Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
A

Anhava (Tuomas)

Écrivain finnois (Helsinki 1927 – id. 2001).

Pionnier de la « Nouvelle Critique », rédacteur en chef (1966) de la revue Parnasso, il a eu une influence décisive sur l'évolution de la vie littéraire de son pays, en contribuant notamment à faire connaître la poésie japonaise et chinoise et les grands poètes contemporains anglo-saxons. Il a traduit Saint-John Perse, Ezra Pound et les poètes suédois de la Finlande. Sa propre poésie (5 recueils de Poèmes, de 1953 à 1967) est teintée d'ironie et d'un intellectualisme critique.

Anicet-Bourgeois (Auguste)

Auteur dramatique français (Paris 1806 – Pau 1871).

Les 200 mélodrames et vaudevilles qu'il écrivit seul ou en collaboration sont des modèles du genre : une trame historique, une intrigue riche en rebondissements, des situations pathétiques (Latude ou 35 ans de captivité, 1834 ; la Bouquetière des innocents, 1862). Exploitant la mode du roman noir, il utilisa toutes les ficelles du fantastique (fantôme vengeur dans la Nonne sanglante, 1835) ou du merveilleux (métamorphose en dindon d'un des personnages des Pilules du diable, 1854). Il adapta à la scène nombre de romans populaires, notamment le Bossu et Rocambole.

Ankiya-Nata

Pièce en un acte et en prose du théâtre assamais, consacrée à la gloire de Visnu et de son incarnation Krisna.

Cette forme fut créée par Sankaradeva, poète mystique du XVe s. Les pièces sont jouées dans le namghar, salle de prière et théâtre, de chaque village.

Anne Comnène

Princesse et historienne byzantine (1083 – 1148).

Fille aînée d'Alexis Ier et d'Irène Doukas, elle conspira contre son frère Jean auquel elle voulait substituer son mari, Nicéphore Bryenne, sur le trône impérial. Après son échec, elle consacra sa retraite à composer l'Alexiade ou Vie d'Alexis Comnène, en 15 livres, chronique et apologie du règne de son père Alexis Ier, qui contient de brillantes évocations de la vie de cour, des notations intéressantes pour l'histoire de la première croisade, et qui inaugure la conception de l'histoire comme succession de « siècles » centrés sur la personne d'un chef d'État qui anime et résume son époque.

Annenski (Innokenti Fedorovitch)

Poète russe (Omsk 1856 – Saint-Pétersbourg 1909).

C'est l'un des poètes russes majeurs du XXe siècle. Helléniste érudit, il est nommé directeur du collège de Tsarskoïe Selo, puis inspecteur. On le connaît alors pour des tragédies à sujet mythologique (Mélanippe philosophe, 1901 ; le Roi Ixion, 1902) et des traductions d'Euripide. Sa mort est à l'image de sa vie : il s'écroule dans la rue, frappé d'une crise cardiaque, et on le transporte anonymement à la morgue, où sa famille ne le découvre que plusieurs jours après. Son premier recueil de vers, Chantre à voix basse (1904), publié sous le pseudonyme de « Nik. T. O. » (« Personne »), passe à peu près inaperçu, sauf de Blok et de Brioussov, qui le saluent comme l'œuvre d'un grand poète. Son univers est celui de la vie quotidienne (on a comparé sa vision à celle du cinéma minimaliste américain), avec une prédilection pour la saison d'automne, traversée d'images fugitives et brouillées, de visions impressionnistes qui l'apparentent à Mallarmé et au symbolisme français – il fera connaître Verlaine à la Russie –, et où surgissent l'angoisse de la mort et la sensation du chaos (Vers posthumes, 1923). On lui doit aussi des essais critiques (Livre des reflets, 1906-1909) dans lesquels il se montre, par son intérêt pour les structures formelles et linguistiques, un précurseur des formalistes. Mais c'est surtout le Coffret de cyprès, publié après sa mort, en 1910, qui assure sa célébrité. Goumiliov vit dans ce recueil « le catéchisme de la sensibilité moderne » : le poète y déploie en effet une sensibilité angoissée, tragique, qui capte le mouvement imperceptible, l'ombre fugitive. Pour Annenski, rien n'est stable et, à la surface des choses, se laissent deviner le chaos ou la mort. Comme chez les symbolistes français dont il est proche, les images appellent des correspondances dans l'ordre de l'émotion : ainsi les fleurs, dont la présence ponctue le recueil, évoquent l'étouffement et la mort.

