Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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REINHARDT (Gottfried)

scénariste, producteur et cinéaste américain d'origine allemande (Berlin 1911 - Los Angeles, Ca., 1994).

Fils de Max Reinhardt, il est acteur de théâtre avant de devenir, aux États-Unis, l'assistant du cinéaste Ernst Lubitsch puis du producteur Walter Wanger. Comme scénariste, on lui doit le sensible Vivre sa vie (I Live My Life, W. S. Van Dyke, 1935). Comme producteur, il est responsable d'entreprises élégantes et prestigieuses : la Femme aux deux visages (G. Cukor, 1941) ou Passion fatale (R. Siodmak, 1949). Ses réalisations sont des plus inégales, malgré les espoirs que suscitait son premier film, l'attachant Invitation (1952). Son retour en Allemagne ne semble pas lui avoir été fructueux. Il a été plus heureux avec le dramatique Ville sans pitié (Town Without Pity, US-ALL-SUI, 1960) et avec le discrètement humoristique Situation désespérée... mais pas sérieuse (Situation Hopeless... But Not Serious, 1965).

REINHARDT (Maximilien Goldman, dit Max)

metteur en scène de théâtre et cinéaste autrichien (Baden, Autriche-Hongrie, 1873 - New York, N. Y., 1943).

Acteur à dix-sept ans, sa carrière se déroule essentiellement à Berlin, où il dirige quatre théâtres, dont le Deutsches Theater (1905-1933) et le Kammerspiel. En 1919, il crée le festival de Salzbourg. Influencé par les conceptions d'Edward Gordon Craig (1872-1966), il révolutionne l'art scénique en Allemagne puis dans le monde, affirmant l'autonomie du metteur en scène face à l'auteur dramatique, rethéâtralisant le théâtre, poursuivant le spectacle intégral. Étranger à l'esprit de l'expressionnisme, il accueille néanmoins plusieurs auteurs de cette tendance. Il émigre à l'avènement d'Hitler et poursuit son activité aux États-Unis. Son action sur le cinéma allemand a été considérable. L'expressionnisme cinématographique lui doit le dramatisme des jeux de lumières et d'ombres et, bien plus que ses clairs-obscurs, la force des compositions de groupes, la géométrie rigoureuse des mouvements de masses. Mais, surtout, Reinhardt a déversé dans le cinéma allemand des années 10 et 20 la foule de ses élèves, disciples et collaborateurs : comédiens, décorateurs, costumiers, éclairagistes, dramaturges : Paul Wegener, Ernst Lubitsch, Paul Leni, Friedrich Wilhelm Murnau, Arthur von Gerlach, Leopold Jessner, Hans Poelzig, Walter Röhrig, Ernst Stern, Otto Hunte, Robert Helt, Emil Jannings, Conrad Veit, Werner Krauss, Fritz Korner, Ernst Deutsch, Lothar Mendes, William Dieterle.

En 1914, Reinhardt porte lui-même à l'écran une pantomime de Carl Vollmöller, la Nuit vénitienne (Venezianische Nacht). Il y révèle un sens surprenant des possibilités du cinéma. Il refuse d'y utiliser l'intertitre. La même année, sur un scénario original, l'Île des bienheureux (Die Insel der Seeligen) apporte une écriture proprement d'avant-garde : dans les scènes filmées en continuité, les longs plans-séquences, le panoramique assument avec une belle subtilité ce que l'on nommera montage dans le cadre. Vingt ans plus tard, Reinhardt cosigne avec son ancien élève William Dieterle l'adaptation hollywoodienne du Songe d'une nuit d'été (A Midsummer Night's Dream, 1935, avec Mickey Rooney en Puck et James Cagney dans le rôle de Bottom), dans laquelle, en dépit du luxe des moyens, la féerie shakespearienne fait long feu.

REINIGER (Charlotte, dite Lotte)

cinéaste allemande d'animation (Berlin 1899 - Dettenhausen 1981).

