Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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romantisme (suite)

Le romantisme français

Romantisme : « un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens ; qui chantent plus qu'ils ne parlent », comme l'écrit Valéry. Mot bien commode qui permet de ranger sous une même étiquette près de cent ans de littérature française, de Rousseau à Baudelaire ou même aux symbolistes, des romans de Balzac à la Tristesse d'Olympio, avec des précurseurs et des épigones, des orthodoxes, des hérétiques et des novateurs. À ce degré de dilution, le mot ne veut plus dire grand-chose et c'est en revenant aux principes érigés par certains de ses théoriciens que l'on peut échapper aux clichés, au mieux niais, au pire grotesques, qui lui sont malheureusement attachés.

   Le mot apparaît en français à la fin du XVIIIe s. sous la forme d'un adjectif inspiré de l'anglais (« romantic ») et synonyme de « romanesque » (on note toutefois déjà deux emplois du mot à la fin du XVIIe s., à peu près dans ce sens). On cite toujours la phrase de Rousseau dans les Rêveries du promeneur solitaire : « Les rives du lac de Bienne sont plus sauvages et romantiques que celles du lac de Genève, parce que les rochers et les bois y bordent l'eau de plus près. » « Romantique » en l'occurrence remplace avantageusement « pittoresque », si la sensation éprouvée à la vue d'un paysage « éveille dans l'âme émue des affections tendres et des idées mélancoliques » (Letourneur, Discours-préface à une traduction de Shakespeare, 1776). La notion est déjà complexe, puisque l'adjectif désigne donc la qualité d'un paysage existant qui aurait les charmes d'un paysage décrit ou peint, selon une dialectique subtile entre l'art et la réalité. Arrive alors d'Allemagne une seconde interprétation du mot : les Allemands ont inventé « la romantique », qui est à la fois une histoire littéraire et un programme. Selon Schlegel, il s'agit de retrouver le génie et l'énergie des anciens peuples « romans ». Ceux-ci (notamment en Angleterre, en Espagne et en Allemagne) affirment au Moyen Âge une véritable culture indigène. Malheureusement, la corruption classique diffusée par la France a imprégné plus tard tous ces pays, et surtout l'Allemagne, d'une version abâtardie et cosmopolite de l'Antiquité. Elle a étouffé les cultures nationales. Il faut donc réagir contre cette invasion et revenir aux sources pures du Moyen Âge chrétien. À travers Charles de Villers, Mme de Staël et le groupe de Coppet, ces idées atteignent la France. Mme de Staël, ce « Blücher littéraire » (Musset), définit ainsi les termes du débat (De l'Allemagne, II, 11) : « Le nom de romantique a été introduit nouvellement en Allemagne pour désigner la poésie, dont les chants des troubadours ont été à l'origine, celle qui est née de la chevalerie et du christianisme... On prend quelquefois le mot classique comme synonyme de perfection. Je m'en sers ici dans une autre acception, en considérant la poésie classique comme celle des Anciens, et la poésie romantique comme celle qui tient de quelque manière aux traditions chevaleresques. »

