Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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FIELDS (William Claude Dukinfield, dit W. C.) (suite)

C'est la première partie de sa carrière, la période réaliste, fondée sur l'observation minutieuse et furibarde d'un milieu rural ou suburbain au carrefour de O'Henry, Booth Tarkington et Ambrose Bierce, sur l'humour libertaire du petit homme opprimé par le quotidien et qui médite une éclatante revanche. Elle s'oppose à la période surréaliste qui suivra et comporte d'absolues merveilles comme Une riche affaire (1934), où il donne sa version définitive de la sieste épique de l'épicier Bissonette sur son porche semé d'embûches, et les Joies de la famille (1935), dont les scènes de ménage atteignent à une splendeur digne de Huysmans. Cette période s'appuie sur des variantes classiques du personnage de McGargle : on les trouve dans la Parade du rire (1934), Mississippi (1935), Poppy (1936) et même David Copperfield, où il ramène à lui le rôle de Micawber.

Enfin, c'est le triomphe de l'ère absurde, où l'oncle Claude, auteur complet, vénéré pour sa sereine incongruité, s'écrit des scénarios fort improbables sous des noms d'emprunt tels que Charles Bogle, Otis Crible Coblis ou Mahatma Kane Jeeves. Des extravagances musicales comme Big Broadcast of 1938 (course de paquebots que se disputent deux jumeaux excentriques) culminent à la Universal avec ces parfaites aberrations narratives que sont Sans peur et sans reproches (1939), où Fields dirige abusivement un cirque, Mines de rien (1940), où un employé de banque dirige un film au pied levé, et surtout Passez muscade (1941). Autres moments privilégiés, il forme avec l'agressive Mae West l'un des couples les plus destructeurs du cinéma dans Mon petit poussin chéri (1940) et incarne Humpty Dumpty dans l' Alice au pays des merveilles de Norman McLeod.

Génie du monologue nasal, des fioritures verbales excessives et autres incongruités anachroniques, il se complaît à des effets sonores insultants, à des chansons indéchiffrables, il s'exprime en aphorismes foudroyants : « Lady Godiva a mis tout ce qu'elle avait sur un cheval. Les femmes me font autant d'effet qu'un éléphant : j'aime à les regarder, mais je n'en voudrais pas à la maison. » Mort la nuit de Noël, qu'il détestait particulièrement, dans un berceau géant où il agonisait depuis des semaines, il laisse le souvenir d'un révolté surréel, d'un pamphlétaire subversif et d'un cynique impénitent, dont les trouvailles reflétaient l'imaginaire poétique le plus pur. Il est le Benjamin Péret du cinéma.

Films  :

Pool Sharks (1915) ; Janice Meredith (E. Mason Hopper, 1924) ; Sally, fille de cirque (D. W. Griffith, 1925) ; Détresse (id., 1926) ; It's the Old Army Game (E. Sutherland, id.) ; Aïe ! mes aïeux ! (G. La Cava, id.) ; The Potters (Fred Newmeyer, 1927) ; Running Wild (G. La Cava, id.) ; Tillie's Punctured Romance (Sutherland, 1928) ; Fools for Luck (Charles Reisner, id.) ; The Golf Specialist (Monte Brice, 1930 ; CM) ; Her Majesty Love (W. Dieterle, 1931) ; The Dentist (Leslie Pierce, 1932 ; CM) ; If I Had a Million (Norman Taurog, id.) ; Million Dollar Legs (E. Cline, id.) ; International House (Sutherland, 1933) ; The Barber Shop (Arthur Ripley, id. ; CM) ; The Fatal Glass of Beer (Ripley, id.) ; The Pharmacist (Ripley, id. ; CM) ; Alice au pays des merveilles (N. Z. McLeod, id.) ; Tillie and Gus (Francis Martin, id.) ; Six of a Kind (L. McCarey, 1934) ; You're Telling Me (Erle Kenton, id.) ; Mrs Wiggs of the Cabbage Patch (N. Taurog, id.) ; Une riche affaire (It's a Gift, McLeod, id.) ; la Parade du rire (W. Beaudine, id.) ; les Joies de la famille (C. Bruckman, 1935) ; David Copperfield (G. Cukor, id.) ; Mississippi (Sutherland, id.) ; Poppy (Sutherland, 1936) ; The Big Broadcast of 1938 (M. Leisen, 1938) ; Sans peur et sans reproches (G. Marshall, 1939) ; Mines de rien (Cline, 1940) ; Mon petit poussin chéri (Cline, id.) ; Passez muscade (Cline, 1941) ; Six Destins (J. Duvivier, 1942) ; Hollywood parade (Follow the Boys, Sutherland, 1944 ; caméo) ; Hollywood Melody (Song of the Open Road [Sylvan Simon], id. ; caméo) ; Swing Circus (Sensations of 1945, Andrew L. Stone, id. ; caméo).

