Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
L

LENI (Paul)

cinéaste allemand (Stuttgart 1885 - Los Angeles, Ca., 1929).

Décorateur, peintre qui participe au mouvement d'avant-garde Der Sturm, Leni est attiré très tôt par le théâtre. Il travaille pour Max Reinhardt et ne tarde guère à pénétrer dans les studios de cinéma : on trouve son nom au générique d'un film de Joe May en 1914. Il collabore ensuite avec des cinéastes réputés : Dupont, Grüne, Robison, Richard Oswald. May lui confie les décors d'un film à grand spectacle (Veritas vincit, 1918), et Robison la conception des costumes de Manon Lescaut (avec Lya de Putti, 1926). Également scénariste, interprète, actif dans plusieurs secteurs, il passe à la réalisation dès 1916 en s'affirmant dans deux films essentiels du cinéma muet allemand, l'un proche du Kammerspiel : l'Escalier de service (Hintertreppe, CO : L. Jessner, 1921) et l'autre plus proche de l'expressionnisme : le Cabinet des figures de cire (Das Wachsfigurenkabinett, 1924), qui est une étude en trois volets (Haroun-al-Rachid [Emil Jannings], Ivan le Terrible [Conrad Veidt] et Jack l'Éventreur [Werner Krauss]) sur la tyrannie. En 1927, Carl Laemmle l'appelle à Hollywood ; il y tourne quatre films pour Universal, parmi lesquels un film d'horreur, la Volonté du mort ( The Cat and the Canary, 1927), dont l'humour macabre devait donner naissance à de nombreux films de la même veine.

Autres films :

Das Tagebuch des Dr. Hart (1916) ; Das Ratsel von Bangalore (CO : A. von Antalffy, 1917) ; Dornröschen (id.) ; Die platonische Ehe (1919) ; Prince Kuckruck (id.) ; Patience (1920) ; Fiesco / Die Verschwörung zu Genua (1921) ; Das Gespensterschiff (id.) ; Komödie der Leidenschaften (id.) ; le Perroquet chinois (The Chinese Parrott, US, 1927) ; l'Homme qui rit (The Man Who Laughs, US, 1928) ; le Dernier Avertissement (The Last Warning, US, 1929). ▲

LENICA (Jan)

cinéaste polonais (Poznań 1928).

Fils d'un peintre de renom, il étudie la musique et l'architecture. En 1945, il publie ses premiers dessins humoristiques dans la revue Épingles (Szpilki) et, en 1952, inaugure une fructueuse carrière d'affichiste, notamment pour Film Polski. Graphiste inspiré, il va signer certaines des plus belles affiches polonaises de l'après-guerre, à la fois pour le cinéma, le théâtre et l'opéra. En 1957, il réalise son premier film d'animation avec Walerian Borowczyk : Il était une fois (Byl sobie raz). Toujours avec Borowczyk, il tourne la Maison (Dom, 1958). Pendant un séjour à Paris en 1959, il donne Monsieur Tête avec un commentaire d'Ionesco. Son film remporte le prix Émile-Cohl. De retour dans son pays natal, il réalise Labyrinthe, tout en poursuivant son œuvre d'affichiste, tout particulièrement pour le Teatr Wielki (l'Opéra de Varsovie). En 1963, il s'installe définitivement en France, reçoit des offres en Allemagne (Rhinocéros d'après Ionesco), commence le tournage en 1966 de son premier long métrage d'animation d'inspiration kafkaïenne Adam 2 (qui sera achevé en 1969 seulement). Partagé entre son œuvre graphiste et son œuvre cinématographique, il dessine également des décors et des costumes pour l'Opéra (Lulu d'Alban Berg en 1972 et Kiss Me Kate de Cole Porter en 1977 à l'Opéra de Cologne) et se passionne pour Ubu, le personnage créé par Alfred Jarry qui entraîne son imagination surréalisante et caustique vers des dérives poétiques, irrespectueuses, facétieuses, sarcastiques et parfois très inquiétantes (Ubu Roi, 1976 ; Ubu et la Grande Gidouille, 1979). Le thème du « décervelage », latent dans toute son œuvre, explose ici en de subtiles variations et Lenica apparaît bien comme un des grands « marginaux » du cinéma, créateur d'une œuvre très personnelle sachant jongler avec les trucages et les découpages et véritablement « habité » par l'ange du Bizarre.

Autres films :

les Sentiments récompensés (Nagrodzone uczu cie, 1957) ; Janko le musicien (1961) ; A (1964) ; la Femme-fleur (1965) ; Nature morte (1970) ; Fantorro (1972) ; Paysage (Landscape, 1974). ▲

LENS.

Mot anglais pour lentille et, par extension, pour objectif.

