Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
F

Fortini (Franco Lattes, dit Franco)

Écrivain italien (Florence 1917 – Milan 1994).

Critique et penseur politique, son influence sur les théories de 1968 est remarquable (Dix Hivers, 1957 ; Vérification des pouvoirs, 1965 ; Questions de frontières, 1977). Sa poésie témoigne du lien entre art et politique (Une fois pour toutes : poésies 1938-1985 ; Que les Composés se dissolvent, 1994). Son activité de traducteur, en particulier de Brecht, confirme son combat idéologique.

Fortis (Alberto)

Écrivain italien (Padoue 1741 – Bologne 1803).

Son Voyage en Dalmatie (1774) est un des premiers exemples d'anthropologie scientifique. Il s'inspire d'un chant populaire serbo-croate, l'Épouse de Hasan-aga, qui, traduit en Europe, est à l'origine de l'intérêt des romantiques pour la poésie orale des Slaves du Sud.

Foscolo (Ugo)

Écrivain italien (Zante, îles Ioniennes, 1778 – Turnham Green, près de Londres, 1827).

Personnalité romantique, il a évoqué ses passions politiques et amoureuses dans les Dernières Lettres de Jacopo Ortis (1802 et 1816), roman autobiographique sous forme de journal épistolaire (inspiré du Werther de Goethe). Il y retrace les tourments et le suicide d'un jeune héros, Jacopo, déchiré par une passion malheureuse et accablé par la servitude de sa patrie, Venise. Au fil du roman, le thème amoureux s'estompe pour fournir l'occasion de véritables réflexions d'ordre socio-politique sur la situation politique italienne de l'époque. Et même si son roman contient déjà les ingrédients des courants politiques et littéraires (préromantiques) modernes, Foscolo emprunte la voie poétique pour résoudre ses problèmes existentiels et s'affirmer. Alors que ses Odes (À Luigia Pallavicini tombée de cheval, 1799 ; À l'amie guérie, 1802) apparaissent comme la tentative de reconstruire un monde idéal où règne le Beau, nourrie de mythologie et de culture classique, ses Sonnets affleurent de nouveau, avec plus de maturité, l'Histoire et la réalité, oscillant entre une sensualité alexandrine et le patriotisme héroïque de l'ode À Bonaparte libérateur (1797). Son poème en vers Tombeaux (1807) constitue le véritable dépassement idéologique de Jacopo Ortis. S'élevant contre le décret de Saint-Cloud interdisant d'édifier des tombes dans les églises et les chapelles privées, l'auteur y exalte le culte des morts et la mémoire des grands hommes, que perpétuent les tombeaux. Ainsi, le renoncement à l'action laisse place à l'espoir d'une Italie qui pourra renaître grâce à l'exemple de son passé. Véritables hymnes aux traditions historiques et mythologiques, le poème inachevé des Grâces (entrepris en 1813) poursuit, sous l'influence de Canova, un idéal néoclassique de perfection plastique et de sérénité. Il se compose de trois hymnes disparates consacrés à Vénus, à Vesta et à Pallas, et situés, respectivement, en Grèce, à Florence et en Atlantide, et qui mêlent l'autobiographie, l'érudition néoclassique et l'histoire contemporaine. Il écrit aussi plusieurs tragédies, d'inspiration alfiérienne (Thyeste, 1797 ; Ajax, 1811 ; Ricciarda, 1813), et plusieurs essais critiques, consacrés à la littérature italienne classique et contemporaine, dont l'érudition égale la modernité : De l'origine et de la fonction de la littérature (extrait de son discours inaugural de 1809 à l'université de Pavie), Essai sur la littérature italienne dans les premières vingt années du dix-neuvième siècle (1818) ; Essai sur Pétrarque (1821) ; Discours sur la « Divine Comédie » (1825). Si ses traductions d'Homère (Expériences de traduction de l'Iliade, 1807) et de Catulle (la Chevelure de Bérénice, 1803) prolongent son activité de philologue et de poète, l'étude et la traduction (1813) du Voyage sentimental de Sterne transparaissent aussi bien à travers l'ironie de l'autoportrait esquissé dans les Nouvelles autour de Didimo Chierico (1813) qu'à travers l'humour de ses chroniques de la haute société londonienne (Lettres écrites d'Angleterre, 1816).

