Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
B

Belleforest (François de)

Écrivain français (Sarzan 1530 – Paris 1583).

Il est l'auteur de traductions, de compilations (Harangues militaires, Sentences illustres de M. T. Cicéron), de traités d'histoire (les Grandes Annales), d'œuvres poétiques (la Chasse d'amour, la Pastorale amoureuse), de pièces de circonstance (Chant pastoral, Remontrance au peuple de Paris) et du troisième livre des Histoires prodigieuses, suite de l'ouvrage de P. Boaistuau.

Belleto (René)

Écrivain français (Lyon 1945).

Après un recueil de nouvelles fantastiques (le Temps mort, 1974, prix Jean-Ray), il s'impose avec une trilogie policière : le Revenant (1981), Sur la terre comme au ciel (1982, adapté en 1985 au cinéma par M. Deville sous le titre de Péril en la demeure) et l'Enfer (1986, prix Femina), trois récits marqués par le roman noir américain de D. Goodis et W. Irish autant que par le feuilleton populaire du XIXe siècle. La Machine (1990), histoire impeccablement agencée d'un psychopathe, est un récit d'anticipation à tonalité plus gothique. On lui doit une autre trilogie noire : Régis Mille l'éventreur (1996), Ville de la peur (1997) et Créature (2000), plus proche de la science-fiction et témoignant d'une quête mystique de l'union du corps et du cosmos.

Bellezza (Dario)

Poète italien (Rome 1944 - id. 1996).

Influencé par Pasolini, il exhibe jusqu'à l'obsession, dans une forme classique, la « malédiction » de sa différence sexuelle (Invectives et licences, 1971 ; Mort secrète, 1976 ; Moi, 1983 ; Livre de poésie, 1990 ; l'Amour heureux, 1991). Ses nombreux récits en prose (Lettres de Sodome, 1972 ; Trouble, 1984) reprennent le ton érotique de ses poésies.

Belli (Giuseppe Gioacchino)

Poète italien (Rome 1791 – id. 1863).

Les 2 279 sonnets posthumes (Belli voulait qu'ils fussent brûlés), composés de 1830 à 1847, constituent le chef-d'œuvre de la littérature dialectale romaine. Belli, qui exerça des fonctions officielles au sein de la curie, tout en maintenant des liens étroits avec les milieux les plus avancés de la culture florentine et milanaise, y fustige la bigoterie du pontificat de Grégoire XVI. Ses sonnets, souvent en forme dialogique, brossent une fresque quotidienne des milieux populaires romains. Ainsi la condamnation de la société est-elle moins le fruit d'une réflexion intellectuelle que le constat amer des conditions de vie de la plèbe de Rome. Ses sources littéraires ne relèvent pas d'une culture illuministe, mais d'une poétique réaliste (de Boccace et Sacchetti à l'Arétin, en passant par Berni).

Bellman (Carl Michael)

Poète suédois (Stockholm 1740 – id. 1795).

Il se consacre à la satire, aux tableaux de la vie populaire, aux parodies bibliques, dans des chansons dont on aurait tort de croire, malgré la légende romantique, qu'elles seraient le fruit d'une géniale improvisation ; elles sont au contraire écrites avec beaucoup de soin. L'originalité de ces compositions tient au fait qu'elles se situent à mi-chemin entre une tradition populaire médiévale restée très vivante, celle des folkeviser, et l'imitation comique des succès français contemporains. Ces chansons, dont la popularité n'a jamais connu un instant de déclin, seront rassemblées en deux recueils, les Épîtres de Fredman (1790), et les Chansons de Fredman (1791) ; toute une époque y revit, croquée sous ses aspects pittoresques selon un sens très sûr du trait, du mouvement et de la couleur. On admire aujourd'hui l'accord parfait entre musique et poésie et une alacrité qui n'est pourtant pas dupe des souffrances humaines.

Bello (Andrés)

Écrivain et homme politique chilien, d'origine vénézuélienne (Caracas 1781 – Santiago du Chili 1865).

Grande figure de l'indépendance, il part avec Bolívar pour Londres (1810) et écrit son meilleur poème, l'Agriculture de la zone torride (1826). En 1829, appelé par le gouvernement chilien, il quitte l'Angleterre, fonde l'université de Santiago (1842), établit un projet de Code civil (1853-1856) et publie ses Principes de droit des gens (1832). Traducteur fameux, il fut aussi un grand philologue ; sa Grammaire espagnole (1847) fait encore autorité.

Belloc (Hilaire)

Écrivain anglais (La Celle-Saint-Cloud 1870 – Guildford, Surrey, 1953).

De père français, il fut avec Chesterton le polémiste catholique libéral le plus brillant de la période. Ennemi de Shaw, il prône le « distributivisme » contre le socialisme. Auteur d'études historiques, d'essais politiques (l'État servile, 1912 ; l'Europe et la Foi, 1920), de romans satiriques (Emmanuel Burden, 1904), il fut aussi, par son anticonformisme et l'allégresse de ses paradoxes, un auteur idéal pour enfants.

Bellow (Saul)

Écrivain américain (Lachine, Québec, 1915 – Brookline, Massachusetts, 2005).

