Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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OZEP (Fedor) [Fedor Aleksandrovič Ocep] (suite)

Il commence très jeune en adaptant le récit de Pouchkine la Dame de pique pour Protazanov (1916), puis en cosignant avec Nikolaï Efros le scénario de Polikouchka (A. Sanine, 1922, 1919). Il travaille ensuite, toujours comme scénariste, avec Protazanov (Aelita, 1924), Jeliaboujski (la Cigarière du Mosselprom, id. ; le Maître de poste, 1925) ; Barnet, enfin, lui offre de coréaliser avec lui Miss Mend (1926). Ozep débute seul dans la réalisation avec le Passeport jaune / Terre prisonnière (Zemlja v plenu, 1928), qu'interprète Anna Sten, puis se rend à Berlin afin de diriger une coproduction germano-soviétique : le Cadavre vivant (Der lebende Leichnam / Živoj trup, 1928) d'après Tolstoï, avec Poudovkine comme acteur. Établi en Allemagne, il tourne en 1931 les Frères Karamazov (Der Mörder Dimitri Karamazoff, 1931), part pour la France où il met en scène Mirages de Paris (1933), Amok d'après Zweig (1934), une nouvelle version de la Dame de pique d'après Pouchkine (1937). Après un séjour en Italie (Tarakanówa, 1938 ; CO : M. Soldati), il revient en France (Gibraltar, id.) puis s'expatrie au Canada (le Père Chopin, 1943 ; Whispering City / la Forteresse, 1947). En 1944, il s'était rendu aux États-Unis pour y tourner Three Russian Girls. Habile technicien, Ozep est sans doute plus un calligraphe qu'un auteur, mais il représente assez bien le cosmopolitisme de certains émigrants russes de la fin des années 20, plus habiles à créer des atmosphères qu'à conduire avec rigueur une intrigue psychologique.

OZERAY (Madeleine)

actrice française d'origine belge (Bouillon 1910 - Paris 1989).

Conservatoire de Bruxelles, puis théâtre à Paris avec Raymond Rouleau et surtout Louis Jouvet, dont elle sera longtemps la muse. Ses succès à la scène : Julie dans Liliom, Tessa « la nymphe au cœur fidèle », Hélène de La guerre de Troie n'aura pas lieu et Ondine, de Giraudoux, Agnès dans l'École des femmes, ne lui valent pas la carrière à l'écran qu'on pouvait espérer, malgré l'intercession de Fritz Lang (Liliom, 1934), Pierre Chenal (Crime et Châtiment, 1935), Raymond Bernard (le Coupable, 1937) ou Julien Duvivier (la Fin du jour, 1939). Le projet de l'École des femmes (1941) avec Max Ophuls, en Suisse, ne peut malheureusement se concrétiser. Vieillie, elle est encore touchante dans la Race des seigneurs (P. Granier-Deferre, 1974) et dans le Vieux Fusil (R. Enrico, 1975). Elle a publié un alerte livre de souvenirs : À toujours, Monsieur Jouvet (1966).

ÖZGENTÜRK (Ali)

cinéaste turc (Adana 1947).

Il s'intéresse d'abord au théâtre et, à la fin des années 60, travaille avec Mehmet Ulusoy pour un « Théâtre dans la rue ». En 1973, il réalise son premier court métrage, Ferhat, puis un moyen métrage, ‘ Interdit ! ’ (Yasak !, 1975), qui est primé à Moscou en 1977. Il participe ensuite à certains scénarios, voire à certaines mises en scène de films (comme par exemple celle du Troupeau de Zeki Ökten et Y. Güney, 1978), puis dirige Hazal (1979), Cheval, mon cheval (At, 1982) et le Gardien (Beķci, 1985), trois films où il met sa créativité au service du réalisme social, de la campagne à la cité. Il s'impose alors comme l'un des plus importants noms du cinéma d'auteur turc, malgré le poids d'une approche trop didactique. Puis il réalise un film intimiste, très personnel, sur la crise de création que vit un cinéaste : ‘ L'eau brûle aussi ’ (Su da Yanar, 1987), qui marque un virage thématique dans sa carrière. Il continue dans cette nouvelle voie avec Nu ( çıplak, 1993), fable contemporaine marquée d'une certaine intemporalité surréaliste. Après un relatif silence ponctué par un court métrage, le Secret (Sır, 1995), il réalise d'abord la Lettre (Mektup, 1997), film sans trop d'ambition et d'une facture classique qui déçoit, puis la Balalaïka (Balalayka, 2000), une comédie sociale qui lui permet de renouer avec le succès populaire et l'estime critique.

