Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Moreau (Hégésippe)

Écrivain français (Paris 1810 – id. 1838).

Sa courte existence fut marquée par le malheur : orphelin, amoureux d'une femme mariée, il mourut jeune de la phtisie « galopante » des romantiques. L'essentiel de son œuvre est regroupé dans le Myosotis (1838) et comprend des poèmes mélancoliques et d'une fraîcheur idyllique, comme « la Voulzie », réunis à cinq contes en prose (« les Petits Souliers », « le Neveu de la fruitière », « la Souris blanche », « le Gui du chêne » et « Thérèse Sureau ») publiés en 1851 sous le titre Contes à ma sœur.

Morel (Jean de)

Poète et mécène français (1511-1581).

Élève d'Érasme (qu'il assista au moment de sa mort), fixé à Paris à partir de 1540, il épousa une femme de grande culture, Antoinette de Loynes. Son hôtel, près de l'église Saint-André-des-Arts, fut fréquenté par de grands personnages politiques et, surtout, par de nombreux poètes : les néolatins Salmon Macrin et Nicolas Bourbon, Jean Dorat et les jeunes poètes de la Pléiade, qu'il encouragea et soutint à l'orée de leur carrière. Il se lia plus particulièrement d'amitié avec Joachim Du Bellay, dont il publia en 1568 la première édition collective des œuvres.

Morellet (André)

Écrivain français (Lyon 1727 – Paris 1819).

Après des études de théologie, il collabora à l'Encyclopédie. Il traduisit Beccaria et entreprit un vaste Dictionnaire de commerce. Il participa à la Révolution mais se retira durant la Terreur. Sous l'Empire et la Restauration, il fut le représentant vieilli de l'esprit des Lumières, dont témoignent son hostilité à Chateaubriand (Observations critiques sur le roman intitulé « Atala », 1803) et ses Mélanges de littérature et de philosophie (1818).

Morelly

Philosophe et écrivain français (XVIIIe s.).

Après Essai sur l'esprit humain (1743), Essai sur le cœur humain ou Principes naturels de l'éducation (1745), Physique de la beauté (1748), le Prince (1751), le Naufrage des îles flottantes ou la Basiliade (1753) s'inscrit dans la tradition utopique de Thomas More : il expose une organisation communiste de la société dont la théorie est faite dans le Code de la nature ou le Véritable Esprit de ses lois (1755), qui inspira Babeuf, Cabet et les socialistes utopistes du XIXe s.

Moreno Villa (José)

Écrivain espagnol (Málaga 1887 – Mexico 1955).

Ses recueils de vers annoncèrent la réaction contre le modernisme et la génération de 1927 (Garba, 1913 ; le Passager, 1914). Il cultiva ensuite une poésie plus hermétique (Ponts infinis, 1933 ; Salon sans murs, 1936), proche du surréalisme, avant de trouver une inspiration plus autobiographique (la Nuit du verbe, 1942). On lui doit aussi des récits en prose et des Mémoires (la Vie en clair, 1944).

Moreto y Cabaña (Agustín)

Auteur dramatique espagnol (Madrid 1618 – Tolède 1669).

Un des meilleurs continuateurs de Lope de Vega et de Calderón, il est l'auteur de comédies où la virtuosité technique va de pair avec un souci accru de didactisme moral. Dédain pour dédain (1652), tirée d'une comédie de Lope de Vega, servira de modèle à la Princesse d'Élide de Molière. Le Beau Don Diègue (1654), où il décrit la présomption vaniteuse d'un petit-maître, sera repris par Scarron dans Don Japhet d'Arménie.

Moretti (Marino)

Écrivain italien (Cesenatico 1885 – id. 1979).

Poète d'inspiration crépusculaire (Poésies écrites au crayon, 1910 ; le Dernier Été, 1969 ; Trois Ans et un jour, 1971 ; De pauvres femmes, 1973), il fut aussi un romancier intimiste d'un humour discret (la Voix de Dieu, 1920 ; les Purs de cœur, 1923 ; la Veuve Fioravanti, 1941 ; la Chambre des époux, 1958 ; Romans de ma terre, 1961).

Moreyra (Álvaro Moreira da Silva, dit Álvaro)

Écrivain brésilien (Porto Alegre 1888 – Rio de Janeiro 1964).

Auteur dramatique moderniste (Adam, Ève et autres membres de la famille, 1929), il a publié des récits et des chroniques (Temps perdu, 1936).

Morgan (Charles Langbridge)

Écrivain anglais (Bromley, Kent, 1894 – Londres 1958).

