Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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WEGENER (Paul [Paul Hermann Wegener]

acteur et cinéaste allemand (Arnoldsdorf 1874 - Berlin 1948).

Son nom demeure avant tout lié à trois des films les plus remarquables de la période expressionniste : l'Étudiant de Prague (Stellan Rye, 1913), et les deux versions du Golem, qu'il coréalise avec Henrik Galeen (1913 et 1920). Acteur à vingt-deux ans, formé par Max Reinhardt et familier des artistes qui entourent le Deutsches Theater de Berlin, Wegener paraît avoir compris très tôt les limites de l'expressionnisme — les dangers de la systématisation — et de ce qu'on devait appeler bientôt le « caligarisme ». Son interprétation de l'Étudiant de Prague (dont il a écrit le scénario) s'efforce de rompre avec cette théâtralité exagérée voulue par Reinhardt, adoptée par Werner Krauss ou Emil Jannings. Passé derrière la caméra, il applique ces principes modérateurs : pas de grimaces, pas de gesticulations dont l'écran accentue les effets. Il dénonce la dysharmonie dont souffre le Kammerspiel, due aux boursouflures théâtrales. Son Joueur de flûte, tueur des rats de la légende (1917), rompt d'autre part avec les décors abstraits, fait appel aux extérieurs. La première qualité de ses Golem réside, quant à elle, dans l'heureuse réinvention du ghetto du vieux Prague par le décorateur Poelzig. Le mythe du monstre bourreau de ceux qu'il devait sauver a paru, plus tard, annoncer l'inconcevable. En fait, Wegener avait traduit une angoisse ancrée dans la tradition littéraire juive d'Europe centrale ; il lui avait conféré une réelle puissance suggestive, jouant sur les éclairages, le baroquisme des décors. Surtout, il rendait naturel le passage de la féerie à l'épouvante. Il était d'ailleurs moins tenté par l'abstraction que par l'exploration d'un fantastique biologique ou végétal, champ méconnu d'un possible « lyrisme optique ». Il n'a malheureusement pas donné suite à cette intuition, abandonnée au film scientifique purement objectif. La suite de l'œuvre de Wegener n'a pas confirmé ses éclatants débuts. Il a tourné plus tard quelques commandes pour les nazis, dont le film de Veit Harlan : le Grand Roi (1942), et devint un des acteurs officiels du régime.

Principaux films :

l'Étudiant de Prague (Der Student von Prag, INT et SC, 1913) ; le Golem (Der Golem, CO H. Galeen ; INT, 1914) ; le Joueur de flûte de Hamelin (Der Rattenfänger von Hameln, INT et , 1917 ou 1918) ; Sumurun (E. Lubitsch, INT, 1919) ; Der Golem — Wie er in die Welt kam (CO C. Boese, INT, 1920) ; la Femme du pharaon (Lubitsch, INT, 1921) ; Lucrèce Borgia (Richard Oswald, INT, 1922) ; Monna Vanna (Richard Eichberg, INT, id.) ; Vanina (Arthur von Gerlach, INT, id.) ; les Tisserands (Die Weber, Friedrich Zelnik, INT, 1927) ; la Mandragore (Alraune, Galeen, INT, 1928 et remake sonore en 1930) ; Moskau-Shangai (1936) ; le Grand Roi (Der grosse König, V. Harlan, 1942).

WEIDENMANN (Alfred)

cinéaste allemand (Stuttgart 1916).

D'abord scénariste, il passe à la mise en scène en 1942 avec Hände Hoch !, film de propagande sur la jeunesse. En 1944 sur un thème voisin, il signe Jeunes Aigles (Junge Adler). Avec la chute du nazisme, il se consacre quelque temps au court métrage documentaire, et réalise notamment Der Weg in die Freiheit (1952), une de ses œuvres les plus intéressantes. Il tourne ensuite : l'Amiral Canaris (Canaris, 1954), film d'espionnage de qualité, une adaptation des Buddenbrooks (1959), ainsi que Maigret fait mouche (Maigret und sein grösster Fall, 1966). Il a également dirigé un certain nombre de titres commerciaux de bonne facture, sans grand intérêt esthétique, dont Kitty (Kitty und die grosse Welt, 1956) ; Adorable Julia (Julia du bist zauberhaft, 1962), Das grosse Liebespiel (1963) et Belles d'un soir (Das Liebeskarusell, 1965).

WEILL (Kurt)

musicien allemand (Dessau 1900 - New York, N. Y., 1950).

Sa musique violente et au bord de la discordance, mêlée de nuances jazzées, personnifie admirablement le Berlin de l'entre-deux-guerres et fut souvent imitée. Peu de ses « songs » restent dans la version cinématographique de l'Opéra de quat'sous (G. W. Pabst, 1931). Il compose pour Casier judiciaire (F. Lang, 1938) une partition dans le même style : c'est sa seule collaboration directe avec le cinéma, mais elle n'eut pas de succès. Aux États-Unis, il devient un musicien de Broadway, qui ne séduit pas le cinéma : sa partition pour Un caprice de Vénus (W. A. Seiter, 1948) fut reléguée à l'arrière-plan et My Ship, une de ses plus jolies chansons, coupée de l'adaptation cinématographique des Nuits ensorcelées (M. Leisen, 1945), son musical « broadwayen » le plus audacieux et le plus original.

WEINBERG (Hermann G.)

critique et cinéaste expérimental américain (New York, N. Y., 1908 - id. 1983).

Après des études de violon, il écrit des arrangements musicaux et des sous-titres pour les films muets étrangers. En 1929, tout en commençant des essais sur le cinéma, il réalise, à la manière de l'avant-garde européenne, une City Symphony sur New York. Fait « pour une jeune fille, afin de la conquérir » et inspiré par Brumes d'automne de Kirsanoff, son Autumn Fire (1930-31) est un « poème filmique » délicat et mélancolique. Collaborateur de Sight and Sound, des Cahiers du cinéma ou de Film Culture, il publie des livres sur Stroheim, Sternberg, Lubitsch et réunit, en 1970, ses principaux articles dans Saint Cinema.

WEIR (Peter)

cinéaste australien (Sydney, 1944).

Après plusieurs courts et moyens métrages, il tourne en 1974 les Voitures qui ont mangé Paris, film qui aborde avec originalité le domaine du fantastique. L'année suivante, Pique-nique à Hanging Rock permet au « nouveau » cinéma australien de conquérir les marchés extérieurs et impose Peter Weir comme l'un des leaders d'une génération qui est bien décidée à donner à l'Australie une place de choix parmi les grandes nations cinématographiques. La Dernière Vague (1977) flatte son goût de l'énigmatique, du magique, de l'ambiguïté. Gallipoli (1981), qui évoque à travers les destins de deux jeunes garçons, réunis par les hasards de la guerre et l'amour du sport, l'histoire d'une défaite héroïque (celle des volontaires australiens forcés de débarquer en 1915 au pied d'une imprenable falaise turque), remporte un vif succès public tout comme l'Année de tous les dangers (1982).