différents héros culturels, loin d'être des bienfaiteurs modèles, sont souvent égoïstes et cupides, à la fois créateurs et destructeurs, livrés à leurs passions et à leurs convoitises : le mythe du « décepteur » (le trickster), commun à beaucoup de mythologies amérindiennes, donne une dimension profondément humaine à ces personnages. Les chamans, qui entretiennent des relations privilégiées avec les esprits, possèdent tout un répertoire de chants, de prières et d'invocations à des fins bénéfiques ou thérapeutiques qui leur ont été révélés pendant leurs rêves et leurs transes. Des ethnologues tels que Lévi-Strauss ont montré comment cette littérature « engagée » dans les problèmes posés par la vie matérielle et sociale témoigne de la richesse et de la subtilité de la « pensée sauvage ».

Indiens d'Amérique du Sud

L'Amérique du Sud est composée de trois aires culturelles distinctes qui forment des ensembles relativement homogènes. La zone andine (Pérou, Équateur, Bolivie, Chili du Nord essentiellement) vit naître les splendeurs de la civilisation inca et constitue un exemple unique de « hautes cultures » en Amérique du Sud : société élaborée et étatisée, elle forme un ensemble très particulier. L'Est équatorial et tropical (Guyanes, Brésil, Paraguay, Uruguay), domaine des Arawaks, des Caribs et surtout des Guaranis, n'a rien connu de semblable : ces Indiens demeurèrent groupés en de petites communautés d'agriculteurs ; leur univers est dominé par le surnaturel et les pratiques magico-religieuses, présentes dans toutes ces communautés, comportant des éléments spectaculaires, tels transes et rêves prémonitoires. L'agent du surnaturel, personnage tout-puissant dans ces sociétés, est le chaman : il tient son savoir de la révélation d'un chant magique qui lui permet une relation privilégiée avec les esprits. Certaines de ces communautés possèdent ou possédaient un ensemble de mythes relativement riche et des cycles ayant pour héros des animaux ont été recueillis. Le feu, élément fondamental de la mythologie amérindienne, fut apporté aux hommes par le carancho, qui est un petit vautour. Soleil, Lune, Pluie apparaissent comme des personnages anthropomorphes et certains phénomènes comme les éclipses sont interprétés comme une lutte entre un de ces personnages et un esprit malveillant. Décimées, dispersées ou profondément acculturées, ces tribus ne conservent aujourd'hui plus grand-chose de leurs traditions.

   Cette situation est encore plus dramatique pour les Indiens habitant la troisième grande aire culturelle sud-américaine : chasseurs de guanacos des pampas sud-argentines (Tehuelches, Puelches) ou pêcheurs de l'archipel de Terre de Feu (Alakalufs, Selk'nams, Yamanas). Les mythes et contes recueillis avant leur quasi-extinction témoignent cependant de l'extraordinaire richesse de pensée des habitants de ces terres déshéritées. Les Selk'nams croyaient en un être suprême, Temaukel, vivant au ciel et n'ayant aucune relation avec les humains : ses nombreux assistants jouèrent le rôle de héros culturels en apportant chacun des éléments nécessaires à la vie des hommes sur terre. Un autre cycle de contes rapporte comment se déroula l'apparition des premiers êtres humains à partir de mottes de terre humides. La mythologie, moins riche, des Yamanas connaît aussi un être suprême, Watavineiwa, ainsi que différents héros civilisateurs. Une grande quantité de mythes plus courts décrivent l'origine de l'eau, de la viande et expliquent les caractéristiques anatomiques des animaux. Tous ces récits sont aujourd'hui les témoignages d'une pensée non seulement « sauvage », mais perdue.