Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DARFEUIL (Emma Henriette Floquet, dite Colette)

actrice française (Paris 1906 - Montfort-l'Amaury 1998).

Près de 115 films entre 1920 et 1952. L'ingénue se transforme rapidement en grande coquette, emploi à quoi la destinent ses yeux verts, sa démarche ondulante et son jeu minaudant. Elle va ainsi des vaudevilles de Maurice Cammage à d'obscurs mélodrames. Plus exigeante, elle aurait pu mieux montrer qu'elle possède de l'humour (le Rosier de Mme Husson, Bernard-Deschamps, 1932 ; le Patriote, M. Tourneur, 1938 ; Bibi Fricotin, Marcel Blistène, 1951) et un certain sens du drame (Autour d'une enquête, R. Siodmak, 1931 ; la Maison dans la dune, P. Billon, 1934).

DARNELL (Monetta Eloyse Darnell, dite Linda)

actrice américaine (Dallas, Tex., 1921 - Chicago, Ill., 1965).

Elle est, avec Rita Hayworth et Lana Turner, l'une des « femmes perfides  » les plus en vue du cinéma américain des années 40. Sa beauté brune au charme canaille, sa sensualité teintée d'exotisme, son abattage font merveille auprès de partenaires aussi brillants que Tyrone Power, Joel McCrea, Laird Cregar, Victor Mature, Rex Harrison ou Robert Mitchum, qu'elle détourne parfois de leur devoir — à moins qu'elle ne succombe à leur charme... On lui confie volontiers des rôles d'Indienne (Buffalo Bill, la Poursuite infernale), de fille facile (Hangover Square), mais elle sait aussi bien faire la révérence (Ambre) et tenir son rang (Infidèlement vôtre). Dans le remake du Corbeau, tourné par Otto Preminger en 1952, elle reprend le rôle tenu par Ginette Leclerc dans la version de Clouzot, et ne s'en tire pas mal. « Énigmatique et disponible », elle est (selon Molly Haskell) convertible en métaphore, « visitation d'un ange ou d'un démon » — parfois les deux ensemble, indissolublement liés. Son rôle le plus abouti, le plus superbement féminin, c'est sans doute à Joseph L. Mankiewicz qu'elle le doit, dans l'admirable Chaînes conjugales, où elle est confrontée à deux écervelées, Ann Sothern et Jeanne Crain. D'abord cover-girl et actrice de théâtre, elle avait débuté en 1939 dans Hotel For Women de Gregory Ratoff. Son dernier rôle : les Éperons noirs (Black Spurs), un western de R. G. Springsteen (1965). Elle a péri dans un incendie.

Films :

le Signe de Zorro (R. Mamoulian, 1940) ; Arènes sanglantes (id., 1941) ; la Cité sans hommes (City Without Men, Sidney Salkow, 1943) ; C'est arrivé demain (R. Clair, 1944) ; Buffalo Bill (W. Wellman, id.) ; Hangover Square (J. Brahm, 1945) ; Crime passionnel (O. Preminger, id.) ; Centenial Summer (Preminger, 1946) ; la Poursuite infernale (J. Ford, id.) ; Ambre (Forever Amber, Preminger, 1947) ; Infidèlement vôtre (P. Sturges, 1948) ; Chaînes conjugales (J. L. Mankiewicz, 1949) ; la Furie des Tropiques (Slattery's Hurricane, A. de Toth, id.) ; La porte s'ouvre (Mankiewicz, 1950) ; The Thirteenth Letter (Preminger, 1951) ; l'Île du désir (S. Heisler, 1952) ; Barbe-Noire le pirate (R. Walsh, id.) ; Passion sous les Tropiques (Second Chance, R. Maté, 1953) ; À l'heure zéro (Zero Hour, H. Bartlett, 1957).

DARRIEUX (Danielle)

actrice française de cinéma et de théâtre (Bordeaux 1917).

Élève du Conservatoire de musique, elle est choisie – à quatorze ans ! – pour être la vedette de la version française du Bal, de Wilhelm Thiele (1931). C'est un succès, qui lui vaut une cascade d'engagements : on la revoit dans Panurge (Michel Bernheim, 1932), Château de rêve (G. von Bolvary, 1933), Mon cœur t'appelle (C. Gallone, 1934) et autres comédies plus ou moins « légères » coulées dans le même moule. Son emploi est celui de la jeune fille frondeuse, pétulante, sentimentale sous le masque de la coquetterie. Un titre de film qu'elle tourne en 1935, pour Léo Joannon, résume bien son personnage : Quelle drôle de gosse ! De ce début de carrière, on retiendra surtout Mauvaise Graine et La crise est finie, films tournés en France en 1934 par Billy Wilder et Robert Siodmak. Mayerling, d'Anatole Litvak (1936), son premier rôle dramatique, la sacre définitivement star. L'Amérique la réclame et en fait la « coqueluche de Paris » (The Rage of Paris, H. Koster, 1937). Elle épouse Henri Decoin, cinéaste prolifique qui peaufine ses rôles dans des mélodrames de qualité, tels Abus de confiance (1937) et Retour à l'aube (1938). Mais c'est la comédie qui lui sied le mieux, comme en témoigne le brillant doublé Battement de cœur (1940) et Premier Rendez-vous (1941), deux nouveaux grands succès pour le couple Decoin-Darrieux, qui cependant se sépare (ils se retrouveront dix ans plus tard pour la Vérité sur Bébé Donge, 1952, dans un registre nettement assombri). Au lendemain de la guerre, Danielle Darrieux évolue vers des compositions plus nuancées : la reine de Ruy Blas (P. Billon, 1948) et surtout la jeune épouse infidèle de la Ronde (Max Ophuls, 1950). C'est avec ce dernier qu'elle va pleinement s'épanouir, dans deux rôles à la charnière de l'ironie et du sublime : la fille en mal de pureté du Plaisir (1952) et la frivole Madame de, prise au piège du grand amour (1953). La même année, avec un autre « cinéaste de la femme », Joseph L. Mankiewicz, elle affronte James Mason dans l'Affaire Cicéron. Le reste de sa carrière n'atteindra pas de tels sommets, bien qu'elle se maintienne à un niveau estimable : elle incarne successivement Mme de Rênal, la reine Olympias de Macédoine, Lady Chatterley, la Montespan, Agnès Sorel, Mme Hédouin (dans Pot-Bouille, J. Duvivier, 1957), Marie-Octobre... La Nouvelle Vague ne la néglige pas : Claude Chabrol (Landru, 1962), Jacques Demy (les Demoiselles de Rochefort, 1967), Dominique Delouche (24 Heures de la vie d'une femme, 1968, et Divine, 1975), Philippe de Broca (le Cavaleur, 1979). Mais c'est surtout au théâtre (où elle avait débuté en 1937) qu'elle va se consacrer, à partir des années 60 : la Robe mauve de Valentine, Domino, les Amants terribles, Coco puis Ambassador. Elle ira même jusqu'à Broadway, remplaçant au pied levé Katharine Hepburn (qui fut l'idole de sa jeunesse). Demy lui offre un beau retour à l'écran dans Une chambre en ville, en 1982. « Elle a incarné comme Gabin, autant que lui mais de façon légère, l'insouciance des années 30 et la gravité des années 50 » (Claude-Jean Philippe).