Dictionnaire de la Littérature 2001Éd. 2001
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Byron (George Gordon, lord)

Poète anglais (Londres 1788 – Missolonghi 1824).

Héritier à 10 ans du titre de lord, il est affligé dès la naissance d'une claudication contre laquelle la médecine est impuissante et qui le tourmentera longtemps. Il survit aux public schools par l'orgueil, le sport, l'amitié virile et défend ses Heures d'oisiveté (1807) face aux crabes de la Revue d'Édimbourg. Il effectue le « Grand Tour » et rentre trop tard pour assister à la mort de sa mère. Après son premier discours à la Chambre des lords (un plaidoyer pour les briseurs de machines), il part soudain pour l'Orient. Célèbre et adulé pour son Pèlerinage de Childe Harold (1812), il entame, sans renoncer aux hommes, une douloureuse carrière de séducteur, abandonné-abandonnant, que l'amour de sa demi-sœur Augusta plonge dans l'exaltation et la culpabilité incestueuses. Le Giaour, la Fiancée d'Abydos, le Corsaire, Lara, le Siège de Corinthe, qui paraissent entre 1813 et 1815, chantent l'exotisme et l'audace de vivre en faisant s'affronter Occidentaux et Orientaux, chrétiens et musulmans. Il se réfugie cependant dans le mariage avec miss Annabella Milbanke (1792-1860), pour douze mois : la séparation et la naissance d'Augusta Ada suscitent en Angleterre une indignation « vertueuse » qui le contraint à l'exil. Il rejoint Shelley en Suisse (le Prisonnier de Chillon, Childe Harold III, le Rêve, Stances à Augusta), voit naître son second enfant, illégitime cette fois (Allegra est la fille de Claire Clairmont, demi-sœur de Mary Shelley), puis gagne l'Italie, où le désir de liberté effraie moins et où il poursuit son œuvre lyrique (Childe Harold IV, 1817 ; Beppo, 1818 ; Mazeppa, 1819) tout en écrivant des drames (Marino Faliero, 1821 ; Sardanapale, 1821) et deux mystères (Caïn, 1821 ; Ciel et Terre, 1823). Manfred (1817) explore le mythe romantique du héros exclu de la société, tourmenté par le souvenir d'un mystérieux crime inexpiable. Par leur joyeuse indifférence envers les pudibonderies britanniques, les quatre premiers chants de son Don Juan (1819) font scandale. La mort d'Allegra, puis celle de Shelley, les querelles avec les libéraux anglais (Leigh Hunt) et Mary Shelley le poussent au départ : il cherche à faire sur le terrain l'unité des factions grecques, en lutte contre les Turcs. La fièvre le tue à Missolonghi. La sépulture traditionnellement réservée aux poètes à l'abbaye de Westminster lui fut refusée. Ses rôles (le révolté, l'errant, le séducteur piégé, le père privé d'enfants) sont certes des masques, non des poses. Une longue lutte contre le calvinisme, une merveilleuse lucidité, le goût de la joie et du mépris, la haine de toutes les tyrannies font l'unité d'une œuvre qui réveilla l'Europe et l'Orient. Il reste un des regards les plus lucides et l'auteur d'une des œuvres les plus fécondes du siècle.

Byzance

La littérature byzantine, du partage de l'héritage de Théodose le Grand (395) à la mort de Constantin XI sous les coups des janissaires (1435), est l'héritière de la tradition grecque antique. L'Empire de Constantinople, s'il est politiquement issu de Rome, est grec de sentiment et de culture. La continuité de la langue donne aux Byzantins accès aux œuvres anciennes, qui forment la base de l'éducation. Par ailleurs, la civilisation byzantine est tout imprégnée de christianisme, qu'elle doit à la littérature grecque chrétienne des quatre premiers siècles de notre ère, laquelle a contribué à diffuser et à formuler le message et les dogmes de la nouvelle religion. Les Byzantins, passionnés de religiosité, épris tantôt de mystique, tantôt de raisonnement, sont parvenus à identifier hellénisme et christianisme, et à considérer le christianisme comme un fait spécifiquement grec. L'attachement des lettres byzantines à la double tradition antique et chrétienne a eu sur l'expression linguistique une conséquence remarquable : la recherche de l'archaïsme dans l'écriture littéraire, à des degrés variables, corroborée par les usages savants de la langue des institutions.

