Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Siniavski (Andreï Donatovitch)

Écrivain russe aussi connu sous le pseudonyme Abram Tertz (Moscou 1925 – Fontenay-aux-Roses 1997).

Son père, cadre du Parti, est arrêté en 1951. Après une thèse sur Gorki, Siniavski devient critique littéraire et écrit parallèlement des récits et des romans (Messieurs la cour !, 1956) qu'il ne tente même pas de publier, non qu'ils aient un contenu ouvertement antisoviétique mais parce que leur modernisme est inacceptable pour l'époque : des scènes désarticulées, une vision « cubiste » et une écriture surréaliste inscrivent ces textes dans la tradition du « réalisme fantastique » de Gogol ou de Dostoïevski. Siniavski décrit déjà la  « nuit stalinienne », avec sa pompe, sa rhétorique, ses peurs et son classicisme, idée développée dans un essai-programme, Qu'est-ce que le réalisme socialiste ? (paru en 1959 dans la revue Esprit). L'affaire Tertz naît : jusqu'en 1965, année de son arrestation et de sa condamnation à cinq ans de camp, ses livres sont censurés. L'épreuve lui inspire, sous forme de lettres à sa femme Maria Rozanova, trois ouvrages de réflexions iconoclastes, fantastiques ou insérées dans le « chœur » des zeks, qui portent sur l'art-deuxième réalité (Une voix dans le chœur, 1974 ; Promenade avec Pouchkine, 1975 ; À l'ombre de Gogol, 1976). Il émigre en France en avril 1973, enseigne à la Sorbonne, et participe à la fondation de la revue Kontinent, qui doit rassembler toute la dissidence, mais, opposé au courant néoréaliste (Soljenitsyne), il fonde sa propre revue, Syntaxis. Le sentiment d'être un paria de l'émigration russe, l'impression de vivre un second et inachevable procès suscitent André-la-Poisse (1981) et Bonne Nuit (1984), un livre d'adieu à Tertz, à soi ; derrière les jongleries tragiques, les confessions inquiétantes et les jeux énigmatiques de l'écrivain avec l'Histoire, se cache une immense nostalgie. En 1988, il publie un bilan de la Civilisation soviétique, de la révolution d'Octobre à Gorbatchev.

Sinisgalli (Leonardo)

Écrivain italien (Montemurro, Potenza, 1908 – Rome 1981).

Ingénieur, poète hermétique, oscillant entre le lyrisme et l'épigramme (Champs-Élysées, 1939 ; Je vis les muses, 1943 ; la Vieille Vigne, 1952 ; l'Âge de la lune, 1962 ; Poèmes d'hier, 1966 ; Mouches en bouteille, 1975 ), c'est aussi un prosateur scientifique (Furor mathematicus, 1944 ; Horror vacui, 1945 ; Jour après jour, 1945).

Sion (Georges)

Écrivain belge de langue française (Binche 1913 – Schaerbeek, près de Bruxelles, 2001).

S'inscrivant dans la tradition de Marivaux, de Musset et de Giraudoux, ses comédies (la Matrone d'Éphèse, 1943 ; la Princesse de Chine, 1951 ; la Malle de Paméla, 1955) cachent un propos sérieux sous l'apparente futilité du sujet. En rupture de ton, il donne, dans un registre grave et mystique, Charles le Téméraire (1944) et le Voyageur de Forceloup (1951). Adaptateur de Shakespeare, il est aussi critique et essayiste.

Sirmond (Jean)

Écrivain français (Riom 1589 – id. 1649).

Jean Sirmond fut chargé par Richelieu d'utiliser son éloquence pour riposter aux pamphlets de Matthieu de Morgues. Historiographe du roi, il fut l'un des premiers membres de l'Académie française. Il prit part à la querelle du Cid et laissa un certain nombre d'éloges de la monarchie et du cardinal, comme le Discours au roi sur l'excellence de ses vertus, la Lettre déchiffrée et le Coup d'État de Louis XIII.

