Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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KHEIFITS (Iossif) [Iosif Efimovič Hejfic]

cinéaste soviétique (Minsk 1905 - Saint-Pétersbourg, 1995).

Il termine ses études de cinéma à Leningrad en 1927, travaille au Sovkino — toujours à Leningrad —, participe (avec M. Chapiro, A. Zarkhi et V. Granatman) au film ‘ le Chant du métal ’ (Pesn‘  a metalle, 1928), organise avec Zarkhi le premier groupe Komsomol de réalisation qui sera à l'origine du ‘ Vent dans le visage ’ (Veter v lico, 1930) et de ‘ Midi ’ (Polden, 1931). Ces deux œuvres sont cosignées par Kheifits et Zarkhi : leur collaboration durera plus de vingt ans. Après ‘ Ma patrie ’/‘ le Pont ’ (Moja rodina, 1933) et une comédie ‘ Chaudes Journées ’ (Gorjačie denečki, 1935), où l'on remarque un jeune acteur nommé Nikolaï Tcherkassov, il met en scène l'un des films les plus célèbres des années 30, le Député de la Baltique (Deputat Baltiki, 1937), où Tcherkassov se vieillit avec adresse et conviction pour interpréter le rôle du professeur Polejaev, archétype de l'intellectuel progressiste (transposition transparente de son « modèle », le naturaliste Timiriazev par ailleurs député des cheminots moscovites en 1917). Trois années plus tard Kheifits et Zarkhi renouvellent cette réussite avec Membre du gouvernement (Člen pravitel'stva), qui évoque le destin d'une paysanne à demi illettrée promue député du Soviet suprême après avoir géré habilement un kolkhoze en difficulté, fait face à l'hostilité de son entourage et vaincu ses propres inhibitions. À l'« homme positif » se superpose la « femme positive » (remarquablement incarnée par Vera Maretskaia). Kheifits tourne pendant la guerre en Ouzbékistan On l'appelle Soukhe-Bator (Ego zovut Suhe-Bator, 1942) puis dans les studios géorgiens le Tertre de Malakoff (Malahov kurgan, 1944). Après un documentaire, ‘ la Défaite du Japon ’ (Razgrom Japonii, 1946), il réalise encore ‘ Au nom de la vie ’ (Vo imja žizni, 1947), ‘ Grains précieux ’ (Dragocennye zërna, 1948) et un documentaire, ‘ les Feux de Bakou ’ (Ogni Baku, CO : R. Takhmasib), qui, filmé en 1950, ne sera diffusé que huit ans plus tard. Puis il se sépare de son alter ego : Aleksandr Zarkhi. Ainsi, à peu d'années près, les deux plus célèbres tandems du cinéma soviétique, Kozintsev-Trauberg et Kheifits-Zarkhi, interrompent une carrière commune pour suivre des chemins indépendants. Kheifits signe Printemps à Moscou (Vesna v Moskve, 1953), avec Nadejda Kocheverova, puis met en scène seul Une grande famille (Bol‘ šaja sem ’ja, 1954), qui privilégie les problèmes des individus par rapport à la propagande de masse et apparaît déjà comme un film poststalinien qui ouvre la voie à la libéralisation de la fin des années 50. Après ‘ l'Affaire Roumiantsev ’ (Delo Rumjanceva, 1955) et ‘ Très cher humain ’ (Dorogoj moj celovek, 1958), il s'impose soudain hors des frontières soviétiques par une adaptation habile et charmeuse de Tchekhov : la Dame au petit chien (Dama s sobačkoj, 1960). Les vétérans du cinéma en URSS prouvent qu'ils sont encore « verts » (Kalatozov suit un chemin parallèle à celui de Kheifits avec Quand passent les cigognes). Kheifits ne retrouvera jamais la réussite de la Dame au petit chien, mais ses films ultérieurs, pour académiques qu'ils soient, ne manqueront pas de savoir-faire : ‘ l'Horizon ’ (Gorizont, 1962) ; ‘ Un jour de bonheur ’ (Den ’sčast'ja, 1964) ; ‘ Dans la ville de S. ’ (V goroda S., d'après Tchekhov encore, 1966) ; Salut Maria ! (Saljut Marija, 1970) ; ‘ Un bon méchant homme ’ (Plochoj chorošij čelovek, 1973) ; la Seule et unique (Edinstvennaja, 1975) ; Assia (Asja, 1977) ; Mariée pour la première fois (V pervye zamužem, 1979) ; Chourotchka (Šuročka, 1983) ; le Prévenu (Podsudimyj, 1985) ; Souvenons-nous, camarades (Vspomnim, Tovarišč, 1986) ; Et alors les vieux ? (Vy č'e starič'e ?, 1988) ; l'Autobus errant (Brodjačij avtobus, 1990). ▲

