Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
F

FRANCE. (suite)

Pierre Kast* (le Bel Âge, 1960), Éric Rohmer* (Ma nuit chez Maud, 1969), Jacques Doniol-Valcroze* (la Maison des Bories, 1970), Jacques Rivette* (Paris nous appartient, 1961) font partie à la fois du groupe des Cahiers du cinéma et de la Nouvelle Vague, où se retrouvent aussi Chris Marker* (Lettre de Sibérie, 1960 ; Cuba Si, 1961 ; pour ne rien dire de ses importants courts métrages), Agnès Varda* (Cléo de 5 à 7, 1962), Jacques Demy* (Lola, 1961 ; les Parapluies de Cherbourg, 1964), Alexandre Astruc* (les Mauvaises Rencontres, 1955) et Louis Malle, touche-à-tout de talent, Roger Vadim, dont la vogue ne dura pas, à l'inverse de celle d'un Claude Lelouch* qui, par certains points, rappelle l'auteur des Liaisons dangereuses (1959). À l'école documentariste, le nom de Jean Rouch* qui veut découvrir l'âme de l'Afrique noire mérite sans aucun doute d'être mentionné.

La crise du cinéma dans les années 60.

En dépit de la généralisation de la couleur, la crise qui couve dans le cinéma français va s'intensifier autour des années 60. Une lourde taxation fiscale, la concurrence de la télévision affirmée de jour en jour, l'extension du cinéma érotique et pornographique, autant de facteurs qui interviennent dans une baisse inquiétante de la production. Conséquence directe de cette situation, l'inactivité forcée d'un grand nombre de réalisateurs ou de techniciens qui trouvent refuge dans les studios de télévision, alors que ceux qui jusque-là étaient réservés au cinéma se ferment et disparaissent. À cela s'ajoute encore le prix de revient élevé d'un film, difficile à supporter malgré les aides financières diverses venant de l'État, du distributeur, de l'exportateur, ce qui d'une certaine manière favorise l'ingérence américaine dans les affaires françaises et la pression des coproducteurs français ou étrangers et même de la télévision, lors de l'achat d'un film. Sans oublier la puissance des gros exploitants qui pratiquent une obstruction facile en se refusant à sortir tel ou tel film pour des raisons diverses.

Le spectateur hésite à payer un prix de place élevé pour regarder un spectacle souvent sans consistance, parfois mal fini et d'une évidente légèreté en regard de la production étrangère. Le Groupement des salles d'art et d'essai va connaître alors un vif intérêt. Les salles associées sous ce signe vont proliférer et supplanter peu à peu les anciens ciné-clubs, aidées par un système spécial de détaxation. Le paysage de l'exploitation se modifie radicalement. Les anciennes salles de vaste capacité disparaissent et se métamorphosent sur un rythme accéléré en multisalles, tributaires de la tutelle de grosses sociétés. Gaumont, par exemple, qui développe une structure pyramidale de production-distribution-exploitation et qui s'allie avec Pathé pour ouvrir de nombreuses salles sous un label commun de Groupement d'intérêt économique.

Le cinéma français va peu à peu s'intéresser à des sujets accrochés à la réalité de l'heure comme O Salto de Christian de Chalonge* (1967) et Z de Costa-Gavras* (1969).

La génération 1970.

Les événements de mai 1968 ont leur incidence sur la vie cinématographique, dont le plus immédiat est la production à chaud de films, témoins de la période, œuvres des collectifs de réalisation. Bon nombre de ces films ne pourront par la suite être diffusés normalement. On peut tout à coup évoquer le Front populaire, révéler certains aspects déplaisants de l'Occupation, peindre les luttes ouvrières, stigmatiser les excès du colonialisme et dénoncer les agissements d'une certaine bourgeoisie. Se développent aussi les coopératives de production, créatrices d'un courant parallèle de cinéma marginal et militant. Cependant, les structures générales du cinéma français ne changent pas en profondeur. Les sujets traités et la manière de les traiter ne varient guère par rapport à la période précédente. Le cinéma français, après une poussée de fièvre et quelques résolutions non tenues, rentre dans le rang. Et l'on entend souvent dire : « Le cinéma français est en crise. » Cette phrase est devenue un lieu commun et n'en finit pas de susciter des prises de position contradictoires dans tous les milieux concernés. Au chevet du malade, les pessimistes ont beau jeu de prouver que le cinéma français s'exporte mal, qu'il manque d'auteurs, qu'il ne parvient pas à trouver le juste équilibre entre les exigences du commerce et les ambitions de l'art et de l'esthétique. Les optimistes rétorquent avec juste raison que, malgré la concurrence de la télévision, les films français trouvent néanmoins leur public, un public fidèle mais plus imprévisible que ne le souhaiterait un planificateur. En effet, les surprises sont nombreuses au box-office. Si un Delon*, un Belmondo*, un de Funès*, un Yves Montand restent des valeurs sûres, il n'en est pas de même pour d'autres acteurs de grand talent qui ne parviennent plus à assurer sur leur seule notoriété le succès financier d'un film. Chaque année voit un outsider s'imposer sans que l'on puisse donner des raisons satisfaisantes à cette réussite éclair : après À nous les petites Anglaises de Michel Lang (1976), ce fut le cas de Diabolo menthe de Diane Kurys* (1977), puis celui de Et la tendresse... bordel de Patrice Schulman (1979), de la Balance de Bob Swaim* (1982) ou de Marche à l'ombre (Michel Blanc*, 1983).

Les années 70 sont marquées par deux disparitions : Jean Renoir meurt en avril 1979 aux États-Unis, à Beverly Hills ; Marcel L'Herbier à Paris en novembre 1979. Le premier n'avait plus rien tourné depuis le Petit Théâtre de Jean Renoir en 1969, malgré plusieurs demandes d'avances sur recettes, toutes refusées. Parmi les autres cinéastes de renom, Robert Bresson réalise en 1974 Lancelot du lac sur le thème du roman de Chrétien de Troyes, en 1976, le Diable, probablement, et en 1983 l'Argent. Alain Resnais*, après avoir échafaudé plusieurs projets qui n'aboutiront pas, tourne Stavisky (1974) avec Belmondo, Providence (1977) avec l'acteur britannique Dirk Bogarde*, Mon oncle d'Amérique (1980) et La vie est un roman (1983). Jacques Tati se tait bien malgré lui et ne pourra tourner aucun film après Trafic ; il en mourra en 1983. Son cadet, Jacques Demy*, doit aller chercher au Japon des capitaux pour mettre en scène son Lady Oscar (1979), avant de faire sa rentrée avec un film qui divise la critique et le public : Une chambre en ville (1983).