Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
C

Creeley (Robert)

Écrivain américain (Arlington, Massachusetts, 1926 – Odessa, Texas, 2005).

Figure dominante du mouvement « Black Mountain », directeur de la Black Mountain Review, il est associé aux projectivistes et s'inspire de l'objectivisme de William Carlos Williams. Il insiste sur l'importance de la « position » du poète, observateur et locuteur. Ses essais (Un graphe rapide, 1970) et ses poèmes mettent en œuvre cette technique du « réalisme actif » à travers les thèmes dickinsoniens de la rédemption par l'amour et la connaissance (Au nom de l'amour, 1962 ; Paroles, 1967 ; le Charme, 1968 ; Poèmes complets 1945-1975, 1983 ; Prose complète, 1984). Il a publié sa correspondance avec Charles Olson (1980-1983).

Cremer (Jacobus Jan)

Écrivain hollandais (Arnhem 1827 – La Haye 1880).

Après les Nouvelles du pays de Betuwe (1852-1855), qui reproduisent avec saveur le parler local, il créa le « roman de campagne » avec ses Scènes villageoises du pays de Gueldre (1854) puis donna des romans sociaux dans le goût de Dickens, notamment contre le travail des enfants (Anna Rooze, 1868).

Cremer (Jan)

Journaliste et écrivain hollandais (Enschede 1940).

L'exhibitionnisme libertin de Moi Jan Cremer (1964-1967) marque également ses récits « autobiographiques » qui célèbrent une morale libertaire dans la lignée de Henri Miller (Made in USA, 1969 ; le Corps taciturne, 1978).

Crenne (Marguerite Briet, dite Hélisenne de)

Femme de lettres française (Abbeville ? – apr. 1552).

Elle est l'auteur d'Épistres familières (1539), du Songe de Madame Hélisenne (1540), d'une traduction des quatre premiers livres de l'Énéide (1541) et, surtout, des Angoisses douloureuses qui procèdent d'amour (1538), suite de trois récits inspirés de la Fiammetta de Boccace, de la Deplorable Fin de Flamecte de Juan de Flores (que traduisit Maurice Scève), mais aussi de sa propre expérience amoureuse : écrit à la première personne, il constitue le premier roman autobiographique de la littérature française.

créoles (littératures)

Le mot a commencé par désigner des animaux ou êtres humains nés dans l'outre-mer colonisé et y faisant souche. La « belle créole » était souvent une mulâtresse claire, le Blanc créole était de la caste des colons, le Nègre créole différait du « bossale », débarqué d'Afrique... Les parlers créoles des colonies françaises, importés des provinces maritimes avec quelques ajouts indécidables, africains surtout, ont servi dans la communication entre maîtres et esclaves, d'esclave à esclave et de colon à colon. Ils sont largement compréhensibles d'un territoire à l'autre, dans le cadre d'une même langue-souche ; seuls quelques outils grammaticaux diffèrent : « je porte » se dit m'appoté en Haïti, en ka poté en Guadeloupe. Le raccourci est la règle. Ainsi, écrite selon la phonologie et non l'étymologie, la formule d'attribution ba-w signifie « pour vous », via l'ancien verbe bailler signifiant donner. Le bilinguisme – créole et français – a été officialisé en Haïti et aux Seychelles ; ailleurs, le kréyol parlé a subi la répression des langues régionales, la hiérarchie diglossique qui l'a relégué en des emplois domestiques, familiers, cependant qu'il coexiste avec l'anglais à Maurice, à Sainte-Lucie, à la Dominique. Les drames scolaires de l'apprentissage forcé du français ont été mis en scène de façon réjouissante par R. Confiant (Ravines du devant-jour, 1993) et P. Chamoiseau (Chemins d'école, 1994).

   Quant au kréyol matjé (« marqué », écrit), il a été inséré dans des textes extérieurs à titre folklorique (Léon Hennique), ethnographique (Lafcadio Hearn) ou politique : « quelle est votre ascendance » s'est écrit : « ki coté papa zott vini » dans une adresse à la population de couleur de Saint-Domingue, signée de Bonaparte, Primié Consul, 17 Brimère de l'an X. Il est présent dans des poèmes de colons du XVIIIe siècle, des catéchismes et des fables (Fab Compè Zicaque, 1958, du Martiniquais Gilbert Gratiant) ; dans les romans Atipa (1885), du Guyanais Parépou, et Dézafi (1975), chef-d'œuvre du Haïtien Frankétienne ; ainsi que dans le théâtre : Antigone créole (1953) et Diacoute (1953 ; 1972) du Haïtien Morisseau-Leroy, Agénor Cacoul (1966) du Martiniquais Georges Mauvois. L'oraliture créole se retrouve également dans des contes régulièrement lancés par la formule « cric, crac », des proverbes, des chansons (Choucoune, en Haïti), des tracts syndicaux ou religieux.

   Le créole écrit et lu à haute voix se révèle remarquablement efficace chez François Marbot, qui inversa dans un sens conservateur des fables émancipatrices de La Fontaine « travesties » (les Bambous, 1846). La poéticité de ses métaphores exprime merveilleusement les doucines de l'amour et les limbés de la séparation. La portée anthropologique et humoristique de ses syntagmes, figés dans les devinettes et anecdotes, a été largement exploitée par les romanciers haïtiens depuis Jacques Roumain (Gouverneurs de la rosée, 1944) et en Martinique par les écrivains dits de la créolité.

   Mais cette force singulière tend à s'exténuer par l'extension des langues métissées – créole francisé et français créolisé – dans les émissions de radio, de télévision, les panneaux publicitaires, et dans une chansonographie en expansion continue.

   Le corpus littéraire demeure cependant presque exclusivement de langue française, même en Haïti et a fortiori en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique, où le romancier créoliste Confiant a renoncé à écrire en créole.

crépusculaire

Apparu en 1910, ce terme, métaphore du déclin, désigne un groupe de poètes italiens du début du XXe siècle, comme S. Corazzini, C. Govoni, G. Gozzano, M. Moretti et F. M. Martini, liés par une commune volonté de se démarquer à la fois de la grandiloquence à la D'Annunzio et du primitivisme rustique d'un Pascoli.

Crétin (Guillaume)

Poète et chroniqueur français (Paris v. 1460 – Vincennes 1525).

Chantre de la Sainte-Chapelle, il mit en vers Grégoire de Tours (Chronique française). C'est un représentant des « grands rhétoriqueurs », loué particulièrement par Jean Lemaire de Belges (« le monarque de la rhétorique française ») et par Marot qui trouva chez lui un maître de la rime équivoquée : « Le bon Cretin au Vers équivoqué » (Complainte de Monsieur le General Guillaume Preudhomme).