Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
C

CITTI (Sergio)

cinéaste italien (Rome 1933).

Frère de l'acteur Franco Citti, Sergio Citti, blanchisseur de son état, conseille Pier Paolo Pasolini pour ses livres et pour Accattone et Mamma Roma dans l'usage du dialecte romain. Il devient ensuite l'assistant de Pasolini sur de nombreux films et collabore à la mise en scène de Médée et du Décameron. En 1969, à partir d'un sujet et d'un scénario élaborés avec le cinéaste, Citti fait ses débuts dans la réalisation avec Ostia, étrange rencontre entre Laurent Terzieff et Franco Citti. On retrouve la veine pasolinienne dans Storie scellerate (1973), où Sergio Citti dirige les acteurs fétichs de Pasolini, Franco Citti et Ninetto Davoli, dans une œuvre picaresque qui évoque l'esprit du Décameron. Sergio Citti se libère de l'influence directe du poète assassiné en 1975 avec Casotto (1977), expérience réussie du récit d'une histoire aux multiples personnages en ne sortant jamais d'une cabine de bain. Après Due pezzi di pane (1978) comédie autour de deux marginaux, des musiciens de rue interprétés par Vittorio Gassman et Philippe Noiret , Citti tourne Il minestrone (1981) et Sogni e bisogni (série de six films pour la télévision, 1985), deux apologues sur la détresse économique et morale du sous-prolétariat dans lesquels apparaît Roberto Benigni. Le cinéaste réalise ensuite Mortacci (1988), I magi randagi (1996), Vipera (2001), de facture plus classique, mais n'en demeure pas moins, utilisant les ressources du surréalisme, en dehors des courants et des modes.

CITTI (Franco)

acteur italien (Rome 1938).

Pasolini lui confie le premier rôle de son premier film, Accatone (1961), puis l'affronte à Anna Magnani dans Mamma Roma (1962). Citti incarne bien les garçons frustes : Una vita violenta (adaptation du roman de Pasolini, réalisée par Paolo Heusch et Brunello Rondi, 1962).

Son autre grand rôle reste celui de l'Œdipe roi de Pasolini (1967). Son frère Sergio (né à Rome en 1934) le dirige dans Ostia (Ostie, 1970), écrit et produit par Pasolini, dont il est l'assistant sur la plupart des longs métrages à partir de 1966 (Des oiseaux, petits et gros). Sergio Citti a aussi réalisé Histoires scélérates (Storie scellerate, 1973), Casotto (1977) où joue Franco, Deux Bonnes Pâtes (Due pezzi di pane, 1978) et, en 1981, Il minestrone, farce allégorique sur le thème de la faim avec Franco et Ninetto Davoli. Franco paraît également dans La luna (Bertucelli, 1979) et Il Segreto (F. Maselli, 1990).

CIULEI (Liviu)

cinéaste roumain (Bucarest 1923).

Après des études d'architecte-décorateur au Conservatoire d'art dramatique, il travaille au théâtre comme décorateur, acteur et metteur en scène. Il joue dans quelques films, parmi lesquels Mitrea Cocor de Victor Iliu (1952), dont il est également le coscénariste et le décorateur. Ses débuts comme réalisateur se font avec Éruption (Erupţia, 1957), dont l'action se situe sur les champs pétrolifères. Les Flots du Danube (Valurile Duňarîi, 1960) l'imposent à l'attention du public, à la fois comme acteur et comme réalisateur. Dans un style sobre et vigoureux, ce film relate un épisode de la lutte contre les Allemands en 1944. La consécration lui vient avec le prix de la Mise en scène à Cannes pour la Forêt des pendus (Pǎdurea spînzuraţilor, 1964), puissante et lyrique évocation des « servitude et grandeur militaires » durant la Première Guerre mondiale. Il se consacre ensuite exclusivement au théâtre, aux États-Unis d'abord où il avait émigré en 1974 à 1991 puis à nouveau dans son pays natal.

CLAIR (René Chomette, dit René)

cinéaste français (Paris 1898 - id. 1981).

Il naît et grandit dans le quartier des Halles, dont l'animation, la vie nocturne, le pittoresque quotidien, transfigurés par son regard d'enfant, laisseront en lui une empreinte inoubliée. Il fait ses études aux lycées Montaigne et Louis-le-Grand et se découvre une précoce vocation pour la littérature. Réformé en 1916, il s'engage dans une ambulance du front. On l'évacue sur Berck au bout de quelques mois. Intimement meurtri par les horreurs de la guerre, il dit son désarroi en deux recueils de poèmes demeurés inédits. Devenu journaliste à l'Intransigeant, il est l'un des tout premiers « proustiens ». Damia, pour laquelle il écrit quelques chansons, l'introduit au cinéma, qui d'abord ne l'intéresse que par ses danseuses et ses cachets généreux. Sous le pseudonyme de René Clair, il est acteur — sans conviction — pour Loïe Fuller (le Lys de la vie, 1920), pour Feuillade (l'Orpheline, Parisette, 1921), pour Jacob Protazanov (le Sens de la mort, Pour une nuit d'amour, 1921). À partir de 1922, il assure la critique des films dans Paris-Journal et Théâtre et Comœdia illustrés, publication luxueuse du Théâtre des Champs-Élysées, alors haut lieu de l'art moderne. (Ses textes, aigus et lyriques, sont réunis en 1951 dans Réflexion faite.) Son frère Henri Chomette, de deux ans son aîné, le présente à Jacques de Baroncelli dont il devient à son tour l'assistant pour quatre films. Baroncelli doit superviser son premier essai, Geneviève de Brabant, mais cette production belge ne se fait pas. Il recommande alors René Clair au producteur Henri Diamant-Berger, qui lui confie Paris qui dort (1924). Au Théâtre des Champs-Élysées, Francis Picabia et Erik Satie montent le ballet dadaïste Relâche. Il faut un film pour « sortir le public de la salle » ; ils le demandent à Clair : c'est Entr'acte (1924). Paris qui dort n'est distribué qu'après Entr'acte, ce qui situe le cinéma de Clair sous le signe de l'avant-garde. L'étiquette est au demeurant parfaitement justifiée. Clair procède de la première avant-garde par ses recherches d'écriture et son intelligence artistique ; de la deuxième avant-garde par sa sensibilité proche de dada et du surréalisme (il y a plus de surréalisme véritable dans la scène des perles sur la tour Eiffel — Paris qui dort — que dans maints films portant le label de l‘« école », et un Robert Desnos ne s'y est pas trompé) ; de la troisième avant-garde par son attention poétique au réel (la Tour). De plus, caractéristique remarquable, il met cet avant-gardisme à la portée de tous : la poésie cesse d'appartenir à l'élite, elle est populaire sans déchoir.