Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
P
P

P.A.

Abrév. de plan américain.

PABST (Georg Wilhelm)

cinéaste autrichien (Raudnitz [auj. Roudnice, Tchécoslovaquie] 1885 - Vienne 1967).

Son père, employé aux chemins de fer, rêve de le voir devenir ingénieur. Mais, ses études secondaires achevées et après deux années passées à l'Académie des arts décoratifs, Pabst choisit le théâtre. Il débute à Zurich en 1905 et joue en Allemagne à partir de 1907. De 1910 à 1914, il travaille — comédien et metteur en scène — au Théâtre allemand de New York. La guerre le surprend en France. Quatre années d'internement. De retour à Vienne en 1919, il dirige le Neuen Wiener Bühne. En 1921, avec Carl Froelich, il fonde la Froelich-Film. Il collabore aux trois premières productions de la société. Avec la quatrième, le Trésor (1923), commence sa longue carrière de réalisateur. Pabst est alors un homme de grande culture, un humaniste qui se situe politiquement à gauche, partagé entre germanisme et esprit européen, avec un caractère inquiet, vulnérable et contradictoire. C'est un créateur divisé entre raison froide et romantisme, lucidité et fascination. Œuvre typiquement expressionniste, qui n'est pas sans rappeler le Golem (Paul Wegener et Carl Boese, 1920), le Trésor révèle d'emblée deux constantes de l'univers pabstien : l'attirance mortelle des profondeurs — géologiques ou psychiques —, la transfiguration, grâce aux pouvoirs de la lumière, d'une réalité portée à l'incandescence par la passion. 1925 : Pabst inaugure le réalisme social allemand avec la Rue sans joie. Il aborde à chaud la terrible crise inflationniste de 1923 ; il ne farde rien de ses conséquences ; il souligne les rapports de classes qui lient sexualité et exploitation. Réalisme bien particulier cependant que celui de Pabst, qui trouve dans un expressionnisme contrôlé sa plus grande force d'accusation, mais aussi cette dimension trouble, ce « goût terrible et séducteur de la misère » que Mac Orlan qualifiera de « fantastique social ». Des films tournés entre 1925 et la fin du muet, on a dit justement qu'ils formaient une « suite freudienne ». La satire y rencontre le politique à travers les problèmes du sexe : les Mystères d'une âme (1926) traitent très suggestivement d'un cas d'impuissance étudié par Freud ; l'Amour de Jeanne Ney (1927), Crise (1928), Loulou (1929), Journal d'une fille perdue (id.) — ces deux derniers surtout, illuminés par la personnalité magique de Louise Brooks — modèlent le réalisme social sur la quête de l'amour fou.

Le parlant venu, Pabst l'intègre sans débats à son écriture et passe avec une aisance remarquable du montage court au découpage en continuité, de l'effet visuel au contrepoint sonore. Bien que l'usage soit alors aux versions multiples, il réalise Quatre de l'infanterie (1930) et la Tragédie de la mine (1931) en version unique, bilingue. C'est l'apogée du réalisme pabstien ; là, l'expressionnisme lui-même (la part qui en subsiste, toujours distanciée) est au service d'une objectivité quasi documentaire. Tel n'est pas le cas toutefois de l'admirable Opéra de quat‘ sous (id.) qui refuse de choisir entre fascination et leçon politique, ce qui vaudra au cinéaste un procès de la part de Bertolt Brecht. Comme s'il s'effrayait d'être allé trop loin dans l'engagement politique, « Pabst le Rouge », ainsi qu'on l'a surnommé, marque un premier recul : l'Atlantide (1932) n'est qu'une fable réussie. Peu avant l'arrivée au pouvoir des nazis, Pabst gagne la France. Le Don Quichotte (1933) qu'il y tourne sera le dernier film encore digne de son grand talent. Il réalise aussi un film à Hollywood : A Modern Hero (1934). Après quoi, avec des œuvres mineures, parfois estimables, il s'insère dans le cinéma commercial français de l'époque ; il en adopte les formules et les traits dominants. 1939 : la Seconde Guerre mondiale éclate. Pabst, incompréhensiblement, rentre en Allemagne. Il y met en scène trois films, se gardant de céder aux exigences de propagande du régime. La paix revenue, il travaille à se disculper de ses démissions passées et s'adonne, en Autriche, en Italie, en Allemagne fédérale, à un cinéma de la mauvaise conscience (la Maison du silence, 1953) ou de « l'histoire objective » (le Dernier Acte, 1955). Suit une retraite de douze années et celui qui fut l'un des cinéastes les plus célèbres de l'entre-deux-guerres s'éteint dans un oubli quasi total.