Sissoko (Fily Dabo)

Poète et homme politique malien de langue française (1900 – 1964).

Il appartient à la première génération des intellectuels africains formés sur place et passés par les institutions coloniales. F. D. Sissoko est instituteur, diplômé de l'École William Ponty ; issu d'une famille de chefs bambara traditionnels, il devient chef de canton en 1939. Il entretient une correspondance avec L. Lévy-Bruhl ainsi qu'avec Marcel Jousse, jésuite anthropologue qui élabore une œuvre originale sur le rythme, le geste et l'oralité. Homme politique, Fily Dabo Sissoko est un tribun, à l'écoute des paysans mais à l'écart des groupes urbains qui imposent à la politique leur loi, et vont donner le ton à la littérature en français. Il publie essais et poèmes (Harmakhis, 1953) qui montrent une voix originale, attentive et précise, soucieuse d'inventer des formes pouvant rendre compte de la tradition africaine ; il donne un récit de voyage en Afrique (Au-dessus des nuages, 1955, publié en 1970), un essai sur la répression contre les Touaregs lors de la Première Guerre mondiale (la Savane rouge, 1964). Emprisonné lors de l'indépendance du Mali, il meurt en détention. En 2000, le gouvernement du Mali a fait rééditer ses œuvres et organisé un colloque à sa mémoire.

Sitor Situmorang

Écrivain indonésien (Harianboho 1924).

Après des études dans sa région d'origine (le pays batak) et à Jakarta, il occupe divers emplois, collabore à divers périodiques comme Suara Nasional, Waspada, Berita Indonesia (en 1945, 1947, 1957) et enseigne à l'Académie d'art dramatique. En 1959, il fonde et préside l'Institut de la culture populaire patronné par le parti national indonésien (P.N.I.). Accusé de soutenir les activités de l'aile gauche du P.N.I., il est emprisonné à la fin de 1966 et ne sera libéré que dix ans plus tard, en 1976. Considéré comme l'un des plus grands poètes de la génération d'après-guerre (Lettres sur papier vert, 1953 ; En vers, 1955 ; Visage sans nom, 1955 ; Temps nouveau, 1962 ; le Mur du temps, 1976 ; Carte routière, 1977), il a également fait paraître des nouvelles (Combat et Neige à Paris, 1956 ; Prince, 1963), des pièces de théâtre (la Route aux perles, 1954) et des essais (la Littérature révolutionnaire, 1965).

situationnisme

Mouvement artistique et politique créé en 1957 par Guy Debord, avec Asger Jorn et Constant (issus du groupe Cobra) et regroupant des membres de l'Internationale lettriste (issue, en 1952, d'une scission du lettrisme d'Isidore Isou), du Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste, et du Comité psychogéographique de Londres. Reprenant le mot de Rimbaud « changer la vie », il propose une révolution culturelle par la construction de situations nouvelles, critiquant et dépassant le surréalisme. Par la pratique de la dérive, du détournement, de l'aliénation, il s'agit de transformer l'urbanisme et la vie quotidienne. Le situationnisme procède à une critique radicale de la société de consommation et de sa mise en spectacle. La brochure De la misère en milieu étudiant a eu une influence certaine sur les événements de mai 1968 à Paris. Outre les articles de la revue l'Internationale situationniste (12 numéros, 1958-1969), ses thèses ont été exposées par Raoul Vaneigem (Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations, 1965), Guy Debord (la Société du spectacle, 1967 ; Thèses sur l'I. S. et son temps, 1972), et son action, par René Viénet (Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations, 1969). Comme mouvement politique, il ne survécut pas à ses scissions ; celle de Strasbourg (1967), conduite par Théo Frey, Jean Garnault, Herbert Holl et Édith Frey, fut décisive. Mais il reste une référence constante pour un certain nombre de nouvelles pratiques culturelles.