Rédacteur puis critique dramatique au Times, il connut le succès avec ses romans (Portrait dans un miroir, 1929 ; Fontaine, 1932 ; Sparkenbroke, 1936 ; le Voyage, 1940 ; le Juge Gaskony, 1947). On lui doit aussi des pièces de théâtre (le Réseau Rivière, 1952 ; le Cristal ardent, 1953) et des essais critiques. Dans une tonalité mystique, héritée des « poètes métaphysiques » du XVIIe siècle, il met en scène le double conflit de l'esprit et de la chair, du sentiment et de la raison scientifique.

Morgenstern (Christian)

Poète allemand (Munich 1871 – Merano 1914).

Il est connu par ses Chants du gibet (1905). Conçus pour le « Kabarett », ces poèmes faits de jeux de mots, de créations grotesques ou absurdes, brisent la logique du langage et en dévoilent « l'arbitraire absolu ». Cet humour s'exprime dans un style proche de l'aphorisme (Épigrammes et aphorismes, 1920). Attiré par Nietzsche, la philosophie religieuse de Paul de Lagarde et surtout par la théosophie de R. Steiner, Morgenstern est aussi un mystique « chercheur de Dieu » (Journal d'un mystique, 1905 ; Mélancolie, 1906 ; Nous trouvâmes un chemin, 1914 ; Degrés, 1918).

Mori Arimasa

Philosophe et écrivain japonais (Tokyo 1911 – Paris 1976).

Issu d'une famille protestante très cultivée, il fit, jusqu'à 39 ans, une brillante carrière universitaire : professeur adjoint à l'Université de Tokyo, il poursuivit des recherches, notamment sur Pascal et Descartes (la Méthode de Pascal, 1943). Mais le contact réel et bouleversant avec la vie occidentale en 1950 détermina sa vocation d'écrivain, et le fit s'établir définitivement à Paris. Son désir fut de comprendre de l'intérieur la civilisation européenne, en quête d'une universalité fondée sur le particulier : « l'expérience vécue ». En 1957, Sur les fleuves de Babylone, journal intime sous forme de lettres, marqué d'un style lyrique, eut immédiatement un grand retentissement au Japon. Suivent Aux portes des remparts (1962), Notre-Dame lointaine (1967).

Mori Ogai (Mori Rintaro, dit)

Écrivain japonais (Tsuwano 1862 – Tokyo 1922).

Considéré, avec son contemporain Natsume Soseki, comme le plus grand écrivain de la littérature moderne au Japon, il fut un véritable pionnier dans divers domaines : non seulement roman et traduction (Caldéron, Lessing, Daudet, Strindberg, Ibsen, Rilke, et surtout Faust, Macbeth), mais aussi critique, poésie, théâtre, histoire et idéologie. Il remplit en même temps de hautes fonctions de l'État dans le domaine de la médecine, de la langue et de la culture. Enfant précoce, il étudie très jeune les classiques chinois et le hollandais. En 1872, son père l'emmène à Tokyo afin d'y apprendre l'allemand et, à 12 ans, Mori Ogai assiste aux cours préparatoires de la faculté de médecine de Tokyo, d'où il sortira diplômé à 19 ans. Il embrasse désormais une double carrière de médecin militaire et d'écrivain. En 1884, il est envoyé en Allemagne afin d'y étudier l'hygiène : durant quatre années de séjour, il fréquente les universités de Leipzig, Munich et Berlin, écrit et publie plusieurs thèses en allemand. Dès son retour au Japon (1888), il compose un recueil de poèmes traduits, intitulé Réminiscence (1889), chef-d'œuvre intemporel dont le style nouveau influença définitivement la poésie japonaise moderne. Il se signale ensuite par une nouvelle, la Danseuse (1890), qui rompt avec les procédés classiques du genre. Sa traduction de l'Improvisateur d'Andersen (1892) connaît également un grand succès. En 1909, année où il fonda la revue Subaru, commence enfin une période d'une grande fécondité littéraire : Vita sexualis (1909), interdite pour immoralité, le Jeune Homme (1910), stimulé par le roman analogue de Natsume Soseki, la Tour du silence (1910), pamphlet qui défend la liberté de penser, et l'Oie sauvage (1911), fondé sur l'analyse d'une âme en quête d'identité et de liberté. Son opposition au naturalisme l'incline peu à peu à défendre des valeurs et une culture proprement japonaise. Après la mort de l'empereur Meiji (1912), il donne une série de récits historiques : le Testament d'Okitsu Yayoemon (1912), la Famille Abe (1913), l'Intendant Sansho (1915), et le Takasebune (1916).