Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
N

NAVARRE (René)

acteur français (Paris 1883 - Azay sur Cher 1968).

Il appartient à la mythologie du cinéma puisqu'il est avant tout le créateur du Fantômas de Feuillade (1913-14). Dans ce rôle périlleux, il apporte de la conviction, une violence feutrée, des éclairs de satanisme et son jeu ne paraît pas dater. Le personnage dévore l'acteur et, malgré sa présence dans de nombreux autres films de Feuillade, il ne retrouve plus le succès obtenu. Sa participation au cinéma parlant se limite à des apparitions secondaires dans des films de troisième ordre (la Route enchantée, 1938 ; Mon oncle et mon curé, 1939 ; Bécassine, id.), tous de Pierre Caron.

NAZIMOVA (Alla Lavendera Nazimov, dite Alla)

actrice américaine d'origine russe (Yalta, Russie, 1879 - Los Angeles, Ca., 1945).

Venue aux États-Unis en 1906, Alla Nazimova remporte des triomphes à la scène, notamment dans le répertoire ibsénien, et apporte à l'écran, dès 1916 (War Brides, H. Brenon), un jeu stylisé et raffiné, et une prédilection pour l'esthétisme hiératique, dont plusieurs actrices du muet et du parlant après elle allaient s'inspirer. Albert Capellani l'impose dans trois films : l'Occident (1918), Hors de la brume (1919) et la Lanterne rouge (id.). Jusqu'en 1922, elle incarne une femme mythique, aux grâces de ballerine, dans des productions élaborées et élégantes, souvent mises sur pied par son mari, l'ancien décorateur Charles Bryant (la Dame aux camélias, 1921, Ray C. Smallwood, avec Valentino ; Salomé, surtout, 1923, Bryant — inspiré par les gravures d'Aubrey Beardsley). Elle se transforme bientôt, et presque sans transition, en une forte actrice dramatique (My Son, Edward Sloman, 1925), abandonne le cinéma pour le théâtre pendant près de quinze ans et revient à l'écran au début des années 40 (Escape, M. LeRoy, 1940 ; Arènes sanglantes, R. Mamoulian, 1941 ; Depuis ton départ, J. Cromwell, 1944).

NAZZARI (Salvatore Amedeo Buffa, dit Amedeo)

acteur italien (Cagliari 1907 - Rome 1979).

Pendant ses études d'ingénieur, Amedeo Nazzari se passionne pour le théâtre. Il s'impose peu à peu au public en jouant notamment au Théâtre grec de Syracuse dans la compagnie de Gualtiero Tumiati. En 1936, il fait ses débuts au cinéma dans Ginevra degli Almieri (Brignone). Le film est un échec : ce n'est qu'avec Cavalleria d'Alessandrini (id.) qu'il rencontre le succès. Il devient alors un des acteurs préférés du public (un référendum organisé en 1940 par la revue Cinema le classe largement en tête) et tourne sans discontinuité pratiquement jusqu'à sa mort. Pendant les années 30 et au début des années 40, il figure dans des films très divers, alternant drames sentimentaux, comédies, films musicaux, films en costume, films de guerre. Il incarne aussi quelques figures héroïques bien dans l'esprit du temps : à cet égard Luciano Serra pilota (G. Alessandrini, 1938) est un modèle de film d'inspiration fasciste. De cette époque, on peut retenir La fossa degli angeli (C. L. Bragaglia, 1937), Montevergine/La grande luce (Carlo Campogalliani, 1939), Centomila dollari (M. Camerini, 1940), Caravaggio (Alessandrini, 1941), I mariti (C. Mastrocinque, id.), La cena delle beffe (A. Blasetti, id.), Fedora (Mastrocinque, 1942), Bengasi (A. Genina, id.), La bella addormentata (L. Chiarini, id.), La bisbetica domata (F. M. Poggioli, id.), Quelli della montagna (A. Vergano, 1943). Après la guerre, Nazzari poursuit une carrière éclectique qui lui vaut de nouveaux triomphes dans les mélodrames signés Matarazzo. Il interprète aussi des films de Blasetti (Un jour dans la vie, 1946), Lattuada (le Bandit, id.), Germi (la Tanière des brigands, 1952), Zampa (les Coupables, id.), De Santis (la Fille sans hommes, 1953), Monicelli (Du sang dans le soleil, 1955). En 1957, Fellini fait appel à lui pour jouer le rôle du célèbre acteur de cinéma dans les Nuits de Cabiria. Par la suite, sa carrière se ralentit et on le voit encore dans des films comme Il gaucho (D. Risi, 1964), le Clan des Siciliens (H. Verneuil, 1969), Cosa nostra (T. Young, 1972), Nina (V. Minnelli, 1976). Acteur un peu rigide, Nazzari représente sans conteste une des figures les plus significatives du cinéma populaire italien.

