FIELDS (William Claude Dukinfield, dit W. C.) (suite)
C'est la première partie de sa carrière, la période réaliste, fondée sur l'observation minutieuse et furibarde d'un milieu rural ou suburbain au carrefour de O'Henry, Booth Tarkington et Ambrose Bierce, sur l'humour libertaire du petit homme opprimé par le quotidien et qui médite une éclatante revanche. Elle s'oppose à la période surréaliste qui suivra et comporte d'absolues merveilles comme Une riche affaire (1934), où il donne sa version définitive de la sieste épique de l'épicier Bissonette sur son porche semé d'embûches, et les Joies de la famille (1935), dont les scènes de ménage atteignent à une splendeur digne de Huysmans. Cette période s'appuie sur des variantes classiques du personnage de McGargle : on les trouve dans la Parade du rire (1934), Mississippi (1935), Poppy (1936) et même David Copperfield, où il ramène à lui le rôle de Micawber.
Enfin, c'est le triomphe de l'ère absurde, où l'oncle Claude, auteur complet, vénéré pour sa sereine incongruité, s'écrit des scénarios fort improbables sous des noms d'emprunt tels que Charles Bogle, Otis Crible Coblis ou Mahatma Kane Jeeves. Des extravagances musicales comme Big Broadcast of 1938 (course de paquebots que se disputent deux jumeaux excentriques) culminent à la Universal avec ces parfaites aberrations narratives que sont Sans peur et sans reproches (1939), où Fields dirige abusivement un cirque, Mines de rien (1940), où un employé de banque dirige un film au pied levé, et surtout Passez muscade (1941). Autres moments privilégiés, il forme avec l'agressive Mae West l'un des couples les plus destructeurs du cinéma dans Mon petit poussin chéri (1940) et incarne Humpty Dumpty dans l' Alice au pays des merveilles de Norman McLeod.
Génie du monologue nasal, des fioritures verbales excessives et autres incongruités anachroniques, il se complaît à des effets sonores insultants, à des chansons indéchiffrables, il s'exprime en aphorismes foudroyants : « Lady Godiva a mis tout ce qu'elle avait sur un cheval. Les femmes me font autant d'effet qu'un éléphant : j'aime à les regarder, mais je n'en voudrais pas à la maison. » Mort la nuit de Noël, qu'il détestait particulièrement, dans un berceau géant où il agonisait depuis des semaines, il laisse le souvenir d'un révolté surréel, d'un pamphlétaire subversif et d'un cynique impénitent, dont les trouvailles reflétaient l'imaginaire poétique le plus pur. Il est le Benjamin Péret du cinéma.
Films :
Pool Sharks (1915) ; Janice Meredith (E. Mason Hopper, 1924) ; Sally, fille de cirque (D. W. Griffith, 1925) ; Détresse (id., 1926) ; It's the Old Army Game (E. Sutherland, id.) ; Aïe ! mes aïeux ! (G. La Cava, id.) ; The Potters (Fred Newmeyer, 1927) ; Running Wild (G. La Cava, id.) ; Tillie's Punctured Romance (Sutherland, 1928) ; Fools for Luck (Charles Reisner, id.) ; The Golf Specialist (Monte Brice, 1930 ; CM) ; Her Majesty Love (W. Dieterle, 1931) ; The Dentist (Leslie Pierce, 1932 ; CM) ; If I Had a Million (Norman Taurog, id.) ; Million Dollar Legs (E. Cline, id.) ; International House (Sutherland, 1933) ; The Barber Shop (Arthur Ripley, id. ; CM) ; The Fatal Glass of Beer (Ripley, id.) ; The Pharmacist (Ripley, id. ; CM) ; Alice au pays des merveilles (N. Z. McLeod, id.) ; Tillie and Gus (Francis Martin, id.) ; Six of a Kind (L. McCarey, 1934) ; You're Telling Me (Erle Kenton, id.) ; Mrs Wiggs of the Cabbage Patch (N. Taurog, id.) ; Une riche affaire (It's a Gift, McLeod, id.) ; la Parade du rire (W. Beaudine, id.) ; les Joies de la famille (C. Bruckman, 1935) ; David Copperfield (G. Cukor, id.) ; Mississippi (Sutherland, id.) ; Poppy (Sutherland, 1936) ; The Big Broadcast of 1938 (M. Leisen, 1938) ; Sans peur et sans reproches (G. Marshall, 1939) ; Mines de rien (Cline, 1940) ; Mon petit poussin chéri (Cline, id.) ; Passez muscade (Cline, 1941) ; Six Destins (J. Duvivier, 1942) ; Hollywood parade (Follow the Boys, Sutherland, 1944 ; caméo) ; Hollywood Melody (Song of the Open Road [Sylvan Simon], id. ; caméo) ; Swing Circus (Sensations of 1945, Andrew L. Stone, id. ; caméo).