Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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KARAINDROU (Eleni)

compositrice grecque (Teichio 1941).

Née dans une région reculée de la Grèce centrale, elle se déclarera influencée dans sa musique par les sons de la nature et de la vie rurale. Réfugiée en France après le putsch des colonels en 1967, elle étudie l'ethnomusicologie, qui sera pour elle un terrain de recherches à son retour en Grèce (1974). Malgré de longues études de piano, elle se considère comme une autodidacte de la composition et elle écrit des chansons, notamment pour Maria Farantouri. Ses premières partitions pour le cinéma sont écrites pour des films de Christoforo Christofis (Periplanisi, 1979, et Rosa, 1982), Lefteris Xanthopoulos et Tonia Marketaki. La musique de Rosa, primée par le jury du Festival de Thessalonique présidé par Angelopoulos, lui permet d'entamer une fructueuse collaboration avec le grand metteur en scène. Outre les affinités qui les unissent (rythme, sens de la durée, densité des instants cinématographiques), le style volontiers élégiaque de la compositrice, son goût pour le solo instrumental et les notes prolongées, l'insertion d'instruments populaires et les références à la musique traditionnelle sont devenus des éléments essentiels des films d'Angelopoulos depuis le Voyage à Cythère (1984) : l'Apiculteur, Paysage dans le brouillard, le Pas suspendu de la cigogne, le Regard d'Ulysse, l'Éternité et un jour. Eleni Karaindrou ne compose que rarement pour d'autres cinéastes (Margarethe von Trotta, avec l'Africaine/le Retour, 1990, est une exception), et ses disques de musique de film, aux côtés d'autres musiques tonales contemporaines, connaissent un réel succès auprès du public.

KARANOVI´C (Srdjan)

cinéaste yougoslave (Belgrade 1945).

Il fait ses études de cinéma à la FAMU de Prague, où il obtient son diplôme de réalisateur en 1970. Auteur de nombreuses émissions pour la télévision, il réalise pour le cinéma le Jeu de société (Druśtvena igra, 1972), l'Odeur des fleurs des champs (Miris poljkog cveća, 1977), la Couronne de Petria (Petrijin venac, 1980), Mi-figue mi-raisin (Něsto izmedju), Dur à avaler (Jagode u grlu, 1985), Un film sans nom (Za sada bez dobrog naslova, 1989), Virgina (Viržina, 1991), ces derniers titres lui donnant une place privilégiée parmi les nouveaux réalisateurs yougoslaves des années 70.

KARAS (Anton)

musicien autrichien (Vienne 1906 - id. 1985).

Spécialiste de la Zither dite « salzbourgeoise », une cithare sur table, traditionnelle en Autriche et en Bavière (proche de l'épinette pratiquée en France dans les Vosges), il devient célèbre grâce à la musique du Troisième Homme, tourné à Vienne par Carol Reed (1949). Son fameux Harry Lime Theme a fait le tour du monde, lui permettant de créer en 1953 à Sievering, un faubourg de Vienne, le cabaret dans lequel il s'est produit ensuite régulièrement.

KARENNE (Leucadia Konstantin, dite Diana ou Diane)

actrice italienne d'origine russe (Dantzig 1888 - Aix-la-Chapelle, Allemagne, 1940).

De sa naissance, selon les sources, près de Dantzig ou en Ukraine, à sa mort en Allemagne pendant un bombardement, la vie de Diana Karenne comporte de nombreuses zones d'ombre. Arrivée en Italie vers le milieu des années 10 avec d'autres artistes d'origine slave, elle s'établit à Turin, où elle réussit à entrer dans le cinéma comme comédienne mais aussi comme auteur de sujets et metteur en scène (elle se dirige elle-même dans plusieurs films, par exemple Lea, 1916 ; Ave Maria gracia plena, 1919 ; La veggente, 1921). En 1917, elle fonde à Milan la Karenne Film. Dotée d'une forte personnalité, provocante et libérée, elle impose une image de femme fatale au visage souvent impénétrable. Elle tourne une vingtaine de films de 1915 à 1922 (Anime solitarie, 1916 ; Maria di Magdala, 1918 ; La peccatrice casta, 1919 ; Miss Dorothy, 1920 ; L'Indiana, 1921). En 1922, conséquence de la crise de production qui frappe les studios transalpins, elle quitte l'Italie pour interpréter quelques films en Allemagne (Marie-Antoinette, 1922, de Rudolf Meinert) et en France (Casanova, 1927, d'Alexandre Vol-koff ; Fécondité, 1929, d'Henri Etiévant et Nicolas Evreinoff ; l'Affaire du collier de la reine, 1930, de Gaston Ravel et Tony Lekain), avant de cesser toute activité.

