Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Botero (Giovanni)

Écrivain italien (Bene Vagienna, Cuneo, 1543 – Turin 1617).

Jésuite, il quitta son ordre en 1580 à la suite de conflits avec ses supérieurs. Il jouit ensuite de la protection de Charles et Frédéric Borromée. Ses traités sur la raison d'État, influencés (tout en le combattant) par Machiavel, ont profondément marqué la réflexion politique de l'âge baroque (Sur la raison d'État, 1589). Ses Relations universelles brossent un portrait politique et psychologique du nouveau monde.

Botev (Hristo)

Poète, journaliste et révolutionnaire bulgare (Kalofer 1848 – région de Vraca 1876).

Conformément à l'idéal romantique, il aspire passionnément à la liberté individuelle, condition sine qua non d'une libération nationale et sociale. Sa poésie est marquée par l'indignation et la haine mais peut revêtir un aspect élégiaque quand les contradictions entre le rêve et la révolte s'expriment par la plainte et la souffrance. Son patriotismme et la vénération des héros populaires s'opposent à l'aversion à l'égard des Turcs et des notables bulgares. S'inspirant fortement du folklore, dans un vers syllabo-tonique dont il est le créateur, faisant fi de tout sentimentalisme, Botev donne la priorité à l'analyse psychologique et à la recherche d'ordre rythmique. Sa ballade Hadzi Dimitar témoigne du pyschisme de son peuple qui tend vers une haute conscience spirituelle, structurée sur un plan concret et mythologique. Elle constitue le récit d'un miracle : le héros, par son sacrifice, participe à un événement épique le jour, et il devient, la nuit, protagoniste d'un rituel initiatique qui le rend immortel. Ainsi le héros et le peuple se présentent-ils dans leur essence mystique et accèdent-ils au sacré. Il s'agit d'une œuvre très dense d'un caractère unique qui a influencé d'une manière déterminante la poésie bulgare moderne.

Boti (Regino)

Poète cubain (Guantánamo 1878 – id. 1958).

Son premier recueil, Arabesques mentales (1913), est marqué par un intellectualisme et une recherche formelle en réaction contre le modernisme. Bien que plus ouverte par la suite aux problèmes sociaux, sa pensée ne peut se dégager d'une virtuosité technique qui l'entraîne vers les expériences d'avant-garde (Kodak-Ensueño, 1929 ; Kindergarten, 1930). On doit à Boti d'excellentes études sur G. Gómez de Avellaneda et José Martí, et la compilation des œuvres de R. Darío.

Botrel (Théodore)

Chansonnier français d'origine bretonne (Dinan 1868 – Pont-Aven 1925).

Fils d'un humble forgeron, il connut la pauvreté en Bretagne avant de briller à Montmartre. Ses chansons, notamment la Paimpolaise (1893), eurent un grand succès populaire. Il les publia en recueils (Chansons de chez nous, 1899), ainsi que des pièces de théâtre et des Souvenirs d'un barde errant (1926), le tout en français, car il n'apprit le breton que dans l'âge mûr.

Bouchet (André du)

Poète français (Paris 1924 – Truenas, Ardèche, 2001).

Comme les poètes de sa génération, qui commencent à publier dans l'après-guerre, André du Bouchet est moins sensible aux enchantements d'un surréalisme déjà lointain qu'à la réalité matérielle et objectale du monde spatial telle que le corps l'appréhende phénoménologiquement.

   C'est le parti-pris du monde et l'extériorité (du péril, du risque) plus que l'intimité romantique, l'horizon plus que le sujet. Plus que d'ajouter, et donc de voiler, cette parole, franche jusqu'à la coupure, se propose au rebours un travail volontiers minimaliste sur la nudité, ce qui induit une mise en espace aussi nécessaire et exigeante que remarquable et caractéristique. Au nu de l'être correspond celui de la matière de la page où le blanc, dimension à part entière, est une présence répondant à la présence première au monde : espace du dehors et espace de la page se correspondent. Hugo, Reverdy et Baudelaire irrémédiable (1993) sont des voix qu'il interroge. Du Bouchet traduit des langues, dont certaines qu'il connaît mal (l'allemand, avec Celan et Hölderlin, si important à ses yeux qu'il le traduit en 1986), faisant de la traduction un travail sur la langue française, en même temps qu'une réflexion plus globale sur l'acte créateur. Ce qu'emblématise aussi un travail sur la génétique des carnets (Carnets 1952-1956, 1982) et un vif souci de picturalité (la Peinture, 1983).

   Du Bouchet est un témoin des créateurs (Giacometti, Tal Coat). Traduire les langues, traduire le monde, comprendre les peintres obéissent à un même geste fondateur. L'espace de du Bouchet est vide (Dans la chaleur vacante, 1961), réduit à l'essentiel, au plus serré, parfois au plus angoissant. Les hommes, le moi et ses prérogatives avec eux (Qui n'est pas tournée vers nous, 1972), semblent en avoir disparu. Dans la revue l'Éphémère (1967-1972), publiée par la Fondation Maeght, et dont J. Dupin eut l'initiative, du Bouchet croise sa parole critique avec celle de G. Picon, de Y. Bonnefoy, de L.-R. Des Forêts, mettant en lumière les enjeux communs des poètes les plus représentatifs de cette génération. Son œuvre poétique, accompagnée d'un ensemble notable de préfaces et d'études, n'a eu de cesse de casser le bel ordonnancement rhétorique pour rallier la nudité sensible de la sensation jusque dans le recueil de la grande maturité, Aujourd'hui c'est (1984).

   Plus qu'une filiation mallarméenne, la mise en espace du blanc, qui vaut aussi comme respiration pour la voix, est une circulation du sens et de l'air, le lieu de présence (c'est l'un des grands vœux de cette génération, et la raison de son éloignement du surréalisme). La page est l'espace de la confrontation, de la contradiction aussi des grandes présences matérielles : l'air, le feu, la montagne, qui valent comme autant de repères, y prennent effectivement corps, vie et souffle. Célébrée par sa forte unité, sa cohérence extrême, la portée sans concession de son projet, interrogée par de grands critiques (J.-P. Richard, Y. Bonnefoy), cette poésie est l'une des plus personnelles d'aujourd'hui en ceci aussi : l'abstraction est son autre. Elle n'oublie pas le monde. Carnets 2 paraît en 1999, l'Emportement du muet, en 2000.