Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
M

Mulisch (Harry)

Écrivain hollandais (Haarlem 1927).

Rédacteur en chef de plusieurs journaux littéraires, il débuta dans le roman sous le signe du fantastique (Archibal Strohalm, 1952) dont les thèmes restent sous-jacents dans ses nouvelles (la Lumière noire, 1956 ; l'Homme décoré, 1957 ; Air ancien, 1977) et ses récits où l'analyse psychologique vire à l'introspection et à l'autobiographie (le Diamant, 1954 ; le Lit nuptial de pierre, 1959 ; Deux Femmes, 1975 ; l'Attentat, 1982). On lui doit aussi des reportages sur le procès d'Eichmann (le Cas 40/61, 1962), sur les happenings des « provos » à Amsterdam en 1965-66 et des pièces de théâtre (Conseils en vue du Jugement dernier, 1967) qui n'écartent pas tout espoir au sein d'un monde chaotique.

Müller (Friedrich) , dit le Peintre Müller

Écrivain allemand (Kreuznach 1749 – Rome 1825).

Peintre à la cour de Mannheim, il s'établit à Rome (1778) et s'y convertit au catholicisme. D'abord disciple de Klopstock et de Gessner, il évolue dans ses ballades et surtout dans ses idylles profanes vers un réalisme populaire et une conduite dramatique de l'action. Le titanisme du Sturm und Drang anime les ébauches d'une pièce sur Faust (la Vie de Faust adaptée pour le théâtre, 1778) et le drame lyrique Niobé (1778), alors que l'atmosphère musicale et la construction du drame religieux Golo et Geneviève (1775-1781) font de Müller un précurseur du théâtre romantique.

Müller (Heiner)

Écrivain allemand (Eppendorf 1929 – Berlin 1995).

Fils d'un social-démocrate persécuté par les nazis, enrôlé vers la fin de la guerre, il fait très tôt l'expérience de la trahison. Il refuse de suivre ses parents à l'Ouest (1951), et débute en R.D.A. comme écrivain et dramaturge. Sa pièce le Briseur de salaire (1956) reçoit le prix Heinrich Mann, mais l'Émigrante (1961) est interdite. Il est exclu de l'Union des écrivains (1961). Sa position en R.D.A. oscille entre deux extrêmes : auteur reconnu, il collabore au Berliner Ensemble (1970-1976) et à la Volksbühne (1976) ; mais, accusé de « pessimisme historique », il subit les tracasseries officielles. Le monde du travail lui inspire le Chantier (1965), Histoires de la production (1974). Sa vision lucide, voire cynique, de l'histoire l'amène à réviser des mythes antiques ou classiques (Hercule 5, 1966 ; Prométhée, 1969 ; Hamlet-Machine, 1977 ; Quartett, 1980 ; Matériau-Médée, 1982), et à revisiter les origines de l'histoire allemande (la Bataille, 1974 ; Germania mort à Berlin, 1977 ; Vie de Gundling, 1977). Sceptique face à la chute du Mur (1989), il doit se justifier d'avoir collaboré avec la Sécurité d'État. À partir de 1993, il dirige le Berliner Ensemble. Sa mort suscite une forte émotion collective.

Munch-Petersen (Gustaf)

Poète danois (Copenhague 1912 – en Espagne 1938).

De mère suédoise, il fut influencé par la poésie finlandaise d'expression suédoise de Diktonius et d'Édith Södergran. Son recueil le Soleil existe (publié après sa mort) rassemble tout ce qui agite ses contemporains : Freud, Lawrence, la poésie noire, le jazz. La marque du surréalisme est sensible dans le Pays inférieur (1933) et Vers Jérusalem (1934). Il trouva la mort pendant la guerre d'Espagne.

Münchhausen (Karl Hieronymus, baron de)

Officier allemand (Bodenwerder 1720 – id. 1797).

Les aventures consignées dans les Aventures fantastiques du baron de Müchenhausen... (1786) remontent aux propos de ce représentant typique de la petite noblesse allemande, dont il partage tous les défauts, grossis chez lui de façon comique par une extraordinaire vantardise. Des récits de ses campagnes, voyages et parties de chasse, colportés par ses hôtes, puis consignés dans un recueil anonyme, parurent en Angleterre avec un succès retentissant. A. Bürger retraduisit, en les enrichissant d'épisodes extravagants, ces histoires extraordinaires, faisant de Münchhausen le chef-d'œuvre du genre appelé Lügengeschichten.

Mungoshi (Charles)

Romancier et poète zimbabwéen de langues shona et anglaise (né en 1947).

Il publie sa première nouvelle en 1966 et commence une carrière dans l'édition et la librairie sans passer par l'université. Il publie un recueil l'Arrivée de la saison sèche (1972), puis des séries de nouvelles en shona et en anglais. En 1975, il réussit le tour de force d'obtenir deux prix littéraires, l'un pour son œuvre en shona, l'autre pour son œuvre en anglais. Son roman En attendant la pluie (1975) montre une maîtrise narrative alliée à un sens de la nature, des rythmes agricoles. La même année, il réussit à renouveler le roman shona et à l'arracher au moralisme en adoptant le point de vue du personnage féminin dans une histoire de couple : Ndiko kupindana kwamazuwa (1975). C. Mungoshi est un auteur discret, qui voyage peu, mais vit au contact des réalités sociales de son pays, qu'il nous transmet à travers sa vaste culture littéraire. Il a traduit un roman de Ngugi en shona (A Grain of Wheat [Tsanga Yembeu], 1987).

Munier (Roger)

Poète français (Nancy 1923-Vesoul 2010).

Marqué très jeune par la phénoménologie, il rencontre Heidegger et le traduit (Lettre sur l'humanisme, 1953). Lecteur des haiku orientaux, méfiant à l'égard d'un lyrisme ample trop sûr de ses pouvoirs, il opte pour la forme courte (l'Instant, 1973). La poésie telle qu'il la conçoit ne se sépare pas de la pensée et le poète est selon lui le témoin d'un Rien fondateur. Lecteur des mystiques, il oriente de plus en plus nettement sa poésie vers les enjeux spirituels (la Dimension d'inconnu, 1988 ; Dieu d'ombre, 1996) et le mystère : « Dans ce que tu cherches à penser, improbable, sans contours, c'est ce qui est à penser qui cherche. » Il est également traducteur de l'espagnol (Juarroz, Paz).

Munif (Abd al-Rahman)

Romancier irakien d'origine saoudienne (Amman 1933 – Damascus, Syrie, 2004).

Son œuvre traduit la protestation socio-politique de l'intellectuel contre l'étouffement des libertés (les Arbres et l'assassinat de Marzûq, 1973 ; Histoire d'amour, 1974 ; Quand nous avons quitté le pont, 1976 ; Fins, 1978 ; la Course de fond, 1979). À l'est de la Méditerranée (1975) et Aujourd'hui et ici, toujours à l'est de la Méditerranée (1991) sont une vive dénonciation de la torture, de l'arbitraire et des régimes dictatoriaux. Monde sans carte (1983) a été écrit avec Jabrâ Ibrâhîm Jabrâ. Les Villes de sel (5 vol., 1981-1989), œuvre monumentale, traitent de la découverte du pétrole, de l'enrichissement et de ses conséquences : rupture de l'équilibre entre l'homme et son milieu, passage brutal du nomadisme à une urbanisation forcée et destructrice.