Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
F

Fekkârê Iyasus
(Révélation de Jésus)

Traité eschatologique éthiopien, en langue guèze, composé par un auteur inconnu, probablement sous le bref règne du roi Théodore Ier (1411-1414), non sans arrière-pensées politiques, à l'instar de la Gloire des rois et de la future Richesse des rois. Le Christ révèle aux Apôtres ce qui se passera à la fin des temps et comment, au milieu de calamités sans nombre, surgira de l'Orient un roi nommé Théodore, qui apportera le bonheur à l'humanité.

Fekkârê Malakot
(Explication de la divinité)

Traité théologique éthiopien, en langue guèze.

Il date de la fin du XVIe ou du début du XVIIe s., à un moment où les polémiques entre l'Église éthiopienne et les missionnaires jésuites suscitaient, de part et d'autre, la rédaction d'un grand nombre d'ouvrages de dogmatique. Les Éthiopiens réaffirmaient avec force la doctrine monophysite et discutaient, pied à pied, les problèmes de l'incarnation et de la grâce. Parmi les écrits de cette période (notamment le Trésor de la foi ou Histoire des quatre conciles, la Consolation de l'âme, le Miroir de l'intelligence), le Fekkârê Malakot tient une place à part, car il est l'œuvre des hérétiques mikaélites, violemment persécutés au XVe s. par l'empereur Zar'a Yâ'eqob, mais qui profitèrent de l'occasion pour se manifester à nouveau : sous couvert de défendre le monophysisme (dont ils étaient des tenants intransigeants), ils exposaient, en filigrane, leur propre doctrine. Un pessimisme amer sur l'homme et le sentiment de la toute-puissance arbitraire de la divinité conduisent à l'idée – aux accents presque luthériens ou jansénistes – que l'homme ne peut faire son salut lui-même et qu'il est soumis à l'élection de la Grâce. Historiquement, la doctrine se rattache à la tradition gnostique, dont elle partage quelques traits essentiels : impossibilité de connaître Dieu directement, nécessaire graduation de l'accès à la connaissance, interprétation secrète de l'Écriture. L'ouvrage, dans lequel l'auteur anonyme utilise toutes les ressources de la rhétorique pour faire passer sa doctrine en des termes voilés, est d'une extrême complexité. Mais, au milieu d'arides discussions théologiques, surgit un passage authentiquement poétique que l'on considère comme une des plus belles pages de la littérature éthiopienne : c'est le voyage de l'homme à la poursuite de Dieu, à travers la multitude des éléments et des créatures et cet écart infranchissable, cet « abîme de feu », qui le sépare de la divinité.

Felder (Anna)

Romancière suisse de langue italienne (Lugano 1937).

Une subtile introspection de l'âme, de la vie et de la littérature est le fil conducteur de ses romans : l'Annulation (1974), les Proches Conjoints (1980), Grandes Noces (1981) et Nés complices (1999). Elle a reçu le prix Schiller en 1998 pour l'ensemble de son œuvre.

félibrige

Mouvement littéraire pour la renaissance de la langue d'oc, en gestation depuis le début du XIXe siècle. L'impulsion décisive fut donnée par Joseph Roumanille, qui édita en 1851 le recueil collectif Li Prouvençalo, autour duquel se rassemblèrent Mistral, Aubanel, Crousillat, Mathieu, Castil-Blaze et J.-B. Gaut. Mais c'est le 21 mai 1854, au château de Fontségugne, près d'Avignon, que sept poètes provençaux (Aubanel, Roumanille, Mistral, Mathieu, Tavan, Brunet, Giéra) se réunirent et fondèrent un groupement dont les membres, à l'instigation de Mistral, prirent le nom de félibres : le terme vient d'une vieille cantilène dans laquelle la Vierge raconte qu'elle a trouvé son fils « parmi les sept félibres de la loi » (emé li sèt felibre de la lei), Mistral donnant au mot le sens de « docteur de la loi ». Le félibrige s'assignera pour buts la restauration de la langue d'oc, son utilisation dans une création littéraire originale, sa promotion et son usage dans tous les actes de la vie méridionale. Sa première publication fut l'Armana prouvençau qui vit le jour dès 1855 et se poursuivra avec des variantes jusqu'à nos jours. Les premiers statuts véritablement structurés seront adoptés en 1876. Dirigé par les Provençaux, le félibrige regroupe en « maintenances », ayant chacune à sa tête un syndic, les autres domaines occitans : Languedoc, Auvergne, Limousin, Gascogne-Béarn, Guyenne-Périgord, Roussillon. Aujourd'hui comme hier, le président du félibrige est le capoulié, élu par l'assemblée générale lors du congrès de la Sainte Estelle, qui se tient chaque année à la Pentecôte dans une ville différente. Le capoulié est assisté d'un baile (secrétaire) et d'un clavaire (trésorier) issus du consistoire, organe consultatif qui rassemble les 50 majoraux. Tous les écrivains de langue d'oc ne furent cependant pas de fervents félibres ; des dissensions d'ordre religieux, linguistique et politique, ainsi que des problèmes d'hommes, firent éclore des mouvements parallèles, voire opposés – épisode le plus connu étant en 1892 le lancement d'un mouvement fédéraliste orchestré par Frédéric Amouretti et Charles Maurras.

   Ces luttes n'empêchèrent pas l'émergence, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, d'écrivains de valeur comme Félix Gras, Achille Mir, Folco de Baroncelli, l'abbé Joseph Roux, Marius André, Arsène Vermenouze, Robert Benoit, Joseph d'Arbaud, Antonin Perbosc, Marius Jouveau, l'abbé Justin Bessou, Michel Camélat, qui conférèrent à la littérature dite provençale une aura particulière ainsi qu'une influence notable sur la littérature française (notamment à travers Maurras, Daudet, P. Arène ou J. Aicard). Mais, depuis la Seconde Guerre mondiale, le félibrige est apparu trop attaché à un rituel passéiste et à un mode de fonctionnement inadapté pour répondre pleinement aux aspirations culturelles de l'occitanisme contemporain dont il constitue tout de même un élément fondamental.

Felipe (León Felipe Camino, dit León)

Poète espagnol (Tábara 1884 – Mexico 1968).

Imprégné de modernisme et de cubisme, il publia en 1920 la première partie de ses Vers et prières de voyageur, avant de se rendre au Mexique (1922) puis aux États-Unis, où il publia le second volet de son recueil (1930). Il fit le bilan de son expérience américaine (Drop a Star, 1933), rentra en Espagne et s'expatria définitivement en 1938. Son œuvre aura désormais l'amère saveur d'un double exil, intérieur et extérieur (la Torche, 1939 ; Tu gagneras la lumière, 1943).