Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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MASUMURA (Yasuzo)

cinéaste japonais (Kofu 1924 - Tokyo 1986).

Après des études de droit à l'université de Tokyo, il entre à la Daiei en 1947, comme assistant réalisateur, tout en terminant ses études de philosophie. Ayant obtenu une bourse du gouvernement italien en 1951, il étudie le cinéma au Centro sperimentale de Rome, et devient également assistant de Carmine Gallone pour Madame Butterfly, coproduction nippo-italienne (1955). Rentré au Japon, il redevient assistant à la Daiei, travaillant surtout avec Mizoguchi et Kon Ichikawa. Il tourne son premier film, ‘ Un baiser ’ (Kuchizuke, 1957), dont la vitalité neuve le désigne à l'attention comme un précurseur de la Nouvelle Vague, qui va bientôt déferler sur les studios. Ses premières œuvres, ' Courant chaud ' (Danryu, id.), ‘ le Précipice glacé ’ (Hyôheki, 1958), et surtout ' Géants et Jouets ' (Kyojin to gangu, id.), connu aux États-Unis sous le titre The Build-up et qui est une satire survoltée du capitalisme new-look, l'imposent comme l'un des cinéastes les plus remarquables de sa génération. Demeuré sous contrat à la Daiei, il donne, au rythme de quatre à sept films par an, une image nouvelle de l'héroïne japonaise, d'abord avec l'actrice Hitomi Nozoe, puis surtout avec Ayako Wakao, devenue la star la plus populaire de la compagnie. C'est elle qui interprète dans l'Ange rouge (Akai tenshi, 1966) une infirmière « maudite » pendant la guerre sino-japonaise. Retenons, pour leurs qualités plastiques et l'insolite de la narration, Manji (1964), ‘ Tatouage ’ (Irezumi, 1966, d'après Tanizaki), ‘ l'Amour d'un idiot / la Chatte japonaise ’ (Chijin no ai, 1967), et ‘ la Bête aveugle ’ (Moju, 1969). Après la faillite de la Daiei en 1971, il tourne des films assez médiocres et très « crus », parfois adaptés de grands classiques littéraires comme ‘ la Musique ’ (Ongaku, 1972, d'après Mishima), ‘ Double Suicide à Sonezaki ’ (Sonezaki Shinju, 1978, d'après Monzaemon Chikamatsu). Il meurt en 1986.

MATARAZZO (Raffaello)

cinéaste italien (Rome 1909 - id. 1966).

D'abord journaliste et critique cinématographique, Matarazzo entre à la Cines en 1931. Assistant réalisateur, scénariste, auteur de deux courts métrages de propagande, il fait ses débuts dans la mise en scène en 1933 avec Treno popolare, un film unanimiste dans lequel la description d'une journée de loisir a une fraîcheur et une spontanéité rares. Dans les années 30, Matarazzo se spécialise dans des comédies où son sens de l'observation fait merveille. En 1942 et 1943, il signe deux chefs-d'œuvre du genre, Giorno di nozze et Il birichino di papà. Émigré en Espagne pour fuir la guerre (il tourne deux films dans ce pays), il rentre en Italie en 1946. Un peu désorienté et ne pouvant faire aboutir des projets personnels, il réalise en 1950 le Mensonge d'une mère (Catene), mélodrame interprété par Amedeo Nazzari et Yvonne Sanson dont le succès est tel qu'il condamne son auteur à poursuivre dans le genre : le Fils de personne (I figli di nessuno, 1951) ; Bannie du foyer (Tormento, id.) ; Qui est sans péché ? (Chi è senza peccato ?, 1953) ; le Navire des filles perdues (La nave delle donne maledette, 1954) ; Larmes d'amour (Torna !, id.) ; Vortice (id.) ; la Femme aux deux visages (L'angelo bianco, 1955) ; L'intrusa (id.) ; Guai ai vinti ! (1956) ; la Fille de la rizière (La risaia, id.). Auteur de près de quarante films, Matarazzo est un cinéaste un peu sous-estimé : on a vu en lui un spécialiste de genres commerciaux dont les films vaudraient surtout comme documents sociologiques. En fait, Matarazzo est un grand cinéaste populaire : ses films témoignent d'un sens profond du désespoir, de la passion amoureuse, du destin.

