Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
P

PELLEGRIN (Raymond Pellegrini, dit Raymond)

acteur français (Nice 1925).

Depuis 1945, il a imposé dans tous ses films sa présence un peu lourde, son enthousiasme et une ardeur convaincante pour jouer aussi bien les mauvais que les bons garçons. Il évite tout ridicule dans le rôle redoutable du Napoléon de Sacha Guitry (1955). Mais, à part Nicholas Ray (Amère Victoire, 1957), Sidney Lumet (Vu du pont, 1962), Fred Zinnemann (Et vint le jour de la vengeance, 1964) et, pour la France, Pagnol (Topaze ; 1951, Manon des sources, 1953), Cayatte (Nous sommes tous des assassins, 1952), Lacombe (la Lumière d'en face, 1956), Melville (le Deuxième Souffle, 1966), Boisset (le Saut de l'ange, 1971), Missiaen (Ronde de nuit, 1984), Lelouch (les Uns et les autres, 1981 ; Viva la vie, 1984), de Broca (Louisiane, id.), il n'a jamais trouvé de cinéastes d'une envergure propre à galvaniser son talent.

PELLICULE.

Long ruban, souple, support matériel des images cinématographiques. ( FILM.)

PEÑA (Julio)

acteur espagnol (Madrid 1912 - Londres 1981).

Il commence sa carrière à l'aube du parlant, dans la production en langue espagnole de Joinville et Hollywood. De retour en Espagne, il joue dans María de la O (F. Elías, 1936), puis atteint la popularité pendant les années 40. Il prête sa discrète figure de galant homme à un des clochards de Los hijos de la noche (B. Perojo, 1939), à l'aveugle miraculé de Marianela (id., 1940), au compositeur Albéniz dans Serenata española (J. de Orduña, 1947), au protagoniste martial de Alhucemas (José López Rubio, 1947). Sa compagnie, Peña Films, produit Siempre vuelven de madrugada (Jerónimo Mihura, 1948) qu'il interprète. Durant la décennie suivante, il participe aux coproductions internationales qui prolifèrent en Espagne (Alexandre le Grand, R. Rossen, 1956 ; Salomon et la reine de Saba, K. Vidor, 1959), à des œuvres typiques d'un franquisme de plus en plus attardé (La patrulla, P. Lazaga, 1954 ; Un puente sobre el tiempo, José Luis Merino, 1964), à des films d'une croissante médiocrité, où il n'est plus que l'ombre de lui-même.

PENN (Arthur)

cinéaste américain (Philadelphie, Pa., 1922).

Après ses études secondaires, Arthur Penn a un premier contact véritable avec le spectacle au Théâtre aux Armées, où il travaille de 1943 à 1946. Ayant repris ses études littéraires après la guerre, Penn entre en 1951 à la télévision comme régisseur et débute en tant que réalisateur l'année suivante. Le théâtre l'attire autant que la caméra et il écrit trois dramatiques de télévision avant de mettre en scène de nombreux succès de Broadway. Il passe au cinéma en 1958, avec le Gaucher (The Left Handed Gun), d'après un scénario de Leslie Stevens, comme lui homme de télévision (il avait monté l'une de ses pièces au théâtre deux ans auparavant). Depuis, Arthur Penn aime à mener de front sa double carrière théâtrale et cinématographique, sans jamais se galvauder : dix films en près de 25 ans.

Cinéaste d'une importance considérable dans le cinéma américain, il a, le premier, consommé la rupture avec l'Hollywood de jadis, s'imposant comme un intellectuel pétri de culture classique et influencé par le cinéma européen. En avance même sur celui-ci, il faisait entendre, en 1958, avec le Gaucher, un son de cloche guère différent de celui dont Jean-Luc Godard se rendit comptable en 1959 avec À bout de souffle. Par ailleurs, s'il rompt avec un certain « ton » hollywoodien, qui imposait une psychologie facile, une direction d'acteurs codifiée et une conduite de récit exactement régulière, Penn n'a pas bousculé la tradition. Bien au contraire, il s'est toujours référé aux structures de genres existants, préférant se singulariser surtout par la manière de les investir et de les renouveler de l'intérieur.

Dans le cadre du western (le Gaucher, les Extravagantes Aventures d'un visage pâle [Little Big Man], 1970 ; Missouri Breaks, 1976) et du film policier (Bonnie and Clyde, 1966 ; la Fugue [Night Moves], 1975), il impose une alternance de lyrisme et d'ironie qui se désamorcent mais se valorisent l'un l'autre. Dans un cadre traditionnellement viril et monolithique, il introduit le déchirement, l'incertitude et le chaos comme constantes. Il garde la violence pour la débarrasser du code qu'Hollywood lui a imposé et pour lui redonner son sens de manifestation brute, primitive et irrationnelle. Cette violence semble être le seul moyen que ses héros immatures, adolescents prolongés ou non n'ayant pas pu résoudre leur rapport au père, connaissent pour clamer leur existence.

On retrouve cette communication primitive dans un domaine hautement sophistiqué et élaboré que Penn aime aussi à fréquenter : l'adaptation théâtrale. Seul Miracle en Alabama (The Miracle Worker, 1962), que le cinéaste avait monté au théâtre trois ans plus tôt, appartient officiellement à ce genre. Mais on peut y associer la Poursuite impitoyable (The Chase, 1966) à la difficile élaboration duquel dix scénaristes auraient travaillé. Il s'ensuit un film fortement théâtralisé qui emprunte aussi bien à Lillian Hellman qu'à William Inge, Tennessee Williams ou William Gibson. Dans cet univers civilisé et policé, les personnages, les marginaux (Patty Duke, Robert Redford) aussi bien que les éducateurs ou les nantis, se comportent encore de manière violente et primitive. Cela ne signifie pas tant la révolte que la permanence de l'état sauvage, que Penn voit dans toute civilisation.

Restent deux œuvres très personnelles et difficiles à classer, où le cinéaste se refuse les structures d'un genre solide : Mickey One (1965) et Alice's Restaurant (1969). Dans le premier film, Arthur Penn se purgeait des influences littéraires et européennes qui le tenaillaient : on peut voir Mickey One comme un apologue kafkaïen filmé à la manière d'un cinéaste français de la Nouvelle Vague. Alice's Restaurant émergeait en pleine explosion libertaire : travaillant à chaud dans l'effervescence du moment, Penn regardait le mouvement hippie tantôt avec sérénité, tantôt avec crispation, tantôt avec une rigidité funèbre, appréhendant déjà sa fin. La violence dans ces deux films était plus indirecte : elle s'exprimait plus par le climat que par le comportement. C'était l'approche du cinéaste, agressive pour le premier film, sournoise et insinuante pour le second, qui créait la discordance.