Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
S

Slavici (Ion)

Écrivain roumain (Siria, Transylvanie, 1848 – Panciu, Moldavie, 1925).

Il est l'un des créateurs de la prose roumaine moderne. Maître du réalisme social, ethnique et psychologique, il oppose à la traditionnelle vision idyllique du village la représentation de violentes situations conflictuelles (la nouvelle le Moulin de la chance, 1881) ou encore d'une bourgeoisie rurale affirmant sa mentalité pratique, son éthique du travail et de l'argent (le roman Mara, 1984).

slavon

Langue artificielle développée à partir du vieux slave et utilisée anciennement comme langue religieuse et littéraire en Russie, en Serbie et en Bulgarie. Depuis la traduction de la Bible au IXe s. par Cyrille et Méthode, les œuvres byzantines, textes liturgiques et Saintes Écritures, ont été transcrites en slavon. Statique, cette langue d'Église s'est peu à peu, pour des besoins littéraires, enrichie d'expressions locales, d'images poétiques empruntées à la poésie populaire, puis d'emprunts étrangers ; parallèlement, une langue vernaculaire écrite se développe dans les chancelleries. À l'époque de Pierre le Grand, la littérature rejette le slavon et adopte le russe comme langue littéraire, et la rupture est consommée par l'introduction d'un nouvel alphabet. C'est Lomonossov qui tentera de mettre de l'ordre dans le chaos linguistique en répartissant le vocabulaire en trois catégories, les mots slaves employés par l'Église, les mots appartenant à la fois au slavon et au russe, et les mots inconnus du slavon ; selon la combinaison des trois éléments résulteront trois styles.

Slessor (Kenneth)

Poète australien (Orange, Nouvelles-Galles du Sud, 1901 – Sydney 1971).

Journaliste influencé par Ezra Pound et T. S. Eliot, il donne une œuvre d'une grande sophistication verbale et d'une grande virtuosité technique où le thème de la mer joue un rôle important (Cuckooz Country, 1932 ; Cent Poèmes, 1919-1939, 1944 ; Poèmes, 1957 ; Visiteurs de la terre, 1990).

slovaque (littérature)

Les Slovaques, de même que les Tchèques, doivent leur première écriture aux prêtres byzantins Constantin et Méthode (863, date de leur arrivée en Grande Moravie). Les écrits fondateurs concernent leurs vies et leurs œuvres. Ils sont écrits en vieux slave. Pendant la période de l'humanisme et de la renaissance, la littérature se développe essentiellement dans le cadre de la religion. Elle est écrite en latin, en allemand ou en tchèque. Les protestants slovaques acceptent le tchèque de la Bible de Kralice pour langue liturgique. Après la bataille de la Montagne Blanche (1620), les prêtres tchèques de la Réforme se réfugient dans les monastères en Slovaquie, et le tchèque devient alors la langue d'expression des protestants. Les écrits mondains (poésies amoureuses, satiriques, récits de voyage...) ne commencent à se répandre qu'à l'époque baroque, faute d'une très faible classe des citadins.

La naissance de la littérature slovaque moderne

Sous l'influence du siècle des Lumières français naît la littérature classique lovaque. Les auteurs,issus en général du milieu clérical, partisans du panslavisme, s'inspirent des œuvres antiques, dans la forme (les systèmes métriques) ainsi que dans le contenu. La littérature doit prouver que la langue naissante équivaut à d'autres langues européennes. Les représentants de ce courant sont J. Kollar (1793-1852), l'auteur du chantre Fille de Slava, le philologue J. Safarik (1795-1861), K. Kuzmany (1806-1866, Bela, Ladislav) écrivant en tchèque. Puis J. I. Bajza (1754-1836), qui le premier propose une langue slovaque codifiée, est l'auteur du premier roman slovaque les Aventures et Expériences du jeune René, inspiré du Télémaque de Fénelon et du Candide de Voltaire. A. Bernolak (1762-1813), donne peu après Bajza une autre version du slovaque, elle devient la langue d'expression de J. Holly (1785-1849, Idylles, Élégies, Svatopluk, inspirés par Ovide, Virgile, Théocrite). À la même période apparaît le théâtre slovaque avec J. Chalupka (1791-1871, Kocurkovo, pièce satirique).

   Une troisième tentative de codifier le slovaque (1843) réussit à se faire accepter grâce à L. Stur (1815-1856). Stur est l'auteur principal du réveil national. Avec son groupe des jeunes poètes romantiques, influencés par des mouvements révolutionnaires ainsi que par la littérature allemande, ils ont consciemment travaillé à émanciper le peuple slovaque et sa culture. Leurs poèmes sont patriotiques, issus de la tradition populaire, la forme est régulière mais suit le rythme naturel du langage. Les plus belles œuvres de cette période sont dues à J. Kral (1822-1876, la Vierge enchantée dans le Vah et étrange Jean) et A. Sladkovic (1820-1872, Marina, Detvan). Mentionnons aussi J. Botto (1829-1881) et S. Chalupka (1812-1883).