On peut l'affirmer : l'ombre chinoise animée (Silhouettenfilm) est son domaine : elle en a été la conceptrice et l'orfèvre, en Allemagne, tout au long des années 20, donnant ainsi à l'expressionnisme l'air de légèreté et de féerie qui lui manquait. Avec elle, les Mille et Une Nuits ont trouvé leur meilleure illustratrice à l'écran. Élève de Max Reinhardt, elle se passionna très jeune pour les arts optiques et vit son premier livre de « silhouettes d'artistes » publié à l'âge de dix-sept ans. Elle collabora avec Rochus Gliese et Paul Wegener — notamment pour le Joueur de flûte de Hamelin (Der Rattenfänger von Hameln, 1919), dont elle anime la cohorte d'animaux de bois — avant de voler de ses propres ailes, avec l'aide discrète de Berthold Bartosch et d'un jeune homme passionné d'art et de philosophie, Carl Koch, qu'elle épouse en 1921 et qui deviendra lui-même cinéaste (la Tosca, 1941). Inspirée des dessins à la plume de Caran d'Ache et des miniatures orientales, sa technique consiste à reproduire volumes, décors et personnages en silhouettes, et à les animer image par image. Ses plus belles réussites, dans un genre qui connaîtra peu de disciples (jusqu'aux récents travaux de l'école tchèque), sont les Aventures du prince Achmed (Die Abenteuer des Prinzen Achmed, 1926), son unique long métrage qui nécessita trois ans de travail, Doktor Dolittle und seine Tiere (1928) et Harlekin (1931), trois petites merveilles qui la consacrent, selon le mot de Jean Renoir, « maîtresse des ombres ». Comme l'écrit Béla Balasz : « Rigoureusement parlant, c'est cela le vrai cinéma absolu. Car les aventures de formes devenues vivantes engendrent l'action ; ce ne sont pas les lois de la nature qui déterminent la causalité et l'effet, seulement les lois de la pure forme. » La carrière ultérieure de Lotte Reiniger la conduira en France, en Italie et en Grande-Bretagne (où elle collabore avec John Grierson). On en retiendra principalement d'alertes variations graphiques sur des thèmes de Mozart (Papageno, 1935), Stravinski (Dream Circus, d'après Pulcinella) et Donizetti (L'elisir d'amore, signé Amleto Palermi, 1941) ; et deux collaborations à des films « grandeur nature » : Don Quichotte (G. W. Pabst, silhouettes, 1933), et la Marseillaise (J. Renoir, séquence du théâtre d'ombres sur le thème le Roi et la Nation, 1938). Son dernier film important sera, en 1976, un Aucassin et Nicolette produit par le National Film Board canadien. En 1955, elle avait obtenu un Dauphin d'argent à la Biennale de Venise pour The Gallant Little Tailor (1954), un épisode de la série Primrose Films (production de films pour enfants, qu'elle avait fondée en 1953).

Autres films :

Das Ornament des Verliebten Herzens (1922) ; Der Fliegende Koffer (id.) ; Cendrillon (Aschenputtel/Cinderella, id.) ; Der Stern von Bethlehem (id.) ; Zehn Minuten Mozart (1930) ; Die Jagd nach dem Glück (id.) ; Sissi (1932) ; Carmen (1933) ; Das gestohlene Herz (1934) ; Galathea (1935) ; Das kleine Schornsteinfeger (id.) ; The King's Breakfast (GB, 1936) ; Mary's Birthday (GB, 1951) ; Aladdin (GB, 1953) ; The Magic Horse (GB, id.) ; Snow White and Rose Red (GB, id.) ; The Three Wishes (GB, 1954) ; The Grasshopper and the Ant (GB, id.) ; The Frog Prince (GB, id.) ; The Sleeping Beauty (GB, id.) ; Hansel and Gretel (GB, 1955) ; Thumbelina (GB, id.) ; Jack and the Beanstalk (GB, id.) ; The Star of Bethlehem (GB, 1956) ; la Belle Hélène (GB, 1957) ; The Seraglio (GB, 1958) ; The Pied Piper of Hamelin (GB, 1960) ; The Frog Prince (GB, 1961) ; Cinderella (GB, 1963).