   Voilà deux définitions du romantisme qui vont se rejoindre au moment où apparaissent en France les premiers « romantiques ». On trouve dans l'origine du mot l'annonce de bien des thèmes romantiques. D'abord ce qu'on a appelé le sentiment de la nature, l'émoi bucolique provoqué par certains lieux, certaines promenades. Ensuite, venant d'Allemagne, la recherche d'une sorte d'authenticité primitive et la subversion des canons « classiques ». D'où une attention plus grande portée aux traditions populaires ou encore tout un courant de recherches médiévales, qu'il s'agisse d'histoire scientifique ou de mode poétique (le style « troubadour »). La fusion se fait facilement comme en témoignent les gravures du temps : les forêts profondes y font bon ménage avec les cathédrales gothiques ou les châteaux en ruine ; et, au milieu de ce décor qui aurait paru horrible cent ans plus tôt, un jeune homme solitaire et pensif, ému par l'harmonie mélancolique du paysage. Reste à savoir évidemment quel est ce jeune homme et d'où il vient. De nombreux ouvrages ont tenté la psychosociologie du romantisme. Pour toute une école de pensée, il sort de la Révolution. Les romantiques seraient les fils de 89 ou de 93, de l'insurrection et du désordre, renversant les règles littéraires (les fameuses unités par exemple) de la même manière que leurs pères avaient renversé l'Ancien Régime et pris la Bastille : à l'appui de cette thèse, Hugo parlant (au début de 1830) du romantisme comme d'un libéralisme dans la littérature, et toute une série de romantiques révolutionnaires se battant pour la Grèce ou la Pologne ; Delacroix et la Liberté guidant le peuple. Telle est du moins l'apparence des choses. Car l'affaire est moins simple. Hugo justement, qui finira en patriarche de la IIIe République, lui le proscrit du second Empire, a commencé à l'extrême droite : abandonnant la monarchie, la reine des nations s'est prostituée aux factions, avant que le despote, dans ce chaos fétide, naisse de l'hydre régicide (Ode onzième, mars 1822). Apparemment, l'amour de la liberté vient bien après le respect des traditions, agrémenté peut-être de certaines audaces formelles que Musset lui-même nommera « contorsions poétiques », si bien que 1830 sera perçu par quelques-uns comme la défaite de l'esthétique romantico-monarchiste mais c'est de fait le triomphe du romantisme comme « libéralisme », marquant ainsi le triomphe du parti de Delécluze et des gens du Globe ou de Stendhal qui, pour prendre ses distances avec la Réaction, avait tenté d'importer d'Italie le terme de « romanticisme » défini comme « l'art de présenter aux peuples des œuvres littéraires qui, dans l'état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible » contre un néoclassicisme qui « au contraire, leur présente la littérature qui donnait le plus grand plaisir possible à leurs arrière-grands-pères... » : « Il faut du courage pour être romantique, car il faut hasarder » (Racine et Shakespeare, 1823-1825).

   En fait, l'esthétique et la politique ont chacune ses clivages propres et les romantiques sont certes les fils de la Révolution et de l'Empire, mais aussi les héritiers de la fin d'un XVIIIe siècle écartelé entre culte respectueux des Lumières et de la Vertu et attraction parfois morbide pour les obscurités néogothiques et les raffinements cruels d'un libertinage extrême. Il y a ainsi ceux qui vont regretter l'ordre ancien, politique, social ou religieux (pour des raisons personnelles ou par « idéologie »), ceux aussi qui vont regretter le trouble de ces époques glorieuses, lorsque leur auront succédé la triste Restauration et l'ennuyeuse monarchie de Juillet. Musset note au début de la Confession d'un enfant du siècle (1835-1836) : « Un sentiment de malaise inexprimable commença donc à fermenter dans tous les jeunes cœurs. Condamnés au repos par les souverains du monde, livrés aux cuistres de toute espèce, à l'oisiveté et à l'ennui, les jeunes gens voyaient se retirer d'eux les vagues écumantes contre lesquelles ils avaient préparé leurs bras... Tout ce qui était n'est plus, tout ce qui sera n'est pas encore. Ne cherchez pas ailleurs la source de nos maux. » La gloire militaire est devenue impossible, la foi a disparu, l'amour est une « illusion ancienne », le monde est aux mains des gérontes : comment en sortir ?