NEAGLE (Marjorie Robertson, dite Anna)

actrice britannique (Forestgate 1904 - Florence 1986).

Elle a deux visages, qu'elle arbore à l'écran comme sur les planches où elle s'est révélée : celui propre aux comédies, souvent musicales, dont le charme un peu pâle mais enjoué plaît beaucoup outre-Manche ; l'autre, celui de la distinction compassée, dont la gravité sentimentale enchante l'Establishment. Sous les applaudissements, Anna Neagle est donc Florence Nightingale, l'agent secret Odette, et même, à deux reprises, la reine Victoria. Ce dévouement méritoire à incarner « the Unesthetic Queen » aida sans doute à son élévation à la dignité de dame de l'Empire (1969). Car elle n'a, hélas, qu'un seul metteur en scène à l'écran : Herbert Wilcox, qu'elle épouse en 1943. Ce qui, en dépit de sa grande popularité insulaire, laisse sceptique sur le sort de ses meilleurs films : Goodnight Vienna, aux côtés de Jack Buchanan (1932) ; Bitter Sweet (1933) et The Queen's Affair (1934) avec Fernand Gravey ; Nell Gwynn (rôle-titre, id.) ; la Reine Victoria (1937) ; No No Nanette (1940, US) ; Piccadilly Incident (1946) ; Park Lane (1948) ; Odette, agent secret (1950) ; Florence Nightingale (The Lady With the Lamp, 1951) ; l'Affaire Manderson, avec Orson Welles (Trent's Last Case, 1953). Elle a tourné jusqu'en 1960 et publié ses souvenirs : There's Always Tomorrow, en 1974.

NEAL (Patsy Louise, dite Patricia)

actrice américaine (Packard, Ky., 1926).

Elle suit ses premiers cours de comédie à douze ans et, après un passage à la Northwestern University, débute à Broadway en 1947 dans Another Part of the Forest de Lillian Hellman, où elle remporte cinq prix d'interprétation. Engagée par la Warner Bros, elle débute à l'écran dans John Loves Mary (D. Butler, 1949) et trouve son premier rôle marquant, aux côtés de Gary Cooper, dans le Rebelle (K. Vidor, 1949). Sa blondeur, sa voix rauque, sa sensualité hautaine sont brillamment exploitées par Michael Curtiz dans le Roi du tabac (1950) et Trafic en haute mer (id.), mais Patricia Neal abandonne rapidement le rôle de vamp narcissique. Entrée à la Fox et (re)devenue brune, elle tourne pour Robert Wise un classique de la science-fiction : Le jour où la terre s'arrêta (1951). Elle s'essaie, dans ce même studio, puis à la Universal et à la MGM, aux emplois les plus divers et, en 1957, trouve son vrai registre avec Un homme dans la foule d'Elia Kazan. Après un retour à la comédie sophistiquée (Diamants sur canapé, B. Edwards, 1961), elle impose la plénitude de son talent dans le Plus Sauvage d'entre tous (M. Ritt, 1963) qui lui vaut l'Oscar et Première Victoire (O. Preminger, 1965). Victime d'une attaque, elle abandonne le tournage de Frontière chinoise (J. Ford, 1966), cédant son rôle à Anne Bancroft. En 1968, elle fait son « comeback » dans The Subject Was Roses d'Ulu Grosbard, puis apparaît, en Angleterre, dans un film écrit par son mari, le scénariste-romancier Roald Dahl : The Night Digger (Alastair Reid, 1971). Elle tourne la même année son premier téléfilm, et tiendra dès lors ses rôles les plus importants au petit écran : Printemps perdu (Eric, James Goldstone, 1975) ; la Chasse aux sorcières (Tail Gunner Joe, Jud Taylor, 1977) ; All Quiet on the Western Front (Delbert Mann, 1980). Quelle surprise de la voir revenir au cinéma après tant d'années d'absence, vieillarde malicieuse, dans Cookie's Fortune (R. Altman, 1999) !