Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
G

GREY (Denise)

actrice française (Turin, Italie, 1896 - Paris 1996).

Effervescente, volubile, fantasque et fofolle, elle brûle les planches et crève l'écran. Boulevardière dans le meilleur sens du mot et en dépit de deux incursions à la Comédie-Française, elle tourne sans arrêt de 1938 à nos jours des rôles taillés pour elle sur un patron immuable. Seul Autant-Lara lui réserve un contre-emploi dans le Diable au corps (1947). Parmi une poussière de titres, elle est particulièrement succulente dans Boléro (J. Boyer, 1942), Romance à trois (Roger Richebé, id.), Adieu Léonard (P. Prévert, 1943), le Couple idéal (Bernard-Roland, 1946), Dortoir des grandes (H. Decoin, 1953), la Boum (C. Pinoteau, 1980).

GRGÍC (Zlatko)

cinéaste yougoslave (Zagreb 1931).

Après des études de journalisme et de droit, il se tourne en 1951 vers le cinéma d'animation et travaille comme dessinateur sur des films de Nikola Kostelac (Opening Night, 1957), Dušan Vukotić (la Grande Peur, 1958), Ivo Vrbanić et Vlado Kristl (la Peau de chagrin, 1960). Puis il conçoit et dirige ses propres films : la série des Inspecteur Mask (1962 ; 9 films) ; Voyage dans l'espace (Posjet iz svezira, 1964) ; le Travail du diable (Djavolja posla, 1965) ; le Cochon musical (Muzikalno prase, id.) ; le Petit et le Grand (Mali i veliki, 1966), l'Inventeur des chaussures (Izumitelj cipela, 1967), qui servira de pilote à la série (11 films) des Professeur Balthazar (1969) ; la Gale (Svrab, 1970) ; la Porte (Vrata, 1972) ; Trio (1975) ; Dream Doll (avec P. Godfrey, 1979). Son graphisme est dynamique et synthétique ; sans trop s'écarter du réalisme, ses gags sont à la fois délirants et poétiques. Très prolifique, le Chuck Jones de l'école de Zagreb écrit aussi des scénarios pour d'autres confrères.

GRIECO (Sergio)

cinéaste italien (Codevigo, Padoue, 1917 - Rome 1982).

Il débute comme assistant en 1940 dans Le sorprese del vagone letto (G. P. Rosmino). En 1952, il signe son premier film : Il sentiero dell'odio, un drame populaire. Il dirige ensuite (souvent sous le pseudonyme de Terence Hathaway) 35 films de tous les genres en vogue, de la comédie (Primo premio Mariarosa, 1953), aux aventures de cape et d'épée (Lo spadaccino misterioso, 1956), en passant par les péplums (l'Esclave de Rome [La schiava di Roma], 1961), les films d'espionnage (Agente 077 Missione Bloody Mary, 1965), les westerns (Tutti fratelli nel West... per parte di padre, 1972) et les policiers violents (La belva col mitra, 1977).

GRIER (Pam)

actrice américaine (Winston-Salem, N.Y., 1949).

Grande vedette de films d'action pour la communauté noire, Pam Grier a été l'une des figures cinématographiques les plus populaires des années 70, notamment en créant des personnages sculpturaux et redoutables dont le plus célèbre est celui de Foxy Brown. Les années 80 la relèguent à des emplois subalternes, mais elle refait surface avec éclat, en femme mûre et émouvante, dans Mars Attacks ! (T. Burton, 1996), Holy Smoke (J. Campion, 1999) et surtout Jackie Brown (Q. Tarentino, 1998), film quasiment tout à sa gloire.

GRIERSON (John)

producteur et cinéaste britannique (Deanston, Écosse, 1898 - Bath 1972).