   On peut bien sûr s'abandonner au mal du siècle, éprouver (ou affecter) le désespoir, tourner tout en dérision. Le romantique devient alors un marginal, d'autant plus à l'écart d'ailleurs que l'artiste est le marginal par excellence dans une société de « messieurs Bertin » (voir le tableau d'Ingres, 1832). Du moins il aime s'afficher tel : vaisselle de crânes (les Jeune-France), barbes, moustaches ou gilet rouge (Gautier), cheveux longs, les romantiques sont la provocation même. À la première d'Hernani, l'un d'eux ose crier aux vieux classiques un peu chauves : « À la guillotine, les genoux ! » D'autres cependant, comme Julien Sorel ou Rastignac, tentent de réussir dans le monde médiocre qu'on leur propose. Le premier en tentant une carrière dans l'Église : le noir semble pour l'instant plus rentable que le rouge. Le second, dûment chapitré par son mentor (Vautrin), décide de traiter « ce monde comme il mérite de l'être », d'« entrer dans cette masse d'hommes comme un boulet de canon ou s'y glisser comme une peste ». Versant parfois cynique d'un romantisme enthousiaste qui cohabite avec des postures dolentes ou suicidaires : « Dans l'armée romantique comme dans l'armée d'Italie, tout le monde était jeune » (Gautier, Histoire du romantisme). Tous ces « jeunes » ne sont pas désespérés par principe : au contraire, ils s'amusent beaucoup, festoient, plaisantent et font des calembours, ils ont le sens de l'humour et le goût de l'énergie comme le montrent avec une certaine ironie Gautier dans les Jeune-France, roman goguenard (1833) ou Nerval au début de Sylvie.

   S'il est difficile de définir le romantisme français, c'est aussi parce qu'il n'est pas facile d'en faire l'histoire. La première question qui se pose est évidemment celle des limites et elle est d'autant plus épineuse que le romantisme se veut l'aboutissement d'un mouvement historique : il a aussi besoin de cautions et d'ancêtres, comme au siècle suivant le surréalisme. À écouter Stendhal, tout le monde a été, est ou sera romantique, en ce sens que toute littérature vivante est romantique. Il suffit pour cela qu'elle n'imite pas ce qui s'est fait avant elle. « Sophocle et Euripide furent éminemment romantiques. » De même Racine et Shakespeare. Sur ce dernier nom, en tout cas, l'accord se fait facilement : « Les poètes anglais ont conservé l'imagination du Nord, celle qui se plaît sur le bord de la mer, au bruit des vents, dans les bruyères sauvages ; celle enfin qui porte vers l'avenir, vers un autre monde, l'âme fatiguée de sa destinée » (Mme  de Staël). À Shakespeare on joindra évidemment le mythique Ossian et son Écosse tourmentée, mais aussi les excentricités de Sterne. En fait, et malgré Stendhal, c'est surtout dans les littératures du Nord (opposées à celles du Midi) que les romantiques vont chercher leurs modèles. Y compris dans la production contemporaine : Byron et W. Scott, Schiller et Gœthe. Tous les artifices néoclassiques deviennent insupportables devant cette poésie à la fois simple et rêveuse, exaltée et mélancolique, entretenant « une rêverie céleste qui fait aimer la campagne et la solitude », fascinée par le fragment, unité idéale.

   C'est Rousseau, et ce qu'on peut considérer a posteriori comme le « préromantisme », qui prépare le plus visiblement l'avènement d'une telle poétique. La Nouvelle Héloïse, les Confessions, les Rêveries du promeneur solitaire proposent des paysages et des idées nouvelles, la défense de valeurs aussi qui ne sont pas celles d'un XVIIIe s. purement intellectuel : l'imagination, la sensibilité, l'émotion, l'authenticité naturelle contre la corruption civilisée, les moules d'une certaine politesse, le règne du lieu commun. Ce sont là moins des concepts que des images ou des aspirations. C'est en tout cas ainsi qu'on les comprend, qu'on les ressent et que les diffusent Bernardin de Saint-Pierre, Senancour, Benjamin Constant ou Chateaubriand, avec souvent l'évocation d'un malaise symptomatique : « Il y a dans moi un dérangement, une sorte de délire, qui n'est pas celui des passions : qui n'est pas non plus de la folie : c'est le désordre des ennuis ; c'est la discordance qu'ils ont commencée entre moi et les choses » (Senancour, Oberman). Discordance, trouble, délire, le romantisme n'est en accord ni avec ce qui l'entoure ni avec lui-même. Les points d'exclamation hérités tant du théâtre sentimental que du roman noir prolifèrent ; jungles, cataractes, mugissement des vagues, marées d'équinoxe, ruines et cimes sublimes constituent des décors privilégiés.

