Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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COMÉDIE AMÉRICAINE. (suite)

En ce qui concerne, précisément, des survivances ou des tentatives de faire revivre l'esprit et le ton de la comédie américaine, on peut noter, en premier lieu, les remakes : Elle et lui déjà cité de McCarey (1957), mélodrame sentimental émaillé d'humour loufoque, reprise nostalgique d'un duo de 1939 ; le Sport favori de l'homme, de Hawks (1964), qui reprend délibérément certains gags de l'Impossible Monsieur Bébé, et aussi d'Une fine mouche (J. Conway, 1936) ; Spéciale première de Wilder (1974), qui met en scène personnages stéréotypiques de la comédie américaine, des reporters (d'après la pièce de Ben Hecht et Charles MacArthur, déjà portée à l'écran par Milestone [The Front Pages, 1931] et par Hawks [la Dame du vendredi, 1940]). Dans ce courant « rétro » s'inscrivent aussi des films comme Éclair de lune (N. Jewison, 1987) ou Quand Harry rencontre Sally (R. Reiner, 1989), qui exploitent le thème traditionnel de la joute amoureuse entre deux protagonistes fortement typés et de tempéraments opposés.

On peut mentionner aussi des œuvres qui traitent, dans un cadre contemporain, mais sur un ton d'apologue, des thèmes chers à Capra : l'amour, instrument du brassage social et ethnique (Un couple parfait, R. Altman, 1979) ; le « petit homme » et son amie (reporter) triomphant des trusts capitalistes (le Cavalier électrique, S. Pollack, id.).

Les années 80-90

voient une prolifération de comédies à succès, même si, quelquefois, ni les auteurs ni le public ne semblent très regardants sur la qualité. Il s'agit surtout de produits destinés aux enfants et aux adolescents et dont John Hughes est l'un des principaux artisans. On lui doit quelques films plaisamment acides comme Breakfast Club (1985) ou la Folle Journée de Ferris Bueller (1986) avant qu'il ne s'oriente définitivement vers la production et le scénario de bluettes insignifiantes dont il confie la réalisation à des débutants : ce sont, par exemple, les grands succès de Maman, j'ai raté l'avion (Home Alone, 1990) et de sa suite, Maman, j'ai encore raté l'avion (Home Alone II, 1992), où régnait le teigneux Macaulay Culkin. Ces deux derniers films furent le travail de Chris Columbus, qui a bientôt décidé de voler de ses propres ailes en clonant, avec Perdu à New York (Lost in New York, 1992), les succès réalisés sous l'égide de Hughes. Tout en continuant à viser un public très jeune, il a cependant fait montre d'une certaine ambition avec Madame Doubtfire (id., 1993).

Dans un registre plus adulte, le phénomène important est celui du comique noir. Celui-ci n'a pas encore rencontré de véritable cinéaste, Spike Lee, révélé par Nola Darling (1986), se contentant d'utiliser la comédie comme un ingrédient parmi d'autres. Il reste donc surtout le fait de personnalités de comédiens. À la fin des années 70, Richard Pryor avait ouvert la voie mais son comique abrasif n'était peut-être pas encore mûr pour rencontrer le succès public. Eddie Murphy lui emboîta le pas et devint très populaire par son anticonformisme et ses plaisanteries agressives, souvent basées sur un dialogue très cru (Un fauteuil pour deux, J. Landis, 1983 ; le Flic de Beverly Hills, Martin Brest, 1984). Mais, assez vite, la mégalomanie de l'acteur engendre une dégringolade qualitative consternante (les Nuits de Harlem, qu'il réalise lui-même en 1990). Le succès le plus constant semble être celui de Whoopi Goldberg, qui réussit à être drôle et décapante tout en préservant de plus en plus la dimension humaine de ses personnages (Jumping Jack Flash, P. Marshall, 1986 ; Sister Act, Emile Ardolino, 1992).

La comédie intellectuelle est le domaine d'élection de Woody Allen : ponctuel, il en fournit une nouvelle tous les deux ans en moyenne. Toujours grouillante de dialogues vifs, elle flirte de plus en plus souvent avec une certaine gravité (Crimes et délits, 1989) et privilégie de plus en plus les trouvailles visuelles (Meurtre mystérieux à Manhattan, 1992). Allen a plus de succès en Europe qu'aux États-Unis, mais il est l'un des cinéastes les plus imités par ses contemporains, qui finissent par constituer un véritable sous-genre où le pire (Scènes de ménage dans un centre commercial, P. Mazursky, 1991) côtoie le meilleur (Portrait d'une famille modèle, R. Howard, 1989 ; Quand Harry rencontre Sally, R. Reiner, id.). Enfin, on peut penser que la vitalité du genre est sans doute activée par la culture des « sitcom » (comédies de situation), si populaires à la télévision. Les vedettes de ces séries à succès tentent souvent de s'imposer à l'écran : Roseanne Barr (la Diable, S. Seidelman, 1989) ou Estelle Getty (Attention, Maman va tirer ! R. Spottiswoode, 1992). Dans ces deux derniers films, des acteurs peu habitués à l'exercice s'essaient à des compositions comiques plus grandes que nature : Meryl Streep dans l'un et Sylvester Stallone dans l'autre. Le rire est populaire et il semble qu'il faille nécessairement passer l'examen de la comédie pour confirmer ses galons de star. Arnold Schwarzenegger s'y prêtera (Jumeaux, I. Reitman, 1988, notamment) également et Meryl Streep obtiendra enfin un vif succès en star déclinante à la recherche de l'éternelle jeunesse dans La mort vous va si bien (R. Zemeckis, 1992). Le comique grignote de plus en plus souvent d'autres genres : le policier (Étroite surveillance, J. Badham, 1987), la science-fiction (Retour vers le futur, R. Zemeckis, 1985) ou le film d'aventures (les différents Indiana Jones de S. Spielberg).

COMÉDIE MUSICALE.

On appelle comédie musicale un genre de films dont la fiction, souvent simple et frivole, laisse interrompre son déroulement narratif par des intermèdes musicaux. Quoique le ton en soit souvent léger et souriant, la notion de comédie n'implique ici rien d'autre que le refus de prendre entièrement au sérieux des arguments dramatiques parfois riches de pathos. Ce sont en effet les numéros dansés ou chantés qui doivent attirer la plus grande attention. Objets d'une élaboration stylistique particulière, ils gouverneront l'intelligence de l'œuvre comme ils ont dominé sa fabrication commerciale. Peu importe que l'intrigue les inclue ou les prépare, que les péripéties du récit s'y transforment ou s'y prolongent, qu'ils s'intègrent aux motifs de la fable ou en donnent une version métaphorique : de toute façon, ils imposent des figures dont dépend le sens du film, ils entretiennent entre eux des relations qui définissent le registre où s'inscrira la signification de l'ouvrage.