Films  :

le Trésor (Der Schatz, 1923) ; Comtesse Donelli (Gräfin Donelli, 1924) ; la Rue sans joie (Die freudelose Gasse, 1925) ; les Mystères d'une âme /le Cas du professeur Mathias (Geheimnisse einer Seele, 1926) ; On ne badine pas avec l'amour (Man spielt nicht mit der Liebe, id.) ; l'Amour de Jeanne Ney (Die Liebe der Jeanne Ney, 1927) ; Crise (Abwege, 1928) ; Loulou (Die Büchse der Pandora, 1929) ; l'Enfer blanc de Piz-Palü Prisonniers de la montagne (Die weisse Hölle vom Piz-Palü, CO A. Fanck, id.) ; Journal d'une fille perdue Trois Pages d'un journal (Das Tagebuch einer Verlorenen, id.) ; Quatre de l'infanterie (Westfront 1918, 1930) ; Skandal um Eva (id.) ; l'Opéra de quat'sous (Die Dreigroschenoper, 1931, vers. all. et franç.) ; la Tragédie de la mine (Kameradschaft, id., vers all. et franç.) ; l'Atlantide (Die Herrin von Atlantis, 1932, vers. all. et franç.) ; Don Quichotte (FR, 1933) ; Du haut en bas (FR, id.) ; A Modern Hero (US, 1934) ; Mademoiselle Docteur/ Salonique nid d'espions (FR, 1937) ; le Drame de Shanghaï (FR, 1938) ; Jeunes Filles en détresse (FR, 1939) ; les Comédiens (Komödianten, 1941) ; Paracelse (1943) ; le Cas Molander (Der Fall Molander, 1945) ; le Procès (Der Prozess, AUT, 1948) ; Profondeurs mystérieuses (Geheimnisvolle Tiefen, AUT, id.) ; la Maison du silence (La voce del silenzio, IT, 1953) ; Cose da pazzi (IT, id.) ; le Destructeur (Das Bekenntnis der Ina Kahr, 1954) ; le Dernier Acte (Der letzte Akt, 1955) ; C'est arrivé le 20 juillet (Es geschah am 20 Juli, id.) ; Des roses pour Bettina (Rosen für Bettina, 1956) ; Durch die Wälder, durch die Auen (id.).

PACINO (Al)

acteur américain (New York, N. Y., 1940).

Après avoir étudié à l'Actors Studio, Al Pacino se fait remarquer au théâtre en 1968 et au cinéma l'année suivante (Me Natalie, Fred Coe). Petit de taille, discret de physique, il fond sans problème sa personnalité et sa silhouette dans leur cadre : de nombreux films sont basés sur cet effacement apparent (Serpico, S. Lumet, 1973 ; Bobby Deerfield, S. Pollack, 1977 ; la Chasse, W. Friedkin, 1980). Mais son meilleur atout, c'est son regard, dont il use comme personne après Montgomery Clift dont il est l'héritier spirituel : des yeux de chien battu, fidèle ou perdu, mais qui brûlent de vie, d'angoisses et de tourments rentrés. Al Pacino explose peu, mais intérieurement il bouillonne : son regard le trahit. Grâce à cela, il peut tout interpréter. Son corps anonyme, il l'habille et le déguise à loisir. Le costume le transforme en junkie désespéré (Panique à Needle Park, J. Schatzberg, 1971), en clochard (l'Épouvantail, Schatzberg, 1973), en mafioso (les trois parties du Parrain, F. Ford Coppola, 1972, 1974 et 1990), en gangster homosexuel (Un après-midi de chien, S. Lumet, 1975), en pilote automobile (Bobby Deerfield), en avocat idéaliste (Justice pour tous, N. Jewison, 1979), en auteur dramatique abandonné par son épouse et surchargé d'enfants (Avec les compliments de l'auteur [! Author !], A. Hiller, 1982), en gangster psychopathe (Scarface, B. De Palma, 1983) ou en trappeur entraîné malgré lui dans la guerre d'indépendance américaine (Révolution, H. Hudson, 1985). L'échec commercial de ce dernier film le tient, volontairement ou non, éloigné des studios. Il réapparaît en 1989 dans Mélodie pour un meurtre (Sea of Love, H. Becker), en 1990 dans Dick Tracy (id., W. Beatty), en 1991 dans Frankie and Johnny (G. Marshall), en 1992. Il obtient un Oscar en 1992 pour l'une prestation digne dans un film quelconque, le Temps d'un week-end (Scent of a woman, Martin Brest). Heureusement, on retrouve son art immaculé dans l'Impasse (B. De Palma, id.), où il incarne une figure complexe de gangster dépassé et crépusculaire, ou même dans Glengarry (Glengarry Glenn Ross, James Foley, id.), ou Heat (M. Mann, 1995) où il partage le haut de l'affiche avec Robert De Niro. Tout à coup redevenu très actif, il est également dans City Hall (id., H. Becker, 1995), Instants de bonheur (Two Bits, James Foley, id.), Donnie Brasco (id., M. Newell, 1997), l'Associé du Diable (The Devil's Advocate, Taylor Hackford, id.), l'Enfer du dimanche (O. Stone, 1999), Révélations (M. Mann, 2000). En 1996, il réalise lui-même Looking for Richard d'après Richard III de Shakespeare, un mélange très personnel de documentaire et de reconstitution dramatique qui révèle non seulement un vrai talent de cinéaste mais également une perception très moderne du génie de Shakespeare. En 2000 il se place des deux côtés de la caméra pour Chinese Coffee qui confirme ses qualités de cinéaste et d'acteur.