OZON (François)

cinéaste français (Paris, 1967).

Diplômé de la FEMIS après avoir tourné en autodidacte beaucoup de petits films personnels en Super 8, il réalise des courts métrages qui sont très bien accueillis dans les festivals spécialisés. S'y affirment déjà un sens aigu de l'observation (Action-vérité, 1994) et une tendance à jouer sur les tabous et à aborder des thématiques de transgression (la Petite Mort, 1995, Une robe d'été, 1996). Regarde la mer, qui s'inscrit dans cette démarche, sort en salle (1997) malgré une durée inférieure à une heure, suivi de Sitcom, où il subvertit les normes familiales en même temps que les règles du genre populaire dont il emprunte le terme.

Il élargit progressivement son public avec Gouttes d'eau sur pierres brûlantes (1999), adaptation d'une pièce de théâtre posthume de Fassbinder, puis avec Sous le sable (2001) qui bénéficie de la participation de Charlotte Rampling et de Bruno Cremer. Il a également tourné quelques documentaires.

ÖZPETEK (Ferzan)

cinéaste turc (Istanbul 1959).

Installé en Italie où il a étudié le cinéma, il se fait remarquer dès son premier film, Hammam (Hamam, 1996), quête d'identité d'un jeune italien découvrant Istanbul et la sensualité ambivalente qui se dégage de ses vieux quartiers. Son second long métrage, Harem soirée (Harem Suare, 1999), évoque les dernières années de l'Empire ottoman à travers le huis clos du célèbre quartier des femmes du palais des Sultans, lieu de fantasmes et de luttes d'influence. Sélectionné dans les sections parallèles du Festival de Cannes dès ses premières coproductions européennes, il entame une carrière prometteuse malgré l'académisme de son langage cinématographique. Son troisième film, les Fées ignorantes (Cahil Periler / Le Fate Ignoranti, 2001), qui développe d'une façon plus directe le thème de l'homosexualité pudiquement évoqué dans les deux précédents, lui vaut une sélection en compétition officielle au Festival de Berlin.

OZU (Yasujiro)

cinéaste japonais (Tokyo 1903 - id. 1963).

Fils d'un marchand d'engrais du quartier populaire de Fukagawa, Ozu est envoyé par son père à Matsuzaka, près de Kyoto, afin d'y faire ses études : il y découvre ses premiers films, dans la baraque d'un exploitant ambulant. Après un bref séjour à Kobe avec son frère, il retourne à Tokyo, avec sa famille, et entre à l'université de Waseda. Pourtant, dès cette époque, il a l'intention d'entrer dans le monde du cinéma, et, par le truchement d'une connaissance, est engagé en août 1922 aux studios Shochiku de Kamata (Tokyo) comme assistant opérateur, puis assistant réalisateur, avec Tadamoto Okubo, un spécialiste des comédies « non-sensiques » à l'américaine. Il devient lui-même réalisateur en 1927, en tournant ‘ le Sabre de pénitence ’, un jidai-geki qui semble avoir été le seul de toute sa carrière : le sujet en avait été écrit par Kogo Noda, qui allait bientôt devenir son scénariste attitré jusqu'à la fin. Mais le film est terminé par Torajito Saito, Ozu ayant été appelé sous les drapeaux en plein tournage. Il revient aux studios en 1928, pour y réaliser une série de comédies « slapstick » alors très en vogue, telles ‘ la Citrouille ’ (1928) ou ‘ Un corps magnifique ’(id.). Mais c'est à partir de 1929/30 que, selon les propres dires du cinéaste, il entreprend des films un peu personnels, tels ‘ J'ai été diplômé, mais... ’ (1929), ou ‘ la Vie d'un employé de bureau ’ (id.), œuvres représentatives du genre populaire du shomin-geki, et encore marquées par les influences étrangères, surtout américaines.