Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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BRAL (Jacques)

cinéaste français (Téhéran 1948).

De 1968 à 1970, il suit les cours de l'Institut de formation cinématographique où il réalise plusieurs courts-métrages et trois films confidentiels : M88 (1971), Frisou (1972), et Une baleine qui avait mal aux dents (1973). Il lui faudra attendre 1980 pour se faire connaître du grand public avec Extérieur nuit, qui conte les retrouvailles et la rencontre de deux amis avec une femme « taxi de nuit ». En 1984, il adapte Morgue pleine, un roman noir de J.-P. Manchette, sous le titre Polar, la brumeuse enquête d'un détective désabusé à travers lequel il s'attache surtout à capter l'atmosphère d'un univers nocturne et la fatigue existentielle de personnages perdus dans l'envers du quotidien.

BRANAGH (Kenneth)

acteur et cinéaste britannique (Belfast, Irlande du Nord, 1960).

Acteur et metteur en scène de théâtre remarquablement doué, Kenneth Branagh n'a aucun mal à faire passer sa fougue et son dynamisme à l'écran. Ces qualités très communicatives font de lui un cinéaste stimulant et presque toujours intéressant, peut-être parfois embarrassé d'une caméra qu'il aime à faire tournoyer. Au vu de Henry V (id., 1989) et de son adaptation scrupuleuse et soignée de Frankenstein (Mary Shelley's Frankenstein., 1994), on peut rapprocher Branagh de Laurence Olivier, lui aussi cinéaste apte à servir l'enthousiasme de bons acteurs. Dead Again (id., 1991), réjouissant pastiche d'Hitchcock, regorgeait de trucs et de ficelles, sans pour autant irriter. Mais l'engagement de Branagh était peut-être plus personnel dans l'attachant Peter's Friends (id., 1992), bonne comédie douce-amère où la caméra, toujours au service d'excellents comédiens, entreprenait de raconter par elle-même ce qui se trouvait derrière l'apparente légèreté du propos. Très actif, il se prête aux autres comme acteur, shakespearien (Othello, id.,Oliver Parker, 1995) ou non (Gingerbread Man, R. Altman, 1997 ; Celebrity, W. Allen, 1998). Mais, en tant que cinéaste, il continue patiemment à se dévouer à Shakespeare, soit dans la modestie (Au beau milieu de l'hiver, In the Bleak Cold Midwinter, 1995, où des comédiens ratés répètent une pièce du grand Will), soit dans l'ambition (Hamlet, id.,1996). Ce dernier film se propose de donner une adaptation de l'intégralité de l'œuvre de Shakespeare, entreprise titanesque que Branagh sait servir : une ampleur épique (quatre heures), de vraies idées de mise en scène (le célèbre monologue dit dans une atmosphère de fête finie, face à un miroir) et des parti-pris courageusement justifiés (le décor d'opérette, d'abord déroutant puis bien cerné). C'est encore Shakespeare qui l'inspire quand, poussant jusqu'au bout quelque chose qu'il avait amorcé avec moins de grâce dans Beaucoup de bruit pour rien (Much Ado About Nothing, 1992), il transforme Peines d'amour perdues (Love's Labour's Lost, 1999) en une délicieuse et émouvante comédie musicale aux couleurs resplendissantes, constellée de magnifiques chansons empruntées à Gershwin, Cole Porter ou Jerome Kern.

BRANCATI (Vitaliano)

écrivain et scénariste italien (Pachino, Syracuse, 1907 - Turin 1954).

