Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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TASAKA (Tomotaka ou Tomokazu)

cinéaste japonais (Hiroshima 1902 - Tokyo 1974).

Après avoir exercé divers métiers, il entre aux studios Nikkatsu de Kyoto en 1922 comme assistant réalisateur, et tourne ses premiers films en 1926, dont plusieurs mélodrames édifiants comme ‘ le Quartier de l'amour ’ (Ai no machi, 1928). C'est pendant la guerre sino-japonaise qu'il réalise, entre autres, deux films semi-documentaires, qui décrivent avec une apparente objectivité la vie quotidienne des soldats japonais en Chine : ‘ les Cinq de la patrouille ’ (Gonin no sekkôhei, 1938) et ‘ Terre et Soldats ’ (Tsuchi to heitai, 1939). Il continue de tourner des films de « propagande », parfois insolites (Bakuon/‘ le Grondement de l'avion ’, id.), jusqu'à la défaite, puis revient au mélodrame bien construit, filmé avec une grande conscience artisanale : ‘ l'Enfant de la servante ’ (Jochukko, 1955), suivi de ‘ la Voiture d'enfant ’ (Ubaguruma, 1956, avec Sachiko Hidari) et, plus tard, ‘ Pavillon dans le brouillard ’ (Gobancho Yugiriro, 1963) ou ‘ Koto, le lac des larmes ’ (Umi no koto, 1966), pour la Toei.

TASHLIN (Frank)

cinéaste et scénariste américain (Weehawken, N. J., 1913 - Los Angeles, Ca., 1972).

Il dessine pour Paul Terry à dix-sept ans, devient gagman pour Hal Roach en 1933, crée une bande dessinée qui paraîtra durant quatre ans et passe dans les studios d'animation de Van Beuren (1933-34) et Ub Iwerks (1937). De 1936 à 1938, il réalise des dessins animés dans les studios Warner et contribue à l'élaboration de Porky Pig. Après un emploi de scénariste aux studios Disney, il réorganise brillamment la production aux studios Screen Gems de Columbia (1941-42) avant de travailler en tant que cinéaste chez Warner de 1943 à 1945. Il abandonne alors une prometteuse carrière dans l'animation pour se consacrer à des scénarios de comédie où son expérience de gagman fait merveille : Hollywood en folie (G. Marshall, 1947), Visage pâle (N. Z. McLeod, 1948), The Fuller Brush Man (S. Sylvan Simon, id.), la Pêche au trésor (D. Miller, 1950). Il passe à la réalisation avec le Môme Boule-de-gomme (The Lemon Drop Kid, 1951), coréalisé avec Sidney Lanfield qui signe seul, que suit le Fils de Visage pâle (Son of Paleface, 1952), le dernier de trois films écrits pour Bob Hope. Après Épousez-moi encore (Marry Me Again, 1953) et Suzanne découche (Susan Slept Here, 1954), il dirige pour la première fois, dans Artistes et Modèles (Artists and Models, 1955), le comédien Jerry Lewis en qui il trouve d'abord l'interprète idéal de son comique très visuel et à la limite de l'absurde. (Bientôt, le disciple doué dépassera son maître!) Il le dirige encore dans Un vrai cinglé de cinéma (Hollywood or Bust, 1956), Trois Bébés sur les bras (Rock-a-Bye Baby, 1958), le Kid en kimono (The Geisha Boy, id.), Cendrillon aux grands pieds (Cinderfella, 1960), l'Increvable Jerry (It's Only Money, 1962), Un chef de rayon explosif (Who's Minding the Store ?, 1963) et Jerry chez les cinoques (The Disorderly Orderly, 1964). Mais on lui doit aussi The First Time (1952), Chéri ne fais pas le zouave (The Lieutenant Wore Skirts, 1956), la Blonde et moi (The Girl Can't Help It, id.), la Blonde explosive (Will Success Spoil Rock Hunter ?, 1957), L'habit ne fait pas le moine (Say One for Me, 1959), Appartement pour homme seul (Bachelor Flat, 1962), les Pieds dans le plat (The Man From the Diners ' Club, 1963), ABC contre Hercule Poirot (The Alphabet Murders, GB, 1966), La blonde défie le FBI (The Glass Bottom Boat, id.), Opération Caprice (Caprice, 1967) ou la Marine en folie (The Private Navy of Sgt O'Farrel, 1968). ▲

TATI (Jacques Tatischeff, dit)

acteur et cinéaste français (Le Pecq 1907 - Paris 1982).

