Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
B

BROWN (Joseph Even Brown, dit Joe E.)

acteur américain (Holgate, Ohio, 1892 - Los Angeles, Ca., 1973).

Il connaît la gloire au début du parlant : On With the Show (A. Crosland, 1929), Top Speed (M. Le Roy, 1930) dans des rôles burlesques conformes à son étonnant visage, sourire immense et yeux plissés. On le voit incarner des quidams dont les circonstances exigent des performances, souvent sportives, hors du commun. Il revient à l'écran dans Show Boat (G. Sidney, 1951) et surtout Certains l'aiment chaud (B. Wilder, 1959), avec assez de fantaisie pour effacer ses films médiocres des années 35-40.

BROWN (Karl)

chef opérateur américain (Mackeesport, Pa., 1896 - Woodland Hills, Ca., 1990).

Il participe aux films de David W. Griffith Naissance d'une nation (1915) et Intolérance (1916) et devient un chef opérateur réputé de la période muette : la Caravane vers l'Ouest (1923) et The Pony Express (1925) de James Cruze. Il réalise lui-même quelques films dont The White Legion (1936) et The Port of Missing Girl (1938).

BROWN (Nacio Herb)

musicien américain (Deming, N. Mex., 1896 - San Francisco, Ca., 1964).

Il reste célèbre pour son association avec Arthur Freed et pour les chansons qu'ils composèrent. On lui doit notamment Singin'in the rain, plusieurs fois utilisée à l'écran depuis sa première apparition dans The Hollywood Revue of 1929 (Charles F. Reisner, 1929). Il a collaboré à Chanson païenne (W.S. Van Dyke, 1929), Une nuit à l'opéra (S. Wood, 1935, pour lequel il composa la chanson Alone), San Francisco (W. S. Van Dyke, 1936), Place au rythme (B. Berkeley, 1939), Chanson païenne (R. Alton, 1950 ; remake du film de Van Dyke) et évidemment Chantons sous la pluie (S. Donen et G. Kelly, 1952).

BROWNING (Tod)

cinéaste américain (Louisville, Ky., 1882 - Santa Monica, Ca., 1962).

