Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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ROSI (Francesco) (suite)

Les films de Rosi ne donnent pas de réponses mais posent des questions et sont animés par une recherche de la vérité. Le cinéaste traque les mensonges d'une société qui agit dans l'ombre (d'où le rôle majeur de la mafia dans son œuvre). La soif de pouvoir, l'ambition des hommes publics, le contrôle des citoyens par les moyens de la guerre, du crime organisé, de l'économie et de la politique, tels sont les thèmes de Rosi. D'une certaine façon, son œuvre retrace l'histoire de l'Italie au XXe siècle depuis la Première Guerre mondiale (les Hommes contre [Uomini contro], 1970), le fascisme (Le Christ s'est arrêté à Eboli [Cristo si e fermato a Eboli], 1979), la libération de l'Italie (Lucky Luciano), le banditisme et l'autonomisme sicilien (Salvatore Giuliano), les problèmes du pétrole et du tiers monde (l'Affaire Mattei), l'agitation de la vie municipale et la spéculation immobilière (Main basse sur la ville), le terrorisme et les menaces de déstabilisation politique (Cadavres exquis [Cadaveri eccellenti], 1975), les diverses options humaines et politiques devant une situation contemporaine confuse et troublée (Trois Frères [Tre fratelli], 1981).

Le territoire des films de Rosi est son Sud natal — ce mezzogiorno que les Italiens appellent leur Afrique —, avec son retard économique, sa pauvreté, sa violence et son mysticisme. Mais, sous son regard, cette région devient le microcosme non seulement de l'Italie, mais du monde : l'ancien doit y céder la place au nouveau, le sous-développement et une société agraire attendent le passage à l'ère industrielle et à la prospérité.

La présence insistante de la mort dans l'œuvre de Rosi (la plupart de ses films sont une enquête autour d'un ou de plusieurs cadavres, de Salvatore Giuliano à Carmen [1984]) exclut toute analyse de son œuvre qui se voudrait purement économique et sociale. Depuis Cadavres exquis, ses films sont plus méditatifs, plus métaphysiques aussi, et abordent la sphère des sentiments privés (évoquée déjà en mineur dans le charmant conte napolitain la Belle et le Cavalier [C'era una volta], 1967) sans abandonner le contexte plus large du lieu et du temps. En un sens, et paradoxalement, on peut voir dans Carmen, adaptation fidèle de l'opéra de Bizet, une somme de son œuvre antérieure. Le film commence par la mort du taureau et s'achève par deux autres morts dans l'après-midi. Il possède une dimension chorale et intime et les mythes de la vie espagnole se reflètent dans les comportements et les conflits des personnages. Il est une réflexion sur la liberté ainsi qu'une évocation de structures de classe dans une société méridionale. Et sa beauté plastique n'entame en rien le sentiment très fort d'une réalité vivante. Chronique d'une mort annoncée (Chronica de una muerte annonciada, 1987), adaptation d'un roman de Gabriel García Márquez, s'attaque au mécanisme de l'oppression patriarcale et religieuse et surtout au machisme et à la frustration sexuelle. Mais le film souffre passablement des contraintes d'une coproduction internationale (France-Italie-Colombie) et d'une interprétation trop disparate pour faire croire à l'authenticité des séquences.

Oublier Palerme (Dimenticare Palermo, 1990), d'après le roman d'Edmonde Charles-Roux, évoque à l'occasion d'un voyage le retour à la terre natale (et parallèlement le retour sur soi et sur ses propres origines) d'un jeune et brillant politicien américain, fils d'un paysan sicilien émigré. Rosi retrouve toute la force de son écriture en montrant sans équivoque possible le pouvoir occulte et quasi « institutionnel » de la mafia et parallèlement en s'attachant à décrire le parcours psychologique et moral d'un homme partagé entre la résurgence d'un certain atavisme et la confrontation impitoyable d'une réalité qu'il décidera d'affronter avec courage. Il a adapté sans succès le livre de Primo Levi la Trêve (La tregua, 1996) dans le cadre d'une grande coproduction européenne. ▲

ROSS (Diana)

chanteuse et actrice américaine (Detroit, Mich., 1944).

Leader du groupe vocal des « Supremes » au début des années 60, elle conquiert une énorme popularité en chantant seule dans un registre proche du soul, mais nettement plus « sexy ». En 1974, il lui revient d'interpréter Billie Holiday dans Lady Sings the Blues (S. Furie) : biographie fantaisiste, voix inadéquate, mais performance d'actrice émouvante. Elle tourne ensuite Mahogany (1975) de son époux et producteur (à Broadway) Berry Gordy, agréable mélodrame, puis The Wiz (S. Lumet, 1978), remake coûteux du Magicien d'Oz, dont l'échec commercial ne peut guère être imputé à sa brillante vedette.

ROSS (Herbert)

chorégraphe et cinéaste américain (New York, N. Y., 1928).

Chorégraphe de films paradoxalement peu dansés (Carmen Jones, O. Preminger, 1954 ; Daisy Clover, R. Mulligan, 1965 ; Funny Girl, W. Wyler, 1968), Herbert Ross dut sans doute au déclin du genre musical de passer à la réalisation. Continuant le paradoxe, son premier film, Goodbye, Mr. Chips (1969), ne dansait pas et il a prouvé, dans le Tournant de la vie (The Turning Point, 1977) et, par ailleurs, dans l'honorable Nijinski (id., 1979), qu'il avait de grandes difficultés à filmer les ballets. Artisan soigneux, c'est dans la comédie qu'il a donné ses meilleures preuves : Tombe les filles et tais-toi (Play It again Sam, 1972), Ennemis comme avant (The Sunshine Boys, 1975) ou Adieu je reste (The Goodbye Girl, 1978). Il réussit aussi avec un certain bonheur dans l'intrigue policière alambiquée les Invitations dangereuses (The Last of Sheila, 1973) ; Sherlock Holmes attaque l'Orient-Express (The Seven-Per-Cent Solution, GB, 1976) et les adaptations théâtrales (California Hôtel [California Suite], 1978). Toujours très actif, il traverse les modes grâce à son style sobre et sans âge, parfois terne. Son meilleur film a certainement été le très curieux et inclassable Tout l'or du ciel (Pennies From Heaven, 1982), comédie musicale ou plutôt réflexion sur la philosophie du genre, sombre et amère, où brillaient Christopher Walken et Steve Martin. Max Dugan Returns (id., 1983), Footloose (id., 1984), Protocol (id., 1985), Dancers (id., 1987), My Blue Heaven (id., 1990), True Colors (id., 1991), Undercover Blues (1993) ou Avec ou sans hommes (Boys on the Side, 1995) sont bien plus impersonnels. Ses plus grands succès commerciaux des dernières années sont l'assez vulgaire Secret de mon succès (The Secret of My Success, 1987) et, plus dans ses cordes, la comédie mélodramatique Potins de femmes (Steel Magnolias, 1989).