MATÉ (Rudolph Matheh, dit)

chef opérateur et cinéaste américain d'origine polonaise (Cracovie, Autriche-Hongrie, 1898 - Los Angeles, Ca., 1964).

À l'issue de ses études à Budapest, il devient assistant cameraman à la Hungarian Films, puis accomplit son véritable apprentissage aux côtés de Karl Freund et d'Erich Pommer. Il passera à la postérité d'abord comme un opérateur exceptionnel, aussi à l'aise dans le dépouillement ascétique de la Passion de Jeanne d'Arc (1928) et de Vampyr (1932), deux films de Carl Dreyer, tournés en France, que dans l'exubérance baroque de la Maison des sept péchés (T. Garnett, 1940) ou de Gilda (Ch. Vidor, 1946). Il devient réalisateur en 1947, au terme d'une carrière qui l'avait mené de Pologne en Allemagne, d'Allemagne en France et de France aux États-Unis. Dans cette nouvelle orientation, sa réussite a été moins spectaculaire. Il œuvra avec modestie dans d'agréables films de série B : la Fin d'un tueur (The Dark Past, 1949) ; Midi gare centrale (Union Station, 1950) ; Marqué au fer (Branded, 1951) ; le Gantelet vert (The Green Glove, 1952) ; le Gentilhomme de la Louisiane (The Mississippi Gambler, 1953) ; Horizons lointains (The Far Horizons, 1955). Son meilleur film est le beau mélodrame la Flamme qui s'éteint (No Sad Songs For Me, 1950).

MATHÉ (Édouard)

acteur français d'origine australienne (1886 - Bruxelles, Belgique, 1934).

Sa carrière se confond avec celle de Louis Feuillade, dont il fut l'un des interprètes de prédilection, de Fifi tambour (1915) à Parisette (1921). On se souviendra surtout du journaliste Guérande des Vampires (1915), de l'officier aveugle de guerre de Vendémiaire (1918) et de « l'ennemi du genre humain » qu'il incarne dans l'Homme sans visage (1919). Il parut aussi dans Judex (1917) et sa suite, Tih-Minh (1918), Barrabas (1919), etc. Avant Feuillade, il s'était distingué comme partenaire de Suzanne Grandais dans de petites comédies signées Hervil et Mercanton ; après Feuillade, on le verra encore dans la Course à l'amour, de Barlatier et Keppens (1924), ou les Deux Gosses de Mercanton (id.).

MATHESON (Richard)

écrivain et scénariste américain (Allendale, N. J., 1926).

Il écrit ses premiers textes à l'université du Missouri, où il accomplit ses études, et n'a que vingt-trois ans lorsque son premier récit publié, Born of Man and Woman, fait sensation. On le traduit en France sous un titre un peu trop clair : Journal d'un monstre. Ses nouvelles fantastiques baignées d'une horreur très particulière (The Shores of Space, 1957) ont place dans toutes les revues et anthologies du genre. Mais deux romans surtout sont à l'origine de sa gloire cinématographique : Je suis une légende (I Am a Legend, 1954), qui survivra à l'adaptation que tourne Boris Sagal en 1971 sous le titre le Survivant (The Omega Man), et The Incredible Shrinking Man, reprise très personnelle du thème de l'homoncule, cher à Maurice Renard (Un homme chez les microbes, 1928) et qui ressurgit périodiquement à l'écran. Le roman de Matheson est tourné par Jack Arnold avec un sens aigu de la poésie tragique et folle que crée l'irruption de l'incroyable dans le quotidien : l'Homme qui rétrécit (1957) est devenu un des classiques du fantastique. Matheson a écrit d'excellentes nouvelles, dont Duel, filmée par Spielberg pour la TV et que le cinéma a aussitôt annexée. On lui doit aussi des adaptations, notamment de poèmes et d'histoires fantastiques d'Edgar Allan Poe, pour Roger Corman (Tales of Terror, 1962 ; le Corbeau [The Raven], 1963), ou Jacques Tourneur (The Comedy of Terrors, id.). En 1983, il est le scénariste de la Quatrième Dimension pour les épisodes réalisés par Steven Spielberg, Joe Dante et George Miller.