Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

ANIMATION (techniques de l'). (suite)

Pendant plus de 80 ans, l'aspect de l'animation était guidé par le développement de techniques manuelles ou mécaniques de production d'images en mouvement et des procédures de synthèse chronographique qui n'ont pas varié depuis Reynaud. Mais, en entrant dans un âge informatique de la commande mécanisée, du traitement, de la synthèse et de l'animation automatisée, la position technologique et l'horizon expressif du cinéma image par image se trouvent considérablement déplacés.

Automatisation des dispositifs photomécaniques.

Dès les années 40 apparaît une classe nouvelle de technique image par image recourant à des automates, qui, lorsque les paramètres de mouvement ont été précisés, engagent, poursuivent et achèvent dynamiquement le tracé d'une figure correspondant à leur domaine d'évolution.

Avec son Cam System, John Withney contrôle, avec un ordinateur analogue, les trajets successifs d'éléments générateurs élémentaires (points, traits, cercles, courbes) pour produire des traînées lumineuses, des enchevêtrements et des semis de formes, des animations de flous et d'incandescences (Film Exercise, 1943-44 ; Catalog, 1961) : origines de toute une esthétique abstraite, luministe et hypnotique qui a caractérisé les imageries de science-fiction et publicitaires des années 70. En enregistrant image par image les parcours de pendules composés dont ils modifiaient les rapports de jambage pour chaque image, Alexeieff et Claire Parker ont donné le mouvement à des formes périodiques (Fumée, 1952 ; Sève de la terre, 1955).

La précision et la répétabilité infaillible des contrôles informatiques permettent de régler les trajectoires de tournages de maquettes. La même banque de données assure le déplacement d'un traçage au trait sur un écran cathodique et le déplacement électromécanique d'une maquette suivant les mêmes lignes d'évolution, une superposition du véhicule, des effets de flammes, d'explosion, l'animation d'un ciel constellé d'étoiles. Le contrôle informatique des animations, des superpositions de combinaisons, d'inclusions cache-contre-cache a renouvelé le style et le réalisme des trucages des films épiques, ou de science-fiction (2001 : l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick, 1968, et des films de la série Star Wars, 1977, ou Star Trek, 1979) en redonnant une importance accrue aux superproductions spectaculaires.

Les progrès du transfert de l'image vidéo sur films, le recours à la production d'effets sur des systèmes de télévision à haute définition et les progrès constants de l'image informatique vont obliger le cinéma d'animation à abandonner la chaîne de production photomécanique et des modes de réalisation encore artisanaux.

Traitement et synthèse informatique des images animées.

Le couplage, à partir des années 50, du tube cathodique et de l'ordinateur provoque l'apparition d'un nouveau système de création visuelle : l'image numérique. La saisie de toutes les valeurs visuelles et leur transcription en train de pulsion électronique binaire aboutissent à une structuration des données sous forme de matrice numérique. Ainsi, toutes les images saisies aboutissent à des tableaux de chiffres qui définissent l'image à un point près. Tout tableau de chiffres donne une image. D'autre part, ces tableaux stockés dans une mémoire numérique sont infiniment remodelables par inclusion, suppression ou calcul ; ils ouvrent la voie à une création d'images et d'œuvres continuellement variables (voir déjà les jeux vidéo). Bientôt, un cinéma interactif (1984) va s'opposer à un audiovisuel classique d'œuvres fixées et définitives et d'exploitation par présentations ou diffusions répétitives.

Avec l'apparition des traitements analogiques graphiques et plastiques de la vidéo des années 60 et 70 (art vidéo, vidéoclips musicaux) et de l'image informatique (militaire dans les années 60, industrielle et architecturale des années 70, généralisée, scénographique et ludique des années 80), le cinéma d'animation perd son ancien privilège de création synthétique d'image et de mouvement, qui l'opposait traditionnellement au courant imitatif et documentaire de la prise de vues directe cinématographique ou de la transmission vidéo en direct. À partir de 1965 se développe un champ de création d'images animées artificielles qui ne répond plus seulement aux principes de discontinuité image par image qui définissaient jusqu'à présent le cinéma d'animation. Maintenant, le contrôle de l'image est réalisé à un point d'image près ; si la définition technique du cinéma d'animation demeure toujours un art de composition visuelle dynamique fondé sur le contrôle d'une succession d'éléments distincts, l'animation doit ajouter à l'unité du cadre (système de construction image par image) celle du point d'image (comme dans l'écran d'épingles d'Alexeieff), de nouvelles possibilités de contrôle fonctionnel sur des ensembles de points ou d'images successives, rafales de déplacements sur banc de prise de vues automatisé ; elle peut surtout manipuler des ensembles d'unités distinctes, instrumentalement, en temps réel, sans passer par un enregistrement image par image différé (simulation, contrôle gestuel de l'animation, recours à des fonctions câblées, etc.).

Par rapport à la création naturelle d'images manuelles, la réalisation d'images animées informatiques exige la maîtrise de méthodes complexes de description et de manipulation des objets visuels, puisqu'il faut décrire les images mathématiquement et organiser les données, les mots et les instructions suivant les règles des langages informatiques pour communiquer avec l'image mise sur machine : mais les progrès du codage qui permettent d'archiver les images, la transparence croissante des programmes, le recours de commandes interactives directes (manche à balai, boule roulante, etc.) laissent prévoir un accès beaucoup plus aisé à ces procédés de création. D'autre part, la réduction des tableaux à des primitives visuelles (points, lignes, zones, formes élémentaires), la reconstitution des attributs visuels offrent un renouvellement complet des problèmes et activités de composition et de dynamique.