Anouilh (Jean)

Auteur dramatique français (Bordeaux 1910 – Lausanne 1987).

Si Anouilh est un auteur à la fois célèbre et inclassable, c'est qu'il s'est placé en marge des deux grandes avenues théâtrales de l'après-guerre, le souci d'un théâtre populaire, les recherches de l'avant-garde. Un pessimisme fondamental se dégage de ses pièces, dans lesquelles la pureté et la tendresse, quand elles existent, sont court-circuitées par la médiocrité et l'avilissement. D'indéniables qualités de dramaturge (un sens aigu du dialogue hérité, entre autres, de Marivaux, une aisance à la Giraudoux dans le maniement de l'espace et du temps, une langue sèche et efficace qui réunit le lieu prétendu commun et la pointe originale) sont mises au service d'une détestation de toutes les hypocrisies. Si l'analyse que ce théâtre d'humeur fait de la société française peut passer pour politique, c'est qu'en politique, plus encore qu'ailleurs, la « pureté » est impossible. Anouilh va même parfois assez loin pour qu'on lise dans son théâtre une sorte d'acceptation rageuse de toutes les catastrophes, vécues ou à venir, pourvu qu'elles aient été ou soient « exemplaires », c'est-à-dire, en somme, inutiles. Anouilh, dont les débuts, alors qu'il était secrétaire de Jouvet, furent difficiles (l'Hermine, 1932), a lui-même distingué dans son œuvre des pièces « roses » (le Bal des voleurs, 1938 ; le Rendez-vous de Senlis, 1941), des pièces « noires » (le Voyageur sans bagage, 1937 ; la Sauvage, 1938 ; Antigone, 1944), des pièces « brillantes » (la Répétition ou l'Amour puni, 1950 ; Colombe, 1951), des pièces « grinçantes » (Ardèle ou la Marguerite, 1948 ; la Valse des toréadors, 1952 ; la Grotte, 1961 ; l'Orchestre, 1962), des pièces « costumées » (l'Alouette, 1953 ; Becket ou l'Honneur de Dieu, 1959 ; la Foire d'empoigne, 1962 ; Leonora, 1977), des pièces « baroques » (Cher Antoine ou l'Amour raté, 1969 ; le Directeur de l'Opéra, 1972), des pièces « secrètes » (l'Arrestation, 1975), voire des pièces « farceuses » (Chers Zoiseaux, 1976) : ce partage (dont le bien-fondé reste à prouver) n'est pas sans faire penser à une possible désacralisation de l'« œuvre » elle-même, et à une mise en question (ou en pièces) de l'auteur par lui-même, comme en témoigne le schéma pirandellien du « théâtre dans le théâtre » vers lequel il incline de plus en plus (la Belle Vie, 1980), mais sans pouvoir détacher ses yeux fascinés d'une époque experte en automystification (la Culotte, 1978 ; le Nombril, 1981).

   Dans Antigone (1944), comme Sartre et comme Giraudoux, Anouilh, face au « retour du tragique » dans la vie quotidienne de l'Europe, a réutilisé le cadre du théâtre grec. Mais, tandis que chez Sophocle l'opposition était entre deux visions du droit et entre deux caractères inflexibles et tranchés, chez Anouilh il s'agit d'un heurt « simplement » dramatique, dans un monde sans dieu, entre les nécessités de l'existence et la haine du quotidien, entre la peur du vide et l'attirance du gouffre. À la fin de la pièce, Créon est « innocent en somme », tandis qu'Antigone s'est imposée comme une héroïne dégoûtée, comme une enfant, qui, parce qu'elle a grandi, a voulu mourir.