Né au Canada, de parents juifs émigrés de Russie, il grandit dans la communauté juive de Chicago. Après des études de sociologie et d'anthropologie, il enseigne et publie sa première nouvelle (Deux Monologues du matin) en 1941. Ce sont les Aventures d'Augie March (1953) qui le placent au premier plan de la scène littéraire américaine (National Book Award, 1954), et il atteindra vite une audience internationale (Prix international de littérature, 1965 ; prix Nobel, 1976). Juif et intellectuel, Bellow se veut d'abord moraliste, chroniqueur de son siècle, mais aussi découvreur ou promoteur d'une forme qui permette de dire la diversité du réel. Placé sous le signe d'une conscience universelle à la fois lucide et malheureuse, le héros de Bellow s'inscrit dans la tension entre perte de soi dans la collectivité et tentation de repli individualiste. Ces contradictions fixent le « grotesque » défini par Herzog (1964), où les déboires conjugaux d'un professeur d'université sont l'occasion d'un bilan dérisoire des idées contemporaines et débouchent sur l'acceptation de l'absurde du quotidien. Tout être se découvre pris dans une mesure et dans une démesure, soumis à l'impuissance et à une exigence d'accomplissement, dont le cri de Henderson : « Je veux, je veux » est l'expression archétypale (le Faiseur de pluie, 1959). De l'Homme de Buridan (1944) au Don de Humboldt (1975), à l'Hiver du doyen (1982) et au Cœur à bout de souffle (1987), l'œuvre de Bellow présente des récits qui s'organisent suivant un jeu de dimensions contrastées : l'homme mineur (Augie March), ridicule (Charlie Citrine dans le Don de Humboldt), historiquement displaced (la Planète de M. Sammler, 1970). Ce sont des témoignages culturels et idéologiques qui, à l'exclusion de toute synthèse, composent une parade picaresque. Suivant une thématique que les nouvelles des Mémoires de Mosby (1968) et de La journée s'est-elle bien passée ? (1984) portent à l'extrême, ce pouvoir littéraire du grotesque définit le personnage principal comme marginal, en raison de sa caractérisation négative ou d'une hypercaractérisation de ses qualités (Henderson, Humboldt), et lie la marginalité à des traits intellectuels (écrivain, professeur) qui la transforment en distance à la fois réflexive et parodique – ce qui rend l'aliénation proprement opératoire. Sous la forme du journal et du face-à-face du personnage mineur avec son double (à la fois manière de deus ex machina et portrait inversé du héros), les romans initiaux constatent la faiblesse de l'individu qui accepte toute agression du monde extérieur et même la réclame sous l'aspect de l'ordre. Se choisir victime est une façon de dire le désespoir sans l'admettre complètement. Le personnage du double, manière de trickster (« décepteur »), légitime ainsi tout mensonge, seule parole possible dans un monde qui écrase l'homme. Cette constante duperie devient, avec les Aventures d'Augie March, le moyen de représenter le monde et se développe dans Herzog et le Don de Humboldt, pour finalement retourner les apparences et substituer au personnage de la désillusion celui de l'homo ridens. Le personnage négatif reste lié à celui de l'écrivain : Augie March raconte sa vie ; Herzog envoie des lettres ; Charlie Citrine dresse le portrait du poète Humboldt Fleisher ; Henderson raconte son voyage en Afrique. L'écriture n'est pas en elle-même un pouvoir ; elle répète le constat d'échec et d'indécidabilité. Le comique naît de cette méditation contrainte : le héros dit, par la narration de ses aventures et sur le mode idéel, l'Amérique, l'Occident, alors qu'il n'est rien dans cette Amérique ni dans cet Occident. Ce contraste efface cependant l'image initiale de la victime et conclut à l'impossibilité de restaurer les symboles fondateurs de la civilisation : la quête de Henderson en Afrique est, au vrai, une fuite continue, nourrie de malentendus où le roi figure à la fois l'homme primitif et l'homme blanc. Pour Augie March, l'Amérique reste à découvrir ; pour Charlie Citrine, le grand poète américain est encore à naître. Dire le monde, c'est seulement dire ses propres aventures et ses propres malheurs, dresser le catalogue des rencontres emblématiques, qui résument les qualités et les pièges du réel. L'homme seul, celui que son double dépossède de ses derniers biens, celui qui est renié par son père, par sa femme, devient le témoin exemplaire et l'innocent capable de tout dire dans une vision kaléidoscopique de la société. Aux premiers romans de la victime s'opposent désormais les romans d'un délaissement qui est un acte de mémoire. La rupture, symbolique ou effective, de la filiation, d'abord identifiée à la ruine de l'individu, est complétée par une restauration symbolique (substituts du père) qui ne dessine ni une détermination ni une manière de généalogie, mais désigne une continuité paradoxale, lisible dans les accidents de l'histoire et seulement dicible par le personnage parodique ou grotesque : Augie March, l'orphelin, appartient bien à une lignée juive et se sait le fils assuré de l'Amérique. Par cette légitimation partielle, le roman est le compendium des générations, et la mort, qui était la seule certitude de la victime, assertion de la présence des ancêtres. Le négatif a un pouvoir assertorique. La Planète de M. Sammler inscrit dans le personnage d'un vieil exilé juif à New York ce jeu antinomique : Sammler est une manière de Lazare, revenu de la maison des morts – les camps de concentration –, qui dit l'utopie d'un monde serein et ordonné, en même temps qu'il note l'anarchie de l'époque contemporaine. Seule cette parole d'outre-tombe, qui est cependant dans le monde, reste capable de réunir toute l'histoire et toutes les philosophies de l'histoire, sans récuser les pitreries de l'existence quotidienne et dans un pouvoir d'ubiquité, où il faut voir l'ultime justification de l'entreprise littéraire. La référence judaïque, traitée explicitement dans Retour de Jérusalem (1976), permet de donner le portrait de l'être dépouillé, qui préserve cependant une définition globale de lui-même.