LENT.

Film lent, film de faible rapidité.

LENTILLES.

Pièces de verre, ayant au moins une surface courbe, employées pour la formation des images dans les objectifs. ( OPTIQUE GÉOMÉTRIQUE, OBJECTIFS.)

LENYA (Karoline Blamauer, dite Lotte)

actrice américaine d'origine autrichienne (Penzing, Autriche-Hongrie, 1898 - New York, N. Y., 1981).

Cette chanteuse à la voix âpre, mariée à Kurt Weill, a marqué l'histoire du théâtre avec l'Opéra de quat' sous de Brecht, où elle créait la chanson la Fiancée du pirate. Elle reprit naturellement son rôle dans la version filmée par G. W. Pabst en 1931, puis à l'arrivée des nazis partit pour les États-Unis avec son mari ; et, là, elle se retira après une brève carrière théâtrale. À la mort de Weill, elle revient à la scène et au cinéma. Les cheveux roux, le menton en avant, Lotte Lenya excellait dans la dureté et dans le trouble. Ses rares apparitions cinématographiques furent mémorables : ainsi la maquerelle du Visage du plaisir (The Roman Spring of Mrs. Stone, José Quintero, 1961), rôle qu'elle prolongea dans le Rendez-Vous (S. Lumet, 1969), et la redoutable espionne russe rousse dans Bons Baisers de Russie (T. Young, 1963).

LÉON (Gerardo Ilagán, dit Gerardo De)

cinéaste, scénariste et acteur philippin (Manille 1913-1981).

Il appartient à une illustre famille de zarzuelistes, auxquels il doit son initiation à l'art dramatique. Tout jeune, il fait le bonimenteur pour accompagner les projections de films muets. Après avoir terminé ses études de médecine, il entre dans la carrière cinématographique par la petite porte, en faisant de la figuration dans ‘ Cœur héroïque ’ (Pusong Dakila, 1937). Il se lance ensuite dans la mise en scène en remplaçant Don Danon au pied levé, en plein milieu du tournage de ‘ Ma pauvre maison ’ (Bahay Kubo, 1938). Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il met en scène plusieurs pièces de théâtre avant d'assister le réalisateur japonais Abe Yukata pour son film de propagande ‘ l'Aube de la liberté ’ (1944). Après la guerre, il signe son premier film ‘ Au revoir, Amérique ’ (1946), adieu émouvant et plein de sensibilité à l'occupant américain par lequel il salue en même temps l'avènement de la toute jeune république des Philippines. En 1947, il perd pratiquement la parole à la suite d'un accident de la route, et sa voix n'est plus désormais réduite qu'à un murmure, ce qui ne l'empêche pas de réaliser plus de 76 films, et notamment : ‘ Promets-moi mon amour ’ (Isumpa Mo Giliw, 1947), une sombre histoire d'amour et d'amnésie ; ‘ Tayug, le pays oublié ’ (Tayug, ang Bayang Api, 1947), qui montre l'attaque d'une garnison américaine par une secte religieuse sur fond sociopolitique ; ‘ 48 heures ’ (48 Oras, 1950), film noir dans lequel, en rentrant chez lui, un guérillero est accusé de la mort de sa femme ; Diego Silang (1951), qui conte la lutte d'un héros national philippin contre les Espagnols ; ‘ le Serpent dans le vieux beffroi ’ (Sawa sa Lumang Simboryo, 1952), ou la revanche d'un bandit ; ‘ la Nouvelle Aurore ’ (Ang Bagong Umaga, 1953) et Dyesebel (id.), respectivement chronique d'une grève et aventures d'une sirène ; Sanda Wong (1955), film merveilleux qui met en scène des serpents apprivoisés et le symbolisme freudien. ‘ Jusqu'au bout du monde ’ (Manggang sa Dulo ng Daigdig, 1959) montre la métamorphose d'un honnête homme en criminel ; ‘ l'Histoire de Moïse Padilla ’ (1961) est le récit authentique des tortures subies par un candidat politique, tandis que ‘ le Monde des opprimés ’ (Daigdig ng mga Api, 1955) traite de la réforme agraire. Il est surtout célèbre pour sa trilogie sur la vie et l'œuvre de José Rizal, le héros national philippin, qui s'était dressé contre l'Espagne : Sisa (1951), ‘ Ne me touchez pas ’ (Noli me tangere, 1960) et El Filibusterismo (1961). Bien que s'inscrivant dans la logique du cinéma commercial de son pays, Gerardo De Léon s'est toujours efforcé de tracer des portraits de personnages tout à la fois humains, manichéens et illogiques, jusqu'au comique le plus grotesque. La plupart de ses films ont malheureusement disparu.