   Si les Méditations de Lamartine, « vers antiques » sur des « pensers nouveaux », touchent un large public, c'est Hugo qui s'impose comme le (jeune) grand homme de la nouvelle école. Il lance avec son frère le Conservateur littéraire à la fin de 1819 et devient la vedette du salon de Nodier à l'Arsenal. Autour de lui, des talents venus de tous les horizons et de jeunes écrivains qui ont nom Musset, Vigny, Sainte-Beuve ou Dumas. Autre lieu important de ce Paris romantique : la rue Notre-Dame-des-Champs, maison où Hugo rassemble ses amis, anciens ou nouveaux, ses admirateurs, ses troupes, son Cénacle. À mesure que le groupe prend conscience de lui-même et de son originalité, sa couleur politique tourne du blanc au rose. Déçu peut-être par un régime à la fois autoritaire et sans énergie véritable, qui, de surcroît, vient de chasser Chateaubriand, Hugo change. Il adresse une ode à la colonne de la place Vendôme (février 1827). Il écoute aussi volontiers les gens du Globe, Sainte-Beuve notamment, qui sont à la fois des libéraux et des romantiques. L'on pense de plus en plus que la liberté est une : elle doit vaincre en politique comme en littérature. Avec sa Préface de « Cromwell », Hugo propose en 1827 une forme de manifeste du romantisme français ; il y réclame une poésie « vraie », « complète », celle d'un drame susceptible d'unir sublime et grotesque. Il ne s'agit pas de jeter la pierre à des classiques qui dépassaient les règles qu'on prétend imposer à leurs successeurs, les unités ou la forme figée du vers, mais de régler ses comptes avec des imitateurs maladroits qui veulent régenter la littérature. Avec la poésie (les Orientales, 1829), le drame historique, riche de vraie couleur locale, apparaît comme la forme romantique par excellence, le front où combattre les perruques classiques, les « larves du passé et de la routine » (Gautier). La première représentation d'Hernani (25 février 1830) constituera dès lors une bataille décisive. Comme l'écrira Gautier dans son Histoire du romantisme, « pour cette génération, Hernani a été ce que fut le Cid pour les contemporains de Corneille. Tout ce qui était jeune, vaillant, amoureux, poétique en reçut le souffle ». Les œuvres romantiques ne cessent dès lors de fleurir : romans comme le Rouge et le Noir (1830), Notre-Dame de Paris (1831), la Peau de chagrin (1831), Eugénie Grandet (1833), le Père Goriot (1834) ; poésies de Hugo bien sûr mais aussi de Musset (Namouna, 1832 ; Rolla, 1833) ; comédies de Musset, mais surtout drames comme Antony de Dumas (1831), qui remporte un immense succès tout en faisant scandale par son extrême violence, Lorenzaccio de Musset (1835), qui attendra longtemps avant d'être joué, ou encore Chatterton de Vigny (1835), qui impressionne durablement les esprits par sa peinture de l'artiste comme foncièrement maudit.