Ses ascendances sont plurielles : russes, hollandaises, italiennes, françaises. Il prépare l'École des arts et métiers, puis se fait encadreur d'art comme son père. Le sport — rugby, tennis, boxe, équitation — devient son occupation essentielle. En amateur d'abord (1931), en professionnel ensuite (1933), il interprète des numéros comiques de mime. La caserne et le stade lui ont inspiré « quelque chose qui participe de la danse, du sport, de la satire et du tableau vivant » (Colette). Dès 1932, il tente de porter ces numéros au cinéma. Il n'achève pas Oscar, champion de tennis, son premier essai. Pour ses courts métrages suivants, il s'en tiendra aux fonctions de scénariste et de comédien. La guerre passée, Tati retourne au music-hall. Au cinéma, il décroche quelques petits rôles (Sylvie et le fantôme, C. Autant-Lara, 1946 ; le Diable au corps, id., 1947). La même année, il remplace René Clément, malade, et dirige l'École des facteurs, son dernier court métrage. Ce sera le brouillon de Jour de fête (1949). La nouveauté de cette œuvre inquiète les distributeurs qui la refusent. Il faut le succès d'une projection privée dans une salle de Neuilly pour les convaincre. Tati triomphe, comme cinéaste et comme acteur, auprès du public comme de la critique. Jour de fête a été tourné à la fois en noir et blanc et en couleurs, au moyen d'un procédé qui s'est révélé impropre à un tirage de copies d'exploitation. Ce matériel, devenu disponible en 1987, a été traité par François Ede et Sophie Tatischeff — la fille de Jacques Tati —, qui ont ainsi permis la distribution en 1995 d'un Jour de fête en couleurs (qui avait donné lieu à un travail spécifique du cinéaste — à ne pas confondre, donc, avec la version coloriée au pochoir des années 60). Contre le désir des producteurs, il rejette le projet de donner une suite à son film. Il a choisi d'être rigoureux : auteur et « artisan ». Il approfondit sa démarche. Il transpose le singulier réalisme comique de sa chronique villageoise dans une station estivale. Il tourne, dans les conditions précaires qui sont le lot des indépendants, les Vacances de M. Hulot. C'est un nouveau triomphe. Sa carrière désormais semble assurée. Hollywood même lui fait des offres. Dès Mon oncle (1958), pourtant récompensé par un Oscar, le malentendu s'installe. Il va s'aggraver à mesure que Tati raffinera l'originalité de son art (et, parallèlement, plus ses films coûteront cher moins ils auront de succès). Par quoi se définit cette originalité si périlleuse ? Par une écriture et par une conception très hardies du gag où le plan d'ensemble est dominant (il unit plusieurs gags simultanés et les relie à l'environnement). Le plan-séquence exalte, dans les gestes, les objets, les instants, le poids de leur durée vivante ; la bande-son retire à la parole sa dimension signifiante, édifie en langage les sons et les bruits, désobéissant le plus souvent aux impératifs du volume et de la distance. Son comique est neuf, ses gags conservent les mécanismes du burlesque, mais ils en rejettent le contenu irrationnel. Ils sont non seulement réalistes, mais concrètement vérifiables : « Je veux que le gag ait le plus possible de vérité. » C'est le monde, la vie, la société qui les proposent à qui sait voir. Chacun peut faire rire à un moment ou à un autre ; c'est affaire de conjonction entre son désordre (ou son ordre) et l'ordre (ou le désordre) du monde. « Le gag qui nous environne » dit Tati. De là le statut d'antihéros burlesque fait à Hulot et le rôle de moins en moins protagoniste que lui réserve son créateur. Les héros burlesques font des excentricités, des prouesses, obligent le milieu soit à les servir soit à les libérer. Hulot laisse le milieu faire les siennes, attend qu'il se dénonce en quelque sorte. Il se borne à l'y aider, au prix s'il le faut d'une petite excentricité personnelle ou d'un classique moment de distraction. Mais le distrait classique, ou burlesque, oublie le monde, se désadapte. Hulot ne l'oublie pas, il le prend au mot, le force à se livrer. Il y a ainsi chez Tati (dans Playtime notamment) des gags qu'on ne remarque pas, qu'on « perd », tant ils sont discrets. (Un chien regarde essuyer une voiture. C'est tout, mais c'est que le chiffon ressemble à une peau de chien.) Comique qu'on n'épuise pas à le dire d'observation puisque ses pièges — comme en laboratoire — sont prémédités. Le cinéma de Hulot n'est sûrement pas le comique nostalgique, réactionnaire, que d'aucuns ont dit. Tati prend le parti de rire et faire rire du monde tel qu'il est, il en eût fait autant jadis avec le monde tel qu'il était. Mais ce qui, de Jour de fête et des Vacances à Trafic, s'est perdu, c'est incontestablement la poésie, un tranquille bonheur de vivre qui faisait confiance au désir.