Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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EFFETS SPÉCIAUX. (suite)

Les films de truquages nécessitent donc un grand professionnalisme, non seulement des artisans des effets spéciaux mais aussi de tous les collaborateurs du film. La connaissance professionnelle s'acquiert par la pratique, la pratique demande des moyens financiers : il n'est pas surprenant que les films à truquages, si bien inventés par Méliès et les cinéastes français, soient devenus une spécialité du cinéma américain.

D'une façon plus générale, on a vu que les effets spéciaux couvrent un domaine bien plus vaste que les trucs. Au demeurant, l'activité des laboratoires de truquage (en gros, les laboratoires mettant en œuvre des tireuses optiques) porte essentiellement sur des effets d'écriture : insertion de génériques, fondus et liaisons en tous genres (notamment pour les bandes-annonces), etc. Les effets spéciaux sont une des techniques, parmi bien d'autres, du langage cinématographique. Et la frontière est bien floue entre ce que l'on range dans les truquages et ce que l'on range dans d'autres rubriques. Éclairer un studio pour créer l'atmosphère d'une rue sous le couvre-feu, n'est-ce pas une forme de truquage ? L'important est de parvenir au but narratif ou esthétique recherché : selon le style du film, une simple découverte en toile peinte pourra être aussi convaincante qu'un décor réel. Le cinéma est de toute façon illusion : même s'ils peuvent la pousser jusqu'à la magie, les effets spéciaux n'en sont qu'un des instruments.

Les trucages numériques.

L'informatique et les techniques vidéo ont, dans les années 90, apporté de nouvelles possibilités en matière d'effets spéciaux. Deux familles ont ainsi vu le jour : les images de synthèse et les trucages numériques. La différence entre les trucages numériques et les trucages vidéo réside essentiellement dans la définition du système de balayage 625 (ou 525) lignes en vidéo, 2 000 à 4 000 lignes en numérique si les images sont destinées à être transférées sur film cinématographique. De plus, tout le traitement de ces images aux différents stades du travail est exclusivement numérique. Les images de synthèse sont entièrement dessinées à l'ordinateur en utilisant des logiciels graphiques spécifiques. Le résultat peut être extrêmement varié : il va du dessin animé en deux dimensions à des images pouvant donner une parfaite impression de prises de vues réelles. Les trucages numériques sont issus des images réelles que l'on veut modifier. Les travaux se décomposent en trois opérations distinctes, qui sont l'analyse au moyen d'un scanner, le traitement sur une station graphique qui donnera aux images initiales l'effet recherché et le transfert de ces images numériques sur bande vidéo ou sur film cinématographique au moyen d'un imageur. L'intérêt de ces techniques réside essentiellement dans les possibilités pratiquement infinies d'intervention sur ces images et dans les combinaisons d'images de synthèse avec des images réelles. Il devient possible d'effectuer des modifications de portions d'image, des variations dans les mouvements, des modifications progressives de forme (morphing), de couleurs. Ces techniques remplaceront progressivement bon nombre de techniques conventionnelles issues de l'optique et de la mécanique. On peut ainsi réaliser des trucages qu'il n'était pas possible d'envisager avec les techniques conventionnelles. Ces techniques peuvent également être mises à profit pour la restauration d'œuvres dégradées, par exemple pour la restauration des couleurs ou l'élimination de défauts tels que poussières, rayures. Elles peuvent être utilisées pour mettre en couleur une œuvre initialement tournée en noir et blanc. Ce procédé, contesté par certains, porte le nom de « colorisation ».

EFFETS SPÉCIAUX NUMÉRIQUES.

On entend par effets spéciaux numériques les techniques de postproduction qui permettent de modifier le contenu d'une image par des moyens informatiques en vue de les reporter sur film pour les réintégrer au négatif monté.

Les interventions sont faites sur les fichiers numériques des images provenant d'une analyse au scanner, ou au téléscanner, d'éléments films avec une résolution de 2 000 lignes (images numériques 2k), d'images de synthèse réalisées sur ordinateur avec au moins la même résolution, mais aussi d'images vidéo haute définition (1 250 lignes).

Les interventions sur ces images s'effectuent par couches successives et par masques ne laissant subsister, dans chaque couche, que la surface de l'image où doit se pratiquer l'intervention.

Elles se font au moyen de logiciels graphiques très spécifiques (Flame, Inferno, Dutruc...), installés sur des stations infographiques ayant de grandes puissances de calcul en raison du poids très élevé des fichiers informatiques à traiter.

Le principe des trucages réalisés par les techniques numériques est souvent voisin de celui des techniques conventionnelles, optiques et mécaniques principalement. Par contre, le système des couches en très grand nombre permet d'exécuter des trucages impossibles à entreprendre par les techniques conventionnelles qui de ce fait ont, en grande partie, disparu.

La facilité apparente avec laquelle s'exécutent ces effets spéciaux numériques incite les réalisateurs à ne plus imaginer que ce type d'effets. Il devient facile de remplacer un fond de décor par un autre, réel ou de synthèse, comme une glace peinte (matte painting numérique), de supprimer des câbles de sécurité maintenant comédiens ou équipements, de retirer un objet du champ, de remplacer la tête d'un comédien par celle d'un autre, de déformer les images (morphing), mais aussi de réparer un accident de tournage (rayure sur un négatif), etc. Une fois truquées, les images sont transférées sur film (généralement 35 mm) au moyen d'un imageur, puis réintroduites dans le négatif original.

Le développement continuel des possibilités des logiciels et l'accroissement des capacités de calcul et de stockage des équipements informatiques et infographiques rendent maintenant les effets spéciaux numériques incontournables. Ils ont remplacé, en grande partie, les effets spéciaux traditionnels.