Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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JOANNON (Léon, dit Léo)

cinéaste et scénariste français (Aix-en-Provence 1904 - Neuilly-sur-Seine 1969).

Comme beaucoup d'autres, il gravit de nombreux échelons — régie, assistanat — avant d'accéder en 1930 avec Adieu les copains et Douaumont au rang de réalisateur. Jusqu'à la guerre, son métier se gaspille dans des adaptations de vaudeville avec, parfois, une réussite comique (Quelle drôle de gosse, 1935). Il rêve à des films plus ambitieux et obtient en 1938 le grand prix du Cinéma français avec Alerte en Méditerranée, qui prêche le pacifisme et la collaboration internationale. Pendant l'Occupation, il réussit un amusant film d'aventures, le Camion blanc (1943), et donne du mouvement et de la vigueur à un scénario entaché de paternalisme et faisant l'apologie du chef (le Carrefour des enfants perdus, 1944). Après un temps de silence, il essaie sans grand succès de retrouver le ton de la comédie gaie (Le 84 prend des vacances, 1950) ou laborieuse : il donne le coup de grâce au couple usé de Laurel et Hardy avec Atoll K (1951) ; puis il se tourne résolument du côté des sujets religieux, qu'il traite en mélos, sans fuir ni l'emphase ni la complaisance (le Défroqué, 1954, avec Pierre Fresnay ; le Secret de sœur Angèle, 1956 ; le Désert de Pigalle, 1958). Ses dernières productions gardent jusqu'à la fin un redoutable ton moralisateur et larmoyant (l'Homme aux clés d'or, 1956 ; Tant d'amour perdu, 1958 ; Trois Enfants dans le désordre, 1966 ; les Arnaud, 1967). Il a écrit de nombreux scénarios et interprété quelques-uns de ses films : le Défroqué ou l'Homme aux clés d'or, ainsi que les Aristocrates (D. de La Patellière, 1955).

JOBERT (Marlène)

actrice française (Alger 1943).

Elle suit des cours d'art dramatique à Dijon, puis au Conservatoire de Paris, dans la classe de Georges Chamarat. Elle débute au théâtre en 1963 et Jean-Luc Godard lui propose son premier rôle à l'écran, dans Masculin Féminin, en 1965. Très vite remarquée (notamment dans le Voleur de Louis Malle, en 1967), elle aborde les premiers rôles avec l'Astragale de Guy Casaril, adapté en 1968 du best-seller d'Albertine Sarrazin, et surtout dans le Passager de la pluie de René Clément (1969, avec Charles Bronson). Comédienne nuancée, fine, au petit visage tacheté facilement chiffonné et émouvant, elle est à l'aise dans les situations dramatiques (Nous ne vieillirons pas ensemble, M. Pialat, 1972 ; Folle à tuer, Y. Boisset, 1975), voire pathétiques (l'Amour nu, Y. Bellon, 1981), comme dans la comédie (les Mariés de l'an II, J.-P. Rappeneau, 1970 ; Julie Pot-de-Colle, Ph. de Broca, 1977). Sa société M. J. Productions a coproduit le film franco-suisse de Claude Goretta, Pas si méchant que ça (1975), qu'elle interprète aux côtés de Gérard Depardieu.

Autres films :

Dernier Domicile connu (J. Giovanni, 1969) ; le Secret (R. Enrico, 1974) ; le Bon et les Méchants (C. Lelouch, 1975) ; l'Imprécateur (J.-L. Bertucelli, 1977) ; la Guerre des polices (Robin Davis, 1979) ; Une sale affaire (Alain Bonnot, 1980) ; les Cavaliers de l'orage (Gérard Vergez, 1983) ; Souvenirs, souvenirs (Ariel Zeitoun, 1984) ; Les cigognes n'en font qu'à leur tête (Didier Kaminka, 1989).

JODOROWSKY (Alejandro)

écrivain et cinéaste chilien établi au Mexique puis en France à Paris (Iquique 1930).

Il débute au cinéma avec Fando y Lis (1968), d'après Arrabal, auquel le relient certaines préoccupations puisqu'il fonde avec ce dernier et Roland Topor le mouvement Panique. Il tourne ensuite un western métaphysique (El Topo, 1970) qui au fil du temps sera considéré par certains comme un film-culte et une superproduction où il peut enfin donner libre cours à son goût pour l'ésotérisme et la quête initiatique (la Montagne sacrée [La montaña sagrada], 1973). Partisan d'un cinéma fantasmatique et se voulant philosophique, il est passé maître dans la violence insolite et dans la rhétorique moderniste, pour retomber dans l'imagerie simpliste avec Tusk (1979), film qu'il désavouera. En 1989, il revient à son inspiration première avec Santa Sangre et réalise en 1990 le Voleur d'arc-en-ciel (A Rainbow Thief). Il est l'auteur d'un roman : le Paradis des perroquets (1984) et de plusieurs albums de bandes dessinées.

JOFFÉ (Alexandre, dit Alex)

scénariste et cinéaste français (Paris 1918 - id. 1995).

Un apprentissage sérieux auprès de chefs opérateurs tels que Schüfftan, Kelber et Alekan, et de scénaristes comme Aurenche, un don indéniable de l'écriture font d'abord de lui un « nègre » puis un scénariste apprécié : Ne le criez pas sur les toits (J. Daniel-Norman, 1943) ; Florence est folle (G. Lacombe, 1945) ; Millionnaires d'un jour (A. Hunebelle, 1950) ; Le 84 prend des vacances (L. Joannon, id) ; Sans laisser d'adresse (J.-P. Le Chanois, 1951). Devenu réalisateur en 1946 (Six Heures à perdre, CO : Jean Lévitte), il s'impose avec les Hussards (1955) et les Assassins du dimanche (1956) ; il connaît un très gros succès grâce à un mélodrame, Fortunat (1960), avec Bourvil, Michèle Morgan, Gaby Morlay. À l'aise dans la comédie dramatique (le Tracassin, 1961 ; les Culottes rouges, 1962), Joffé sait diriger les comédiens (Robert Hirsch dans les Cracks, 1968) et montrer une verve qui fait parfois de lui un véritable auteur.

JOFFÉ (Roland)

cinéaste britannique (Londres 1945).

Comme son maître et compatriote David Lean, Joffé s'intéresse à l'Histoire pour ses vertus de fable et d'épopée, et n'hésite pas à se servir des « sujets nobles » comme alibi du spectacle ; d'où la controverse que suscite son œuvre. Son premier film, la Déchirure (The Killing Fields, 1984), décrivait, avec un réalisme à la limite du soutenable, l'horreur qui avait suivi la chute de Phnom Penh. Palme d'Or très contestée au Festival de Cannes 1986, son deuxième film, Mission (The Mission), dénonçait la manière dont la politique pervertit la religion, et ce à travers l'évocation du génocide des Indiens Guaranis au XVIIIe siècle. Les Maîtres de l'ombre (Shadow Makers, 1990) a fait l'objet aux États-Unis d'une polémique sans précédent : militant antinucléaire, Joffé y démontre comment la science avait été prise en otage par les militaires, à l'époque de la fabrication de la première bombe atomique américaine en 1942. En 1992, il signe la Cité de la joie (City of Joy), en 1995 les Amants du Nouveau Monde (Scarlett Letter) et en 1998 Goodbye Lover (id.). En 2000, il se voit confier la tache paradoxale d'une superproduction franco-française (mais parlant anglais!), Vatel, dont il s'acquitte sans génie.