Né dans une famille d'instituteurs presbytériens et socialisants, Grierson, après avoir fait la guerre dans la Navy, gagne les États-Unis en 1925, avec une bourse de la Fondation Rockefeller. Il va y étudier presse, radio et cinéma durant deux années. Il rédige de nombreux articles critiques, et c'est à propos du Moana de Flaherty qu'il lance le mot de « documentaire », en 1926. À son retour en Grande-Bretagne, Grierson obtient de Stephen Tallents, alors directeur de l'Empire Marketing Board (ministère du Commerce extérieur de l'empire), la création d'un service cinématographique pour la propagande des produits britanniques : en 1929, Grierson tourne Drifters, documentaire sur la pêche aux harengs en mer du Nord. Dans un cinéma britannique anémié et coupé des réalités sociales, ce film a un retentissement considérable. Grâce à ce succès, l'EMB-Film Unit (et plus tard le GPO-Film Unit, quand Tallents sera nommé directeur au ministère des Postes) se développe et devient l'un des lieux les plus créatifs du cinéma britannique des années 30. Désormais, Grierson se consacre entièrement à des tâches de production. Il fait appel à des réalisateurs confirmés : l'Américain Robert Flaherty (qui tourne Industrial Britain en 1933 pour l'EMB/FU ; puis, présenté à Balcon par Grierson, il signera l'Homme d'Aran) et, surtout, le Franco-Brésilien Alberto Cavalcanti. Grierson et Cavalcanti vont former de jeunes cinéastes : Edgar Anstey, Arthur Elton, Stuart Legg, Harry Watt, Paul Rotha, Basil Wright. Parmi les films les plus importants de cette période, citons : Coal Face (A. Cavalcanti, 1935), sur les mines de charbon ; Night Mail (H. Watt et B. Wright, 1936), sur le train postal de nuit Londres-Glasgow, avec un médiocre poème de W. H. Auden et une musique de Benjamin Britten. Cette école documentaire déborde vite les productions initiales de l'EMB-FU et du GPO-FU par la création de services cinématographiques dans de grandes sociétés industrielles et commerciales : Compagnie du gaz, Shell, BP, etc. Ainsi, dans les années 1934-35, Wright tourne-t-il Song of Ceylon pour faire la propagande du thé, et Anstey et Elton Housing problems, pour la Compagnie du gaz. Si le documentaire reste le genre le plus sollicité, on trouve aussi des films de fiction ou des films d'animation et de recherche visuelle et sonore (tels ceux de Len Lye, le « maître » de Norman McLaren). À la suite d'un voyage d'étude en 1938-39, Grierson établit pour le gouvernement canadien un rapport qui aboutira à la création de l'Office national du film du Canada (ONF), dont Grierson sera le premier directeur. Durant la Seconde Guerre mondiale, tandis que son exemple se poursuit en Grande-Bretagne avec le Crown Film Unit (dont le cinéaste le plus marquant est Humphrey Jennings), Grierson lance au Canada des séries de films et de magazines (World in Action, par exemple) au service de la propagande antinazie. L'un de ces films, Churchill's Island, recevra un Oscar en 1942. En 1945, Grierson quitte l'ONF. On le retrouve en 1947, dirigeant, à l'appel de Julian Huxley, le Service des communications de masse de l'Unesco. En 1950, de retour en Grande-Bretagne, il fonde Group 3, une société de production subventionnée, présidée par Michael Balcon, et dont la vocation est de tourner des films de fiction à base réaliste : The Brave Don't Cry (Ph. Leacock, 1952), sur un accident dans une mine de charbon, résume ce projet. Cette tentative se heurte à l'hostilité des distributeurs et tourne court en 1955. En 1957, Grierson lance la série This Wonderful World pour la télévision écossaise. En 1959, il produit et collabore à un court métrage de Hilary Harris, Seawards the Great Ships, qui recevra un Oscar en 1962. Nommé Commander of the British Empire en 1961, Grierson continuera, jusqu'à la fin de ses jours, à voyager, à donner des conférences et à intervenir comme expert audiovisuel : aux États-Unis, au Canada, aux Indes. Organisateur infatigable, redoutable polémiste, caractère indépendant, Grierson a lutté toute sa vie pour un « cinéma du réel », par opposition au cinéma de « l'usine à rêves ». Il a bataillé aussi bien contre les puissances d'argent que contre les abus de pouvoir politiques. Son influence directe et indirecte sur le monde anglo-saxon est considérable : on la retrouve dans une conception sociale du cinéma qui passe par le Free Cinema des années 50, le cinéma-vérité nord-américain, et jusqu'aux films réalistes des années 70, ceux d'un Kenneth Loach, par exemple.