FIENNES (Ralph Nathaniel Fiennes, dit Ralph)

acteur britannique (Suffolk, 1962).

De formation classique (Royal Shakespeare Company), il débute en 1993 sur un coup d'éclat : visage cireux, regard imprégné de démence, il est le commandant nazi de la Liste de Schindler (S. Spielberg). Très vite, il prouve l'étendue très vaste de son talent. Il est remarquable en concurrent retors de jeu télévisé dans Quiz Show (R. Redford, 1994), en héros de film d'action futuriste dans Strange Days (K. Bigelow, 1995) ou en jeune premier romantique dans le Patient anglais (A. Minghella, 1996). Certes, la froideur qui émane de lui limite quelque peu son emploi, mais le sert admirablement dans les rôles complexes et contradictoires où il excelle (la Fin d'une liaison, N. Jordan, 1999). C'est le frère de l'acteur Joseph Fiennes (Shakespeare in Love, id., John Madden, 1998) et de la réalisatrice Martha Fiennes, qui l'a d'ailleurs dirigé dans un bon film romanesque, Oneguine (1999).

FIGUEROA (Gabriel)

chef opérateur mexicain (Mexico 1908 – id. 1997).

Technicien à la formation solide, sa contribution est remarquée dès Allá en el Rancho Grande (F. de Fuentes, 1936). Mais sa réputation est liée au nom du réalisateur Emilio Fernández, avec qui il forme un véritable tandem, à partir de Flor Silvestre (1943). Ensemble, ils développent, jusqu'au maniérisme, une composition à la plasticité rigoureuse, où les personnages sont vite figés. Une femme en voiles, un maguey et un nuage forment la sainte trinité de son idéal esthétique, où la beauté de chaque plan pris isolément prime sur toute vue d'ensemble et compromet d'avance un quelconque rythme imprimé au montage. Cette géographie physique et humaine idéalisée s'inspire des images filmées par Eisenstein pour Que viva México ! Elle passe pour du réalisme auprès d'une critique étrangère avide de folklore, alors qu'elle en est aux antipodes et relève d'un populisme alors en faveur au Mexique. C'est dans ce pays, où se situe l'action du roman, que John Ford tourne l'adaptation de la Puissance et la Gloire de Graham Greene, et Figueroa en signe la photographie (Dieu est mort, 1947). Seul, ensuite, Luis Buñuel réussit à restreindre le goût de Figueroa pour l'artifice (Los olvidados, 1950 ; Nazarin, 1958 ; l'Ange exterminateur, 1962). Il collabore encore à des films de Roberto Gavaldón (La escondida, 1955), Ismael Rodŕıguez (La cucaracha, 1958), John Huston (la Nuit de l'iguane, 1964 ; Au-dessous du volcan, 1984) et Don Siegel (Sierra torride, 1970), entre autres (car sa filmographie dépasse la centaine de titres).