Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DANEY (Serge)

critique de cinéma français (Paris 1944 - id. 1992).

Venu à la critique par passion cinéphile, il publie ses premiers textes dans les Cahiers du cinéma en 1965. Il y collaborera une trentaine d'années, dirigeant la rédaction de 1974 à 1981. Il participe activement à la période maoïste de la revue et à tous ses excès, mais contribue à la remettre sur le chemin des fonctions plus classiques de la critique – non sans avoir sillonné le champ intellectuel des modes du moment (influences d'Althusser, Lacan, puis Deleuze). En 1981, il abandonne les Cahiers pour le quotidien Libération, où ses chroniques s'étendent à la télévision. En 1991, il crée avec Raymond Bellour Trafic, un trimestriel qui se propose de réfléchir au cinéma à l'écart d'une actualité dévorante. Serge Daney a exercé une forte influence malgré et grâce à ses virevoltes, une démarche vagabonde (il pouvait revendiquer pour lui-même le terme de « zappeur »), une écriture ouverte, stimulante dans toutes ses intuitions. Peu avant sa mort, Dominique Rabourdin lui a consacré un documentaire TV de plus de trois heures en forme d'entretien, Itinéraire d'un ciné-fils (1992).

DANIELL (Henry)

acteur américain (Londres 1894 - Santa Monica, Ca., 1963).

Vétéran du théâtre à Londres et à Broadway, il débute au cinéma avec le parlant. Sa diction comme son élégance, sa froideur comme son humour le vouent aux rôles de composition dramatiques (le Roman de Marguerite Gautier, G. Cukor, 1937) ou comiques (le Dictateur, Ch. Chaplin, 1940), aux emplois de méchant : Jane Eyre (R. Stevenson, 1944), le Récupérateur de cadavres (R. Wise, 1945), où il fait un duo savoureux avec Bela Lugosi. Il est maître d'hôtel dans l'Extravagant Mr. Cory (B. Edwards, 1957) et meurt à la fin du tournage de My Fair Lady (Cukor, 1964).

DANIELS (Virginia, dite Bebe)

actrice américaine (Dallas, Tex., 1901 - Londres 1971).

Bebe Daniels commence à jouer au théâtre à trois ans, et au cinéma à sept. À treize ans, elle est la partenaire de Snub Pollard et surtout d'Harold Lloyd. Enfin, Cecil B. De Mille nous la révèle dans sa féminité radieuse (l'Admirable Crichton, 1919). Elle est élégante et sophistiquée, ou sentimentale et simple, à volonté. Dans Le cœur nous trompe (1921), elle a un rôle qui la définit admirablement : Satan Synne, la femme la plus perverse de la ville, est en fait, malgré les apparences, une touchante midinette délaissée par un mari viveur. Elle doit attendre d'être dirigée par l'excellent Clarence Badger pour s'imposer comme une comédienne impertinente et malicieuse (Miss Brewster's Millions, 1926 ; The Campus Flirt, id. ; Hot News, 1928). Réalisant que la Paramount néglige sa carrière, Bebe Daniels se démène seule pour franchir triomphalement le cap du parlant, dans le musical Rio Rita (Luther Reed, 1929). Elle s'acquitte avec intelligence de rôles souvent difficiles : ainsi on peut préférer sa Brigid O'Shaughnessy dans le Faucon maltais (R. del Ruth, 1931) à celle que Mary Astor campera dix ans plus tard. Quand le moment vient, elle aborde avec panache les rôles de complément (la star sur le déclin de 42e Rue, L. Bacon, 1933 ; la secrétaire fidèle de John Barrymore, dans Counsellor at Law, W. Wyler, id.). Mariée à l'acteur et aviateur Ben Lyon, elle le suit en Angleterre et se retire pratiquement de l'écran en 1941 pour devenir avec lui une vedette de la radio britannique.

DANIELS (William H.)

chef opérateur américain (Cleveland, Ohio, 1895 - Los Angeles, Ca., 1970).

Après ses études à l'université de Sud-Californie, il est assistant photographe à la Triangle, puis dirige la photo de films Universal. Il suivra Thalberg à la MGM (1924) qu'il ne quittera qu'en 1943. Avec Ben Reynolds, il a travaillé à quatre œuvres de Stroheim : Folies de femmes (1922), Chevaux de bois (1923), les Rapaces (1925 [ 1923]) et la Veuve joyeuse (1925). Il photographiera presque tous les films américains de Garbo, dont il a gagné la confiance. Capable d'utiliser les gris pour produire une délicatesse romanesque, il répugne aux effets gratuits : luministe, il prend prétexte d'une source visible pour construire l'image. Il sait aussi adapter ses discrètes inventions à toutes les exigences : l'âpreté de Stroheim, le goût complexe de Brown (la Chair et le Diable, 1927 ; Anna Karenine, 1935), la sensualité de Mamoulian (la Reine Christine, 1933) ou l'invention plastique de Borzage (The Mortal Storm, 1940). L'éclat suave d'une opérette (l'Île des amours, R. Z. Leonard, 1940) lui doit autant que les contrastes dramatiques de la Courtisane (Leonard, 1931). Pour Dassin, il éclaire vigoureusement les Démons de la liberté (1947) et la Cité sans voiles (1948), qui lui vaut l'Oscar. Il collabore à deux des films les plus fluides et les plus lumineux d'Anthony Mann (Winchester 73, 1950 ; Je suis un aventurier, 1955). Venu sans hâte à la couleur, il y réussira des images éclatantes (Can-Can, W. Lang, 1960 ; la Plus Belle Fille du monde, Ch. Walters, 1962), intenses (la Chatte sur un toit brûlant, R. Brooks, 1958) ou puissamment expressives (Comme un torrent, V. Minnelli, 1959). Il signe son dernier contrat quelques mois seulement avant sa mort (Move, S. Rosenberg, 1970).

D'ANNA (Claude)

cinéaste français (1945).

Après des études littéraires et un diplôme d'histoire de l'art, il tourne deux courts métrages, puis la Mort trouble (CORÉ Ferid Boughedir, 1970), huis clos paroxystique qui vaut à son auteur des parrainages divers, d'Arrabal à Simone de Beauvoir... Les films qui vont suivre, tous différents d'inspiration et de facture, privilégient pourtant une réflexion sur l'identité, la liberté de l'être, avec de beaux portraits : Pascale Audret (la Pente douce, 1972), Laure Dechasnel et Max von Sydow (Trompe-l'œil, 1975). À ces jeux de miroirs, fantasmatiques et captivants, succède un film ambitieux en forme de polar, l'Ordre et la Sécurité du monde (1978), dont la dérision fut mal comprise. Partenaires (1984) renoue avec la tradition du film d'acteurs : Jean-Pierre Marielle, Michel Duchaussoy, Galabru servent parfaitement une mise en scène et un « ton » très personnels. En 1987, il signe Salomé ( 1985), d'après Oscar Wilde, le Macbeth de Verdi, son premier film d'opéra, en 1990, Équipe de nuit, et en 1995, Daisy et Mona. Homme de culture et de réflexion, D'Anna demeure un des solitaires de la production française.