Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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SALCE (Luciano)

cinéaste italien (Rome 1922 - id. 1985).

Metteur en scène et acteur de théâtre, Luciano Salce aborde le cinéma en 1953 avec deux films tournés au Brésil. Au début des années 60, il réalise avec Ugo Tognazzi ses meilleures œuvres, des comédies marquées par une profonde amertume : Mission ultrasecrète (Il federale, 1961), Elle est terrible (La voglia matta, 1962), Le ore dell'amore (1963). Par la suite, il se laisse aller à la facilité et ne retrouve qu'occasionnellement un certain niveau d'exigence : Juste un gigolo (Basta guardarla, 1971), Io e lui (1973), Fantozzi (1975), Il secondo tragico Fantozzi (1976), ces deux derniers films portés par l'univers masochiste de Paolo Villaggio.

SALERNO (Enrico Maria)

acteur et cinéaste italien (Milan 1926).

Dans les années 50, il s'affirme l'un des meilleurs acteurs de théâtre dans les troupes les plus renommées. Au cinéma, il joue un petit rôle dans Traite des blanches (L. Comencini, 1952), et obtient un premier succès avec le personnage du fasciste d'Été violent (V. Zurlini, 1959). Ses créations les plus complexes sont les deux personnages d'Italien à l'étranger dans deux réalisations de Franco Rossi : Odyssée nue (1961) et Smog (1962). Il interprète ensuite environ 80 films, dont des péplums, des films d'aventures, des comédies et des films policiers. En 1970, il dirige sa première œuvre : Adieu à Venise (Anonimo veneziano), un drame d'amour et de mort inspiré par un roman de Giuseppe Berto, qui obtient un grand succès. Après un film sur la crise de la famille, Cari genitori (1973), il revient au thème du couple avec Eutanasia di un amore (1978), déchirante histoire sentimentale.

SALESS (Sohrab Shahid)

cinéaste d'origine iranienne (Ghazvin, Iran, 1944 - Chicago, États-Unis, 1998).

Vit et travaille en République fédérale d'Allemagne depuis 1974. Il quitte son pays en 1962, se rend à Paris dans l'intention de s'inscrire à l'IDHEC, change d'avis et s'installe à Vienne, où il demeure jusqu'en 1968. Il y étudie l'art dramatique et suit les cours de l'Académie de cinéma et de télévision. Il revient à Paris soigner une tuberculose et parfait ses connaissances au sein du Conservatoire indépendant du cinéma français. Après son retour en Iran, il réalise, entre 1969 et 1972, 22 courts métrages documentaires pour le ministère de la Culture et des Arts.

En 1973, avec un financement modique de ce même organisme, Sohrab Shahid Saless conçoit son premier long métrage : Un simple événement (Yek étéfagh é sadeh). Dans ce film, l'univers ainsi que le formalisme spécifique de l'auteur sont déjà présents. Nous partageons quelques jours de la vie misérable d'un garçonnet et de ses parents dans un village côtier. L'œuvre développe une espèce de rituel composé des mêmes faits et gestes qui reviennent quotidiennement, de manière lancinante. Elle nous montre l'isolement progressif d'un individu, la lente érosion psychique que produit en lui son environnement. Saless, grand admirateur d'Anton Tchekhov — à qui il consacre un documentaire : Une vie (Ein Leben, 1981) —, de Robert Bresson et d'Albert Camus, ne porte pas de jugement sur ses personnages, il se contente, en clinicien, de nous les montrer en train d'agir. Dans ce microcosme aux rythmes répétitifs, une faille se produit — la mort de la mère (Un simple événement), l'arrivée d'une lettre de mise à la retraite (Nature morte [Tabiat é bijan], 1974), le choc qu'éprouve l'enfant d'une prostituée lorsqu'il apprend le métier exercé par cette dernière (le Temps de la maturité [Reifezeit], 1976) — qui métamorphose le sujet principal en corps étranger, rejeté de son milieu. Après Nature morte, le cinéaste s'expatrie. Sohrab Shahid Saless fait, lors de son séjour à Vienne, l'expérience de l'exclusion dont sont victimes les étrangers. Il consacre deux titres à ce sujet : Loin du pays (In der Fremde, son premier film allemand, 1975) et Destinataire inconnu (Empfa˝nger unbekannt, 1983), mais conserve sa distance habituelle face au matériau traité ; dans les deux cas, il s'agit de Turcs et non d'Iraniens.

Les films les plus passionnants de l'auteur — Un simple événement, Nature morte, le Temps de la maturité, le Journal d'un amoureux (Tagebuch eines Liebenden, 1977), Ordnung (1979), Utopia (1982) — esquissent des silhouettes irrémédiablement blessées, qui servent à la fois de symptômes, de révélateurs et de repoussoirs aux sociétés qui les ont enfantées. Il tourne, pour la télévision, le Dernier Été de Grabbe (Grabbes letzter Sommer, 1981), inspiré du roman que Thomas Valentin consacre au poète et dramaturge allemand Christian Dietrich Grabbe (1801-1836), un individu mal intégré au contexte bourgeois de son époque. Dans l'Heure bleue (Die blaue Stunde, 1984), d'après un texte de Hans Frick, et le Saule (Der Weidenbaum, 1985), tiré d'une pièce d'Anton Tchekhov —, Sohrab Shahid Saless s'oriente vers l'adaptation d'œuvres préexistantes tout en conservant son regard particulier. Il tourne ensuite Wechselbalg (1986), Rosen für Afrika (1991) et Reifezeit (1994), évocation « bressonienne » de la vie d'un enfant de dix ans qui vit seul avec sa mère prostituée.

SALHAB (Ghassan)

cinéaste franco-libanais (Dakar 1958).

Né en Afrique, vivant entre le Liban et la France, Ghassan Salhab incarne une certaine vérité du Liban d'aujourd'hui, écartelé par les géographies, les diasporas et les histoires personnelles. Après avoir collaboré à l'écriture ou à la réalisation de plusieurs films français à la fin des années 80 et au début des années 90, Salhab tourne ses premiers courts métrages dont, inspiré d'un titre de Michel Leiris, Afrique fantôme (CM, 1996), puis son premier long métrage, Beyrouth fantôme (1998), primé dans différents festivals internationaux. Ce film présente le retour impossible, dans les toutes dernières années de la guerre, d'un homme, Khalil, qui avait fui le conflit et s'était fait passer pour mort. Spectre au milieu d'un champ de ruines, il mène une quête mélancolique qui ne le mènera nulle part si ce n'est à une nouvelle disparition. Des inserts vidéo, interrompant la fiction, donnent alors la parole aux acteurs eux-mêmes, qui font état de leur propre expérience de la guerre. Beyrouth fantôme, dès sa sortie, apparaît alors comme le manifeste d'une nouvelle génération de cinéastes et comme « le » film libanais de l'après-guerre d'une guerre qui a du mal à passer et d'une paix difficile à venir. En 2001, Salhab tourne, à Beyrouth toujours, Guerre civile, long métrage qui une fois encore dresse la liste des plaies encore douloureuses d'un Liban fragile.