Ses débuts d'écrivain datent de 1928, et ceux de scénariste de 1942, avec Don Cesare di Bazan (R. Freda), suivi de quelques films mineurs. Son esprit anticonformiste et corrosif se déploie grâce à la collaboration de Luigi Zampa : les Années difficiles (1948), tiré de son récit, chronique féroce de la petite bourgeoisie sicilienne pendant le fascisme ; Anni facili (1953), satire du pouvoir démocrate-chrétien ; L'arte di arrangiarsi (1954), parabole féroce sur l'art de s'adapter à tous les compromis de l'histoire nationale. Il collabore aussi avec d'autres réalisateurs, comme Alessandro Blasetti (Fabiola, 1949 ; Heureuse Époque, 1952 ; La fiammata, id.), Augusto Genina (L'edera, 1950 ; Tre storie proibite, 1952), et à trois des meilleures comédies écrites pour Totò : Gendarmes et Voleurs (S. V. Steno et M. Monicelli, 1951), L'uomo, la bestia e la virtù (Steno, 1953), Où est la liberté ? (R. Rossellini, 1954). Ses romans, révélateurs des frustrations sexuelles et des aspirations réprimées des mâles siciliens, sont adaptés avec fidélité par Mauro Bolognini (le Bel Antonio, 1960) et par Alberto Lattuada (Don Giovanni in Sicilia, 1967), ou mal exploités par Marco Vicario (Paolo il caldo, 1973). Sa veine humoristique amère et désenchantée n'est pas sans influence sur les cinéastes qui abordent les problèmes du Sud (P. Germi, E. Petri, F. Rosi).

BRANCO (Paulo)

producteur portugais (Lisbonne 1950).

Son début dans le métier — il est le producteur associé de Aurélia Steiner de Marguerite Duras, en 1979 — marque déjà son penchant pour le cinéma d'auteur. Ensuite, film après film, il établit une carrière impressionante (plus de 120 titres accrédités), qui fait de lui un des plus grands producteurs européens et le premier moteur de la renaissance du cinéma portugais. Dans ce rôle — avec ses deux maisons de production, Madragoa Filmes au Portugal et Gemini Films en France —, il soutient la plupart des cinéastes portuguais, mais aussi quelques-uns des plus célèbres réalisateurs européens. Passionné de l'aventure du cinéma, attiré par la difficulté des projets, séduit par les paris « impossibles », il partage les choix de mise en scène de ses auteurs. Dans les vingt dernières années, il a produit tous les films de Manoel de Oliveira — de Francisca (1981), à Je rentre à la maison (Vou para Casa, 2001 — et, parmi d'autres, aussi ceux de Raul Ruiz (le Territoire, 1981 ; les Trois Couronnes du matelot, 1982 ; la Ville des pirates, 1983 ; Point de fuite, 1983 ; l'Éveillé du pont de l'Alma, 1985 ; l'Île au trésor, 1985 ; les Destins de Manoel, 1985 ; Fado majeur et mineur, 1994 ; Trois Vies et une seule mort, 1996 ; Généalogies d'un crime, 1997 ; le Temps retrouvé, 1999 ; Combat d'amour en songe, 2000), João Cesar Monteiro (Silvestre, 1982 ; O Último Mergulho, 1992 ; les Noces de Dieu, 1999 ; Branca de Neve, 2000), João Mário Grilo (A Estrangeira, 1983 ; le Procès du roi, 1990 ; O Fim do Mundo, 1992 ; les Yeux d'Asie, 1996 ; Loin des yeux, 1999), Wim Wenders (Der Stand der Dinge, 1982 ; Jusqu'au bout du monde, 1991 ; Lisbonne Story, 1994), Alain Tanner (Dans la ville blanche, 1983 ; Une flamme dans mon coeur, 1987 ; la Femme de Rose Hill, 1989 ; Requiem, 1998), João Botelho (Conversa Acabada, 1982 ; No Dia dos Meus Anos, 1992 ; les Trois Palmiers, 1995 ; Trafic, 1998), Olivier Assayas (l'Enfant de l'hiver, 1989), Danièle Dubroux (les Amants terribles, 1984 ; le Journal du séducteur, 1996 ; l'Examen de minuit, 1998), Jacques Rozier (Maine-Océan, 1986), Laurence Ferreira Barbosa (Les gens normaux n'ont rien d'exceptionnel, 1993 ; J'ai horreur de l'amour, 1997 ; la Vie moderne, 1999), Philippe Garrel (le Cœur fantôme, 1996), Pedro Costa (Casa de Lava, 1994 ; Ossos, 1997), Jean-Luc Godard (For Ever Mozart, 1996), Sharunas Bartas (Few of Us, 1996 ; A Casa, 1997 ; Freedom, 2000), Michel Piccoli (Alors voilà, 1997), Cédric Kahn (l'Ennui, 1998), André Zulawski (la Fidélité, 2000), Chantal Akerman (la Captive, 2000).