De l'hellénisme au byzantinisme

Les IVe et Ve s. constituent une période de transition. La production littéraire païenne prolonge la pensée antique en un ultime éclat par la philosophie, la rhétorique, l'histoire, et l'esthétique virtuose des alexandrins par la poésie et le roman, alors que la production chrétienne réalise progressivement la fusion du christianisme et de l'hellénisme. La théologie, qui ne se distingue pas de la philosophie (Basile de Césarée, Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse, Jean Chrysostome d'Antioche), lutte contre les doctrines païennes, mais est aussi marquée par les conflits doctrinaux (nestorianisme de l'école d'Antioche opposé à l'école d'Alexandrie et condamné par le concile d'Éphèse en 431). Le christianisme pénètre peu à peu les genres littéraires profanes : historiographie (Eusèbe de Césarée, Sokratès le Scolastique, Sozomène, Théodoret de Cyr, à côté de Zosime, qui reste païen), « roman » (Cyprien d'Antioche de l'impératrice Athénaïs Eudoxie, morte en 460), théâtre « savant » (dont la manifestation la plus célèbre est le Christ souffrant, récit de la Passion avec dialogues et chœurs).

Organisation de la pensée byzantine (VIe-Xe s.)

C'est à partir du moment où Constantinople exerce dans les domaines politique et administratif une action centralisatrice dans l'Empire que triomphe le byzantinisme. L'activité créatrice s'ordonne selon une certaine hiérarchie, au sommet de laquelle se situent les genres qui traitent des concepts théologiques et philosophiques ; viennent ensuite ceux qui ont trait à la vie religieuse dans le comportement humain ; enfin, les genres profanes font pendant à l'austérité des précédents. La pensée païenne cède définitivement devant le christianisme, que soutient l'Empire et dont il est lui-même le soutien (fermeture par Justinien des écoles philosophiques d'Athènes en 529). La vie intellectuelle se concentre dans la capitale. La production se manifeste d'abord avec éclat, se stabilise pendant deux siècles, pour connaître une nouvelle renaissance à la fin de cette période.

Le VIe siècle

La littérature religieuse, abondante, atteste trois formes. Doctrinale (contre les hérésies nestorienne ou monophysite), elle trouve en Léontios de Byzance (vers 485-v. 542) un grand théologien, qui, par l'alliance du platonisme et de l'aristotélisme, fonde véritablement la scolastique byzantine. Un courant ascétique se développe en même temps : mysticisme populaire avec le Pré spirituel d'un Jean Moschos (mort en 619) d'une part, mysticisme plus élaboré, de l'autre, avec l'Échelle du paradis de Jean Climaque (vers 579-v. 649). Cette création en prose est complétée par la poésie liturgique des mélodes, dont le plus célèbre est Rômanos, auquel on doit une riche production hymnographique, tandis que la tradition alexandrine de l'épigramme reste vivace dans le cercle d'Agathias le Scolastique.

   La chronique et l'histoire rattachent à l'univers chrétien le monde profane pénétré de religiosité. Si les historiens religieux (Théodore le Lecteur, Évagre le Scolastique) continuent l'œuvre de leurs prédécesseurs, les historiens profanes sont plus variés et originaux : Jean le Lydien, qui traite des magistratures romaines malgré sa méconnaissance du latin, et surtout Procope de Césarée (mort v. 562), peintre de la peste de 542-543 en Italie. La chronique est plus spécialement représentée par Hésychius de Milet, plus érudit, et Jean Malalas, plus vulgarisateur. Voyageurs, ambassadeurs, soldats ou marchands, les Byzantins ont parcouru toutes les routes et toutes les mers du monde de leur époque, mais ils n'ont laissé qu'un ouvrage géographique original, la Topographie chrétienne de Cosmas Indikopleustês.

Les VIIe et VIIIe siècles

Malgré les difficultés qu'éprouve l'Empire à l'extérieur (recul devant les assauts des Perses, des Arabes, des Slaves) et à l'intérieur (crises religieuses du monothélisme et de l'iconoclasme), c'est une période de consolidation, sinon de création, culturelle.

   Dans la production religieuse, l'orthodoxie trouve des défenseurs en Maxime le Confesseur (vers 580-662), mystique autant que philosophe, et en Anastase le Sinaïte (mort apr. 700), plus nettement scolastique. L'hagiographie est représentée par Léontios de Néapolis, et l'hymnographie par André de Crète. L'iconoclasme est combattu par le patriarche Nicéphore (vers 758-829) et par Théodore le Studite (759-826). Mais c'est avec Jean Damascène (mort v. 749) que la théologie byzantine trouve sa plus complète expression : philosophe (Source de la connaissance, Sur la doctrine orthodoxe) autant que poète (Hymnes, Canons, Nativité), il est avant le schisme le théologien de l'Orient que l'Occident ne reniera pas.

   Dans la production profane, très imprégnée de religiosité, la chronique l'emporte sur l'histoire avec Georges de Pisidie qui met en vers aussi bien la Genèse que les expéditions de l'empereur Héraclius, et Georges de Syncelle qui brosse un panorama de la création du monde à la mort de Dioclétien. Une poétesse, Cassia, un moment en faveur auprès de l'empereur Théophile, écrit des hymnes et des épigrammes.