   Le rêve romantique est d'abord d'introspection sans qu'il y ait pour autant contradiction entre cette recherche intérieure et l'expansion errante qu'on constate par ailleurs vers le monde et la nature. Le paysage est perçu comme un état d'âme, un écho pour les sentiments ou un spectacle qui les suscite. À la limite, la nature entière est un miroir : l'automne, le soir, la tempête et les forêts proposent des couleurs et des formes qui se chargent de sens pour le romantique. Parfois même le trouble est plus profond et la vision devient fantastique : comme l'a montré T. Todorov, le fantastique est fonction de l'hésitation que l'on éprouve devant une vision, un fait ou un objet. Or la littérature romantique joue de cette ambiguïté, aime à confondre le réel et le surnaturel : ainsi Mérimée dans la Vénus d'Ille. Le rêve romantique est en effet une expérience du vertige et de l'insécurité, la découverte aussi de certaines régions de la conscience ou de l'inconscient. Comment expliquer autrement tout cet arsenal de créatures démoniaques : « Les Allemands aiment les spectres, les gnomes, les goules, les psylles, les vampires, les squelettes, les ogres, les cauchemars, les rats, les aspioles, les vipères, les sorcières, le sabbat, Satan, Puck, les mandragores ; enfin cela leur fait plaisir ; nous les imitons... » (Musset). Écrivains, peintres, illustrateurs : tous, ou à peu près, montrent une prédilection pour les monstres et les fous. Une des définitions de la folie est l'incapacité à entretenir des rapports avec ses semblables et les romantiques parfois ne sont pas loin de cette désocialisation. D'où leur fascination pour ceux qui ont franchi la limite (Balzac, Louis Lambert, 1832 ; Nodier, la Fée aux miettes, 1832 ; Borel, Champavert, contes immoraux, 1833 ; Nerval, Aurélia, 1855 ; entre autres). Pour eux d'ailleurs, le génie est fait en partie de folie plus ou moins maîtrisée, de délire mis en forme – et c'est ce qui les pousse parfois à user de l'alcool ou des drogues hallucinogènes (nouvelle manière de déréaliser le réel, de faire éclater les cadres). En ce sens, on peut dire que la quête romantique débouche sur une mystique. Qu'on lise Nerval ou, dans un autre registre, les poèmes de Hugo : le poète est un mage visité par l'inspiration, seul capable de penser l'Univers et d'en découvrir les secrets, d'en comprendre l'architecture et les correspondances.

   Incroyable effervescence donc, dont certains ne cesseront de se gausser, reprochant les extravagances, les volte-face, comme le Paturot de Reybaud, revenu de tout (Jérôme Paturot, 1843), ou les deux provinciaux naïfs de Musset qui tiennent le compte de ces romantismes successifs qui ne durent qu'une année. Le romantisme, leur dit-on, « c'est l'étoile qui pleure, c'est le vent qui vagit, c'est la nuit qui frissonne et l'oiseau qui embaume... C'est l'infini et l'étoilé, le chaud, le rompu, le désenivré, et pourtant en même temps le plein et le rond, le diamétral, le pyramidal... Quelle science nouvelle ! » (Lettres de Dupuis et Cotonet, 1836). Après la mort de Stendhal en 1842 et l'échec des Burgraves en 1843, qui éloigne définitivement Hugo du théâtre, le romantisme entre de fait dans une période de repli. Les dernières œuvres de Nerval, qui en poussent les principes jusqu'à l'incandescence, passent plus ou moins inaperçues, Musset et Vigny sont tentés par le retour à un classicisme stérile. Hugo tient toujours fermement le flambeau poétique avant le renouveau des grands romans, Baudelaire et Gautier semblent prendre magistralement le relais, mais le temps approche où les avant-gardes, Flaubert (Madame Bovary, 1857) et Lautréamont (Chants de Maldoror, 1868) en tête, puiseront leur légitimité dans de violents règlements de compte avec un romantisme dont seront stigmatisés moins les excès que les dérives niaises, les enflures grotesques.

   Pour autant, peut-on parler de la disparition de toutes les valeurs romantiques ? Les histoires littéraires, après 1843, ouvrent un nouveau chapitre, montrant le grand retour du « sérieux » et de la science bridant les élans du cœur et les envolées lyriques : le réalisme succède au romantisme. En fait, une bonne part de la nouvelle problématique positive, réaliste, sort du romantisme. On y retrouve quelque chose des thèmes de 1830, ne serait-ce que le désir de rendre compte – par l'art – de la réalité complète, dans sa richesse et ses oppositions : « Le corps y joue son rôle comme l'âme » (Hugo, Préface de « Cromwell »). On ne peut pas nier les évolutions, les oppositions, mais le romantisme est assez vaste pour que chacun y trouve sa voie : les tenants de l'art pour l'art (Gautier, ou Baudelaire qui lui dédie ses Fleurs du mal) comme ceux de l'art scientifique ou de l'art social, ceux qui privilégient représentation de la « réalité » comme ceux qui sont en quête de symboles. Finalement, le romantisme n'est plus une doctrine de combat, il est devenu une partie importante du paysage mental des hommes de ce temps, le fond de décor du XIXe s. autant que le fondement de notre modernité.