KARIM (Muḥammad)

cinéaste égyptien (Le Caire 1896 - id. 1972).

Il figure dans quelques deux-bobines tournés à Alexandrie dès 1918, puis part pour Rome (1920-1923) et l'Allemagne, où il parachève son apprentissage auprès de Fritz Lang. Son premier film (1930) est l'adaptation, au Caire, d'un roman alors en vogue de Muḥammad Ḥusayn Haykal, Zaynab. Karim édulcore évidemment ce livre scandaleux au regard des religieux, et choquant pour la bourgeoisie, parce qu'il fait parler (en arabe populaire) une « fille », jeune paysanne contrainte d'épouser son maître. C'est le départ d'une veine, plus ou moins heureuse, du cinéma égyptien : l'adaptation littéraire... Dès le parlant, Karim entame une décennie de collaboration fructueuse avec le chanteur (et producteur) célèbre Muḥammad ‘ Abd al-Wahhab, de 1932 — ‘ la Rose blanche ’ (al-Warda al-bayda') — à 1943 : ‘ Une balle dans le cœur ’ (Raṣaṣa fi al-qalb) ; ‘ Je ne suis pas un ange ’ (Lastu malakan, 1946). Après le musical, Karim s'engage dans le mélodrame avec ‘ L'amour ne meurt pas ’ (al-Ḥubb la yamut, 1948), puis avec un remake de Zaynab (1952), pour l'actrice Raqiya ‘ Ibrahim. Il tourne ensuite Dalila (id., 1956), avec cette fois Shadiya, et ‘ Cœur d'or ’ (Qalb min dhahab, 1958). Doyen de l'Institut du cinéma du Caire, il se consacre enfin à l'enseignement. S'il a exploité en pionnier les grands genres du film égyptien en y apportant, comme un Ahmad Badrakhan, un sens réel du professionnalisme, son maniérisme curieux et personnel, surtout imposé aux attitudes, est immédiatement identifiable.

KARINA (Hanne Karin Blarke Bayer, dite Anna)

actrice et cinéaste française d'origine danoise (Copenhague 1940).

Elle suit des cours de danse après ses études secondaires et pose comme cover-girl pour des magazines de mode. Ayant tourné dans des films publicitaires, elle interprète un court métrage ‘ la Fille aux chaussures ’ (Pingin og skoenne, I. Smedes, 1959), primé à Cannes. La jeune femme décide de tenter sa chance à Paris. Après avoir refusé un rôle dans À bout de souffle (1959), elle joue dans le deuxième film de Jean-Luc Godard, le Petit Soldat (1960). Le metteur en scène épouse l'actrice en 1961 et, durant les six ans de leur mariage, ils réalisent sept films ensemble : (le Petit Soldat ; Une femme est une femme (1961) ; Vivre sa vie (1962) ; Bande à part (1964) ; Alphaville (1965) ; Pierrot le Fou (id.) ; Made in USA (1967), ainsi que le sketch Anticipation (1967). Anna Karina marque, comme peut-être aucune autre actrice dans ce genre de relations, les films de Godard dont elle est la vedette. Cette complicité trouve son accomplissement dans l'étonnant Pierrot le Fou. Hormis Godard, seuls Michel Deville (Ce soir ou jamais, 1961), Jacques Rivette (la Religieuse, 1966) et André Delvaux (Rendez-vous à Bray, 1971 ; l'Œuvre au noir, 1988) savent trouver des compositions adéquates pour elle. Elle est loufoque dans Une femme est une femme et tragique dans Alphaville. L'éclectisme semble donc être la marque de la carrière d'Anna Karina, oscillant entre le pire (Shéhérazade, Pierre Gaspart-Huit, 1962 ; Lamiel, Jean Aurel, 1967) et le meilleur (Godard, Rivette), en passant par d'honorables créations : l'Étranger (L. Visconti, 1967) ; l'Alliance (Ch. de Challonge, 1971) ; Roulette chinoise (R. W. Fassbinder, 1976) ; Comme chez nous (M. Meszaros, 1978), l'Île au trésor (R. Ruiz, 1986), Haut, bas, fragile (J. Rivette, 1995). En 1973, Anna Karina s'essaie à la réalisation avec Vivre ensemble, film maladroit mais sincère sur les problèmes du couple moderne, dont elle est également l'interprète.