Réalisme

Après la Révolution de 1848, les idéaux romantiques se sont effondrés et le réalisme commence à apparaître dans la littérature. Il est difficile de délimiter le réalisme slovaque dans le temps, parce qu'il n'apparaît que rarement dans sa forme pure. Les œuvres réalistes contiennent souvent aussi des caractéristiques du romantisme, comme les descriptions de la grandeur et de la beauté de la nature. Le genre principal de cette période est la prose, influencée par les auteurs russes. Les récits se déroulent en général à la campagne. Les auteurs se soucient de la magyarisation du peuple. Le premier parmi les réalistes fut S.H. Vajansky (1847-1916, le Rejeton sec), suivi d'écrivains plus psychologisants, M. Kukucin (1862-1928, l'Idiot du village, la Maison dans le pré), B. Slancikova dite Timrava (1867-1915, Tapakovci), qui critique le monde rural en utilisant l'ironie, ainsi que l'auteur du récit de guerre les Héros, J. Jesensky (1874-1945, les Démocrates). Parmi les auteurs réalistes se distingue le poète P. Orszagh-Hviezdoslav (1849-1921), dont l'œuvre abondante a marqué les générations des poètes à venir (la Femme du garde champêtre, Ezo Vlkolinsky, poèmes épiques ; les Sonnets sanglants (1919), réaction à la guerre). Le théâtre réaliste poursuit l'oeuvre de Chalupka, les pièces sont satiriques, influencées également par Tchékhov – J. Palarik (1822-1870, Incognito, Réconciliation au temps de la moisson), J.Gregor-Tajovsky (1874-1940, la Loi des femmes). Sous l'influence du modernisme tchèque et des poètes français, notamment Verlaine, apparaissent au début du XXe siècle les poètes symbolistes Ivan Krasko (1876-1958, Nox et solitudo) et Vladimir Roy (1885-1936), dont l'œuvre porte des traces d'impressionnisme.

La période de l'entre-deux-guerres

Le bouillonnement culturel de la jeune République tchécoslovaque touche tous les domaines artistiques. Des artistes de première importance apparaissent en littérature, arts plastiques, photographie, architecture et musique. La littérature n'est plus concernée par le souci d'identité nationale, de nouveaux thèmes ainsi que de nouveaux courants artistiques virent le jour. Cette période est souvent appelée « ouverture des fenêtres sur le monde ».

   Pour la prose on a d'un côté les écrivains qui restent fidèles au milieu traditionnel de la prose slovaque – le village – et de l'autre, la nouvelle génération des écrivains qui placent leurs personnages dans le monde urbain, notamment I. Horvath (1904-1960, Laco et Bratislava, le Visa pour l'Europe), influencé par la littérature allemande et française. M. Urban (1904-1982), dans son roman expressionniste et psychologique le Fléau vivant, peint le changement que subit le village, en particulier les conséquences de la guerre. J. Ciger-Hronsky (1896-1961, Jozef Mak, le Pain) contribue également à la destruction de l'image idéalisée du monde rural, qui est l'héritage des auteurs romantiques. Il est le premier des auteurs de la « prose lyrisée », caractérisée par une écriture chargée d'éléments poétiques, et dont les successeurs sont M. Figuli (1909-1995, Trois Chevaux marrons), F. Svantner (1912-1950, la Fiancée des montagnes), D. Chrobak (1907-1951, Dragon est de retour), et plus tard R. Jasik (1919-1960, la Place de St. Élizabeth). Marqués par la violence de la Seconde Guerre mondiale, ils décrivent une nature exaltée, personnalisée, fatale (leurs romans sont souvent adaptés par le cinéma), la vie à la campagne apparaît dans tout son hardiesse et sa cruauté, contrastant avec les auteurs réalistes du début du siècle. Un peu à part se situe G. Vamos (1901-1956, les Atomes de dieu), comme pessimiste et autobiographique.

   La poésie est représentée par les deux figures majeures que sont J. Smrek (1898-1982) et B. Lukac (1900-1979). Le premier écrit sous l'influence du vitalisme et du futurisme, son œuvre est fraîche et optimiste. Il est connu comme poète de la femme, ses recueils majeurs sont les Journées galopantes et le Poète et la femme. La poésie de Lukac est plus sombre, influencée par Valéry et Claudel. Il commence par des méditations intimes Sur l'amour non aimant. La désillusion et la crise politique due au fascisme le conduisent vers le désespoir qu'il exprime dans Babel et Moloch. Leur contemporain, V. Beniak (1894-1937, Popolec, Igric), poète original et difficile à classer et combine des motifs populaires et le vers modernes.

   Influencés par les futuristes et structuralistes russes, ainsi que par la poésie tchèque, les écrivains groupés autour de la revue Dav s'enthousiasment pour les idées marxistes. Un des plus importants parmi eux fut L. Novomestsky (1904-1976, Saint au-dehors du village), qui, comme de nombreux autres écrivains initialement engagés à gauche, a été persécuté pendant la période stalinienne. À ses côtés, on trouve les poètes D. Okàli (1903-1987) et J. Ponican (1902-1978), P. Jilemnicky (1901-1949), auteur du roman la Boussole en nous.

   Le surréalisme entre dans la poésie slovaque à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Il doit être placé dans le contexte des surréalistes tchèques, leur influence fut réciproque. Ce mouvement prend une grande ampleur, les auteurs surréalistes révolutionnent la forme de la poésie slovaque, introduisant le vers libre. Il s'agit de V. Reisel (1919), S. Zary (1918), R. Fabry (1915-1982), P. Buncak (1915), A. Marecin (1923), J. Rak (1915-1969), qui, malgré l'époque, refusent tout engagement, ce qui est la cause de leur silence après 1948. En contrepoint des œuvres surréalistes, on trouve l'œuvre spirituelle de la moderne catholique (R. Dilong (1905-1986), P.G. Hlbina (1908-1977), J. Silan (1914-1984), J. Haranta (1909-1983), K. Strmen (1921)), dont les poèmes gardent une forme régulière. Ils se sont inspirés de la Poésie pure (1925) de H. Brémond.

   La création dramatique de l'époque est représentée par I. Stodola (1888-1977, la Femme du berger, Notre Monsieur le ministre).