Fosse (Jon)

Écrivain norvégien (Haugesund 1959).

Il a commencé par un roman, Rouge, noir (1983), puis a publié une quinzaine de livres (récits, poèmes essais, livres pour enfants) avant d'en arriver au théâtre. Sa première pièce date de 1994 (Et jamais nous ne nous séparerons :) le succès rencontré a justifié l'exploration plus systématique de ce registre. La pièce le Nom (1996) obtient le prix Ibsen, Quelqu'un va venir est monté au Norske Teatret d'Oslo en 1996. Le dramaturge cherche à bouleverser le spectateur avec un minimum de moyens. Melancholia I et II constituent les derniers romans.

Fouchet (Max-Pol)

Écrivain et journaliste français (Saint-Vaast-La-Hougue 1913 – Avallon 1980).

Fondateur à Alger (1939) de la revue Fontaine, tribune de la résistance intellectuelle et poétique, il créa, avec Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet, les émissions télévisées Lectures pour tous (1953-1968) et le Fil de la vie (1954-1958). Romancier (la Rencontre de Santa-Cruz, 1976 ; la Relevée des herbes, 1980), critique d'art (Bissière, 1955 ; les Nus de Renoir, 1974 ; Wifredo Lam, 1976), il est le poète humaniste de la magie tapie au cœur de l'homme (les Limites de l'amour, 1942 ; Demeure le secret, 1961 ; Héraklès, 1978).

Fougeret de Monbron (Louis Charles)

Écrivain français (Péronne 1706 – Paris 1761).

Il vécut dans la bohème littéraire parisienne et parcourut l'Europe. Le Cosmopolite ou le Citoyen du monde (1753) est le récit ironique de ses illusions perdues, tandis que Margot la ravaudeuse (1750) retrace le décevant « voyage » d'une prostituée dans la société. L' « homme au cœur velu » s'en prit à Voltaire (la Henriade travestie, 1754), aux Anglais (Préservatif contre l'anglomanie, 1757) et aux Parisiens jouisseurs (la Capitale des Gaules ou la Nouvelle Babylone, 1759-1760).

Fourcade (Dominique)

Poète français (Leigh-on-Sea, Essex, 1938 – Lyme Regis, Dorset, 2005).

Ses premiers recueils (dont Lessive du loup, 1966 ; Nous du service des cygnes, 1970) sont marqués par l'influence de René Char. Après un long silence, le Ciel pas d'angle (1983) inaugure une série de textes qui font de lui un des poètes contemporains de la littéralité, contre le lyrisme et l'expression subjective. Le poème est expression de la réalité-même, dans une conception et une expérience heideggeriennes de la parole (Rose-déclic, 1984 ; Son blanc du un, 1986 ; Xbo, 1988 ; Outrance utterance et autres élégies, 1990 ; IL, 1994 ; le Sujet monotype, 1997 ; Est-ce que je peux placer un mot ?, 2001). Le travail porte d'abord sur le rythme, tandis que le refus de la figurativité, l'ambiguïté et la fragmentation permettent de déjouer le sens pour approcher du « cœur dur » de la langue, son essence mystérieuse, à la recherche de la volupté originelle de la « phrase fondamentale » dans une écriture ouverte aux néologismes, aux emprunts à l'anglais comme aux phonèmes isolés. Parallèlement aux références à Mallarmé, à Rilke ou à Emily Dickinson, Fourcade interroge la peinture (Manet, Matisse, Cézanne), le jazz (Charles Mingus, Lester Young ou Coltrane) ou la danse contemporaine (Mathilde Monnier).