KHITROUK (Fédor) [Fëdor Savelievič Hitruk]

cinéaste soviétique (Tver 1917).

Il travaille dans les studios Soyouzmoultfilm depuis les années 50 et s'est imposé comme l'un des maîtres de l'animation soviétique dès son ‘ Histoire d'un crime ’ (Istorija odnogo prestuplenija, 1962), qu'il fait suivre d'autres réussites comme ‘ Toptytchka ’ (Toptyčka, 1964), ‘ les Vacances de Boniface ’ (Kanikuly Bonifacija, 1965), évocation du voyage d'un lion de cirque venu revoir sa mère en Afrique, le satirique ‘ Film, film, film ’ (1968), ou ‘ l'Île ’ (Ostrov, 1973). En 1970, il avait réalisé en RDA en collaboration avec Katia et Klaus Georgi un film ambitieux : ‘ le Jeune Friedrich Engels ’ (Junoša Fridrih Engels/Ein junger Mann namens Engels). Il signe ensuite notamment ‘ Je te fais cadeau d'une étoile ’ (Darju tebe zvezdu, 1974), ‘ l'Équilibre de la peur ’ (Ravnovesie, 1975), ‘ Icare et les Sages ’ (Ikar i mudrecy, 1976).

KHITTL (Ferdinand)

cinéaste allemand d'origine tchécoslovaque (Franzensbad [auj. Františkový Lózně], Tchécoslovaquie) 1924 - Bad Friedrichshall, 1976).

Ce sont ses documentaires qui l'ont fait connaître : Auf Geht's (1955), sur la fête de la bière à Munich ; Ungarn in Flammen (1956) ; Grossmarkthalle (1958) ; Der Magische Band (1959), film industriel sur les colorants synthétiques. En 1962, c'est le coup d'éclat de Die Parallelstrasse (la Route parallèle), long métrage expérimental composé à partir de vues du Machu Picchu, d'Angkor, du Fuji-Yama et de documents divers d'actualité, intercalés dans une sorte de procès kafkaïen. Canular ? Poème métaphysique ? Film « borgésien » si l'on veut, il fit en tout cas les délices des surréalistes... survivants. Khittl tourne en 1963 : Ein Werk von hundert Jahren et en 1965 Der heisse Frieden, deux documentaires.

KHLEIFI (Michel)

cinéaste belge d'origine palestinienne (Nazareth, 1950).

Émigré en Belgique à vingt ans, il est tout d'abord reporter à la télévision, pour laquelle il réalise une série sur la Palestine en 1978-1981. Son pays natal inspire son œuvre : la Mémoire fertile (1980), documentaire-fiction sur des femmes palestiniennes, Noces en Galilée (1987), fiction attachée à décrire contradictions et compromis d'une société sous étroite surveillance, Cantique des pierres (1990), un film qui montre la violence quotidienne de l'Intifada — la révolte des pierres —, le Conte des trois diamants (1995), sur la situation et les rêves d'un enfant du territoire de Gaza. L'œuvre de Khleifi apparaît comme la création, sur une initiative et sous un regard venus de l'extérieur, d'une cinématographie palestinienne de l'intérieur.