Le jeune Tod Browning s'enfuit de chez ses parents pour gagner sa vie dans les baraques foraines et les cirques. Acteur de théâtre, puis de cinéma, il devient enfin assistant de D. W. Griffith et aborde le court métrage comme réalisateur. Il passe au long métrage en 1917, en coréalisant avec Wilfred Lucas Jim Bludso. Dès 1919, dans Fleur sans tache, il rencontre un acteur dont l'univers prolonge et recoupe le sien : Lon Chaney ; ils tourneront dix films ensemble. Les mélodrames qu'il a réalisés jusqu'en 1924, dans l'état actuel de nos connaissances, ne semblent être qu'un apprentissage, avant que la bizarrerie de son monde ne s'affirme avec éclat dans le Club des Trois (1925). Ce film criminel, qui se déroule dans les milieux, chers à Browning, des baraques foraines, frappe par son étrangeté et par l'extravagance des caractères et des situations. Pendant longtemps, on a réduit Browning à la saisissante Monstrueuse Parade (Freaks, 1932), célèbre pour ses démêlés avec la censure des studios. Certes, il y a de quoi être surpris de ce que ce cinéaste, touché par la grâce de l'étrange, nous donne à voir. Mais Freaks n'est peut-être que l'aboutissement d'une œuvre cohérente et parfaitement développée, dont le corpus essentiel est constitué par les dix films interprétés par Lon Chaney. Il n'a cessé d'ironiser sur la relativité de la morale, de la normalité ou du bon sens. Dans cet univers de faux-semblants et de chausse-trapes, même la difformité physique peut n'être qu'une apparence. Dans l'Oiseau noir, le méchant est sain de corps, alors que le gentil est difforme : mais la fin nous révèle qu'ils ne font qu'un, et une balle perdue créera une réelle infirmité là où il n'y avait qu'une supercherie... On retrouve ce chaos moral dans l'Inconnu ou dans la Route de Mandalay. Ce contenu perpétuellement mystificateur, et volontairement mis en abyme, contraste avec une direction discrète et sobre. Ses beautés sont sourdes et mystérieuses, surgissant au détour d'un plan, soit en un contraste fulgurant (le squelette pivotant qui révèle le visage angélique de Mary Nolan, dans le Talion), soit en un détail épinglé avec force (Lon Chaney se trahissant à la fin du Club des Trois), soit encore dans une atmosphère justement cernée (le music-hall de l'Oiseau noir). Chez Browning, c'est l'économie des moyens face à l'ampleur des résultats obtenus qui intrigue. Quelques trognes en gros plan suffisent à placer l'Oiseau noir sous le signe de Dickens. Une baraque dans une jungle de studio paraît tout à coup moite et irrespirable (À l'Ouest de Zanzibar, Loin vers l'Est). Une perspective factice de toits nocturnes crée tout à coup un décalage poétique inattendu (la Morsure). Quelques murs nus suffisent à prendre un personnage au piège du destin (l'Inconnu). Lon Chaney était pour Browning un instrument de rêve, préservant à la fois le pathétique, la bouffonnerie et le secret de son univers. Même si on ne s'en est pas aperçu immédiatement, à cause du succès du trop sage Dracula (1931), le parlant a sonné le glas de ce cinéaste unique. The Iron Man est un film de boxe assez conventionnel. La splendeur de la photo de James Wong Howe pour la Marque du vampire ne peut masquer que le climat des films de Browning est désormais réduit à une pure rhétorique. Il lui faudra une distribution assez anonyme mais fantastique pour qu'il retrouve, intact, le dynamisme de son inspiration (Freaks). Reste surtout les Poupées du diable, en 1936, réussite difficile du mélodrame fantastico-féerique, dont on a minimisé l'importance par rapport à Freaks : Browning y affrontait des acteurs à sa (dé)mesure. Lionel Barrymore, presque aussi troublant que Lon Chaney, sous son déguisement de vieille dame meurtrière, et Rafaella Ottiano, étourdissante fée Carabosse, à la chevelure zébrée d'un éclair blanc, y trouvaient le ton exact recherché par Browning. Quant à lui, jouant avec les décors, il avait reconquis un pouvoir d'émerveillement dont le parlant l'avait le plus souvent frustré. Son dernier film, Miracles for Sale, bien que truffé de détails personnels, se trouvera singulièrement privé de cette dimension dépaysante. L'œuvre de Browning reste l'une des plus insolites de l'histoire du cinéma.

Films  :

Jim Bludso (1917) ; A Love Sublime (id.) ; Hands up ! (id.) ; Peggy the Will-o‘-the-Wisp (id.) ; The Jury of Fate (id.) ; The Eyes of Mystery (1918) ; Which Woman (id.) ; The Deciding Kiss (id.) ; Revenge (id.) ; The Legion of Death (id.) ; Violence (The Brazen Beauty, id.) ; Set Free (id.) ; The Unpainted Woman (1919) ; Fleur sans tache (The Wicked Darling, id.) ; The Exquisite Thief (id.) ; l'Autre Parfum (A Petal on the Current, id.) ; Bonnie Bonnie Lassie (id.) ; la Vierge d'Istanbul (The Virgin of Stamboul, 1920) ; Révoltée (Outside the Law, 1921) ; No Woman Knows (id.) ; The Wise Kid (1922) ; Man Under Cover (id.) ; Sous deux drapeaux (Under Two Flags, id.) ; la Marchande de rêves (Drifting, 1923) ; White Tiger (id.) ; The Day of Faith (id.) ; The Dangerous Flirt (1924) ; Silk Stocking Sal (id.) ; le Club des Trois (The Unholy Three, 1925) ; la Sorcière (The Mystic, id.) ; Dollar Down (id.) ; l'Oiseau noir (The Black Bird, 1926) ; la Route de Mandalay (The Road to Mandalay, id.) ; la Morsure (The Show, 1927) ; l'Inconnu (The Unknown, id.) ; Londres après minuit (London After Midnight, id.) ; le Loup de soie noire (The Big City, 1928) ; le Talion (West of Zanzibar, id.) ; Loin vers l'Est (Where East is East, 1929) ; The Thirteenth Chair (id.) ; Gentleman Gangster (Outside the Law, remake, 1930) ; Dracula (id., 1931) ; The Iron Man (id.) ; la Monstrueuse Parade (Freaks, 1932) ; Fast Workers (1933) ; la Marque du vampire (Mark of the Vampire, 1935) ; les Poupées du diable (The Devil Doll